Noël n'a rien de religieux, le sapin non plus

Noël et Jour de l'An - 2010- 2011



Chaque année à pareille date surgit un psychodrame aussi inévitable que le retour du solstice: comment appeler les décorations de Noël? Cette année, c'est au tour du bureau du premier ministre Jean Charest d'entrer dans la valse d'un excès de rectitude politique sur fond de méconnaissance de l'histoire.
S'il faut appeler un chat un chat, appelons les décorations de Noël par leur nom. Le mot Noël n'a rien de spécifiquement chrétien ni même de religieux au sens actuel du terme. Le mot a deux étymologies possibles. La première serait une contraction du latin natalis (naissance), tiré de natalis dies sol invictus, le «jour natal du Soleil invaincu». (Noël semble loin de natalis, comme l'a souligné Hubert Laforge dans ces pages, mais on connaît d'autres mots ayant subi des transformations semblables, notamment patella, qui a donné poêle.)
Bien avant l'apparition du christianisme, cette fête était célébrée chez les Romains le 25 décembre, date à laquelle correspondait le solstice d'hiver avant la réforme du calendrier par Jules César. Cette fête du Soleil invaincu était celle de Mithra et a été christianisée au IVe siècle après que l'empereur Constantin eut imposé le christianisme comme religion d'État. Le natalis dies dont il est question dans Noël ne réfère donc pas à la naissance de Jésus, comme le pensent plusieurs, mais à celle de Mithra. Voilà ce que les dictionnaires ne précisent pas.
Une autre origine possible est le terme gaulois noio (nouveau) combiné au grec hel (soleil), ce qui donne noio hel pour nommer le jour du solstice. Que l'on adopte l'une ou l'autre des étymologies, Noël nous renvoie, dans les deux cas, aux fêtes du solstice d'hiver. Même les Vikings s'adonnaient à des festivités à l'approche de ce moment de l'année, festivités appelées yul; dans les langues scandinaves d'aujourd'hui, Noël se dit Yul, mot que l'on retrouve aussi dans l'anglais classique comme dans le terme yul log, la bûche de Noël.
Coutume celtique
Quant au sapin de Noël, il nous viendrait des Celtes. Plus de 1000 ans avant le christianisme, les Celtes décoraient un sapin (symbole de vie) avec des fruits et des fleurs lors du solstice d'hiver. La pratique serait passée au christianisme par les Alsaciens qui en avaient maintenu la tradition. Mais ce n'est qu'au IXXe siècle que le protestantisme allemand l'a adopté alors que le catholicisme ne s'y est résigné qu'au XXe siècle. Jusqu'aux années 40, l'Église catholique considérait encore le sapin de Noël comme une pratique païenne condamnable. Il est pour le moins paradoxal qu'on attribue aujourd'hui au sapin de Noël un caractère trop catholique!
Ce que certains chrétiens fêtent le 25 décembre, c'est la Nativité. Le fait qu'il subsiste deux termes pour désigner cette date montre qu'il y a là deux dimensions. Les fêtes de familles, les partys de bureau, les festins, les décorations, les échanges de cadeaux et les beuveries sont liées à Noël et n'ont rien à voir avec le Jésus de la crèche. Aujourd'hui, Noël est souligné même au Japon et il faut y voir l'effet de la commercialisation plutôt que celui des missionnaires. Malgré la christianisation des fêtes du 25 décembre, la Nativité n'est en fait pas parvenue à éclipser les fêtes carnavalesques héritées des Saturnales romaines et des réjouissances celtes. De la même façon que Mithra est tombé dans l'oubli, le père Noël a éclipsé le sens religieux de la fête.
On peut donc choisir de fêter ce que l'on veut le 25 décembre, et les chrétiens n'ont pas l'exclusivité de ces festivités de fin d'année. Que l'on soit chrétien, musulman, juif, interculturaliste ou athée, on aurait bien tort de ne pas participer à ces réjouissances et de ne pas éclairer par un sapin illuminé, même devant le parlement, les nuits les plus longues de l'hiver.
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Daniel Baril, Anthropologue et conseiller au Mouvement laïque québécois

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Anthropologue de formation, ex-rédacteur à l’hebdomadaire Forum de l’Université de Montréal, administrateur au Mouvement laïque québécois et à l’Association humaniste du Québec.

Auteur de Aux sources de l’anthropomorphisme et de l’idée de Dieu et codirecteur des ouvrages collectifs Heureux sans Dieu et Pour une reconnaissance de la laïcité au Québec.





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