Les délégués du Parti québécois étaient réunis à Québec, la fin de semaine dernière. C’est un premier conseil national politiquement réussi pour Jean-François Lisée.
Le PQ propose un programme robuste pour montrer que ce n’est pas parce que l’indépendance ne se fera pas au cours de son premier mandat aux commandes de l’État qu’il ne fera rien. Affirmant souhaiter reconstruire un Québec mis à mal par 15 ans de pouvoir presque ininterrompu du Parti libéral, le PQ a mis de l’avant un nationalisme économique assumé en fin de semaine dernière. « On ne veut pas revivre de RONA ! », martelait Lisée. Le chef péquiste a alors notamment fait miroiter une potentielle politique d’achat au Québec ainsi qu’une utilisation accrue de la Caisse de dépôt et placement pour cesser l’hémorragie de nos sièges sociaux. Fort bien. Je ne peux que me réjouir de cette volonté que nous nous donnions les moyens de nous réapproprier notre économie et que nous puissions à nouveau être « maîtres chez nous ».
Par contre, nous avons aussi appris que l’aile jeunesse du PQ était en porte-à-faux avec la position officielle du parti par rapport à l’Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne.
Or, le nationalisme économique est incompatible avec un traité qui sera nuisible pour la balance commerciale, qui mènera à ce qu’une plus grande part des PIB nationaux soit concentrée dans les mains du capital tandis que la part consacrée au travail déclinera, qui entraînera des compressions salariales, qui sera responsable d’importantes chutes de revenus gouvernementaux. Selon les chercheurs Pierre Kohler et de Servaas Storm de l’Université Tufts, qui ont habilement déboulonné les méthodologies des gouvernements servant à nous vendre l’AÉCG, 230 000 emplois seront perdus d’ici 2023 dans les pays signataires de l’AÉCG.
Le nationalisme économique ne peut être conciliable avec un accord permettant aux multinationales européennes de participer aux appels d’offres de l’État québécois.
Il ne peut non plus s’accoupler d’un traité forçant la dénaturation de l’action d’Hydro-Québec par l'ouverture de la moitié de ses contrats. Quelles en seront les conséquences ? Je vous invite à lire un de mes textes de novembre dernier.
Le nationalisme économique ne saurait s’accommoder d’un texte qui ne protège pas la culture et adopte plutôt de celle-ci une définition étroite et marchande.
Une position nationaliste en économie ne peut soutenir un abaissement des quotas et des droits de douane en favorisant une entrée massive des produits européens, déclenchant une guerre des prix par l’ajout de 17 000 tonnes d’importations, promettant d’écraser le potentiel de croissance du secteur des fromages fins au Québec. Le combat en faveur des compensations –temporaires- à offrir aux producteurs pénalisés est insuffisant, faisant alors assumer au contribuable le point de passer d’un système de gestion de l’offre à un système agricole subventionné.
L’enjeu du libre-échange dépasse, bien entendu, ce seul AÉCG. Jean-François Lisée a présenté le nationalisme économique comme une réponse au protectionnisme du président élu Donald Trump. On sait que le prochain président, assermenté demain, compte remettre en question le libre-échange. Ne serait-il pas temps pour le PQ de faire de même ?
Ce ne sera pas facile, le libre-échangisme est très fort au PQ. Pour des raisons par ailleurs évidentes. Alors que le référendum de 1980 avait été perdu sur des peurs économiques, Jacques Parizeau et Bernard Landry, deux économistes chevronnés connaissant bien le milieu de la finance, se sont alors promis de désamorcer à jamais le chantage d’Ottawa. Le but était de sortir le Québec du cadre économique canadien en renverser les axes d’échange afin que les exportations du Nord vers le Sud soient désormais plus importantes que celles qui s’effectuent de l’Est vers l’Ouest. Une manière de dire « on ne dépend plus de vous ! ».
Or, en 2017, un bilan lucide s’impose. La position de Jacques Parizeau avait d’ailleurs évolué, si bien qu’il avait, au début des années 2000, alerté les Québécois contre le dangereux Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), aujourd’hui enterré. La première évidence à laquelle il s’impose de se rendre, c’est que le système du libre-échange n’est pas synonyme d’ouverture au commerce. La seconde, c’est que les accords de libre-échange d’aujourd’hui n'ont plus grand chose à voir avec ceux d'il y a quelques décennies. Les traités d'aujourd'hui ne visent plus à abaisser les droits de douane (qui sont maintenant pratiquement inexistants) sur les marchandises. Ces gigantesques pavés mènent plutôt à l’étouffement des États sous des milliers de pages de règlements afin d'imposer une direction précise aux pouvoirs publics.
C’est la démocratie en elle-même qui en grand danger. Défendre la souveraineté, ce n’est pas que lors d’un référendum que c’est pertinent.
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