(Lettre à Radio-Canada)

« Mon pays, c'est un hôpital » (Radio-Canada)

Tribune libre - 2007


Je réside à Québec et suis fidèle à vos bulletins de nouvelles aussi bien à la radio qu'à la télévision. Je vous signale que certains de vos auditeurs commencent à se demander s'il n'existe pas un agenda caché qui rendrait compte de l'extraordinaire et persistante morbidité du bulletin de nouvelles de Radio-Canada. Vous auriez intérêt à prendre la mesure de l'exaspération que vous êtes en train de générer envers la télévision d'État.
Au Québec, nos taxes servent à nous décrire nous-mêmes comme une vaste collection de malades ou de souffreteux, frappés de dégénérescences multiples physiques ou mentales, d'incapacités débilitantes, qui arpentent tristement, d'un pas hésitant, des corridors glauques d'hôpitaux dont le personnel est à bout de souffle. Un séjour à l'hôpital ou en centre d'accueil représenterait l'essentiel du nirvana à la québécoise. Je n'ai jamais vu ailleurs dans le monde pareille complaisance dans l'épidémique, le pestilentiel, le morbide, le déliquescent, le moribond, le moisi et j'en passe, de la part d'un organisme public d'information tel que Radio-Canada.
Vos équipes de prises d'images séjournent en quasi-permanence dans les hôpitaux, sans que le ministre de la Santé ne s'en étonne. Le Québec est ainsi dépeint par vos services non comme une province ou un pays mais comme un vaste hôpital où tout le monde est malade ou le deviendra sous peu. Pour paraphraser le grand Gilles Vigneault, selon Radio-Canada : Mon pays, c'est un hôpital !
Je m'intéresse depuis longtemps aux stratégies employées par les nations dans les guerres de l'information qu'elles se livrent régulièrement les unes aux autres. Le comportement de Radio-Canada s'apparente curieusement à certaines approches préconisées lorsqu'on veut prendre le dessus sur un adversaire sans avoir besoin de recourir à la force.
Il y a bien des façons de rendre des peuples ou des nations dépendantes, impuissantes, anomiques, décrocheuses ou suicidaires, individuellement aussi bien que collectivement. Normalement, bien des années avant le choc des peuples, la nation adverse est dépeinte comme remplie d'organismes malades, cachectiques, obèses, affaiblis, souffrants, paralytiques, stériles, tandis que son propre groupe abonde en individus sains de corps et d'esprit, jeunes, forts, athlétiques, débordants de santé et de vie, bref des héros en puissance prêts à tous les défis et à toutes les victoires, aux Jeux olympiques par exemple.
Je me demande bien qui peut avoir intérêt à ce martelage incessant de soi-disant nouvelles qui accordent une importance hors de toute proportion à des myriades de bobos, de dysfonctionnements hospitaliers ou bien à des phénomènes vitaux normaux comme la maladie et la mort, lesquels, chez la plupart des nations, n'attirent pas l'attention publique outre mesure, comme c'était d'ailleurs le cas au Québec jusqu'à une époque récente. Il ne me semble pas que vous vous conduisiez de façon analogue dans les autres provinces du Canada. Est-ce le cas ?


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