Mme Marois n’aura pas réussi à rassembler

Chronique de Gilles Verrier

De toute évidence, Mme Marois n’aura pas réussi à rassembler autour d’elle l’ensemble de ce qu’on peut appeler la « mouvance souverainiste ». Comme Aznavour dirait : « Il est trop tard désormais ». C’est d’ailleurs un constat sur lequel il est difficile de ne pas être d’accord. Je constate aussi que des arguments solides sont formulés chez ceux qui la soutiennent comme chez les autres, c’est aussi une évidence. Ces arguments sont exprimés dans la vaste majorité des cas par des personnes intelligentes et bien renseignées, par des Québécois qui ont au coeur l’amour du Québec. Ils sont pourtant divisés.
D’où vient cette discorde sur fond d’ambiguïté à propos de laquelle personne ne semble être en mesure de trancher ? D’où vient ce sentiment de malaise persistant ? Le problème me semble venir en grande partie du fait que la principale intéressée reste trop discrète sur ses intentions, plus précisément discrète sur la politique qu’elle entend mener si elle accédait prochainement au poste de premier ministre. Dans l’atmosphère de cette discrétion malaisée, qui dans les circonstances pourrait facilement s’appeler un manque de transparence politique, les doutes quant à la sincérité de la personne ne pourront s’éteindre. Pour toutes sortes de raisons, dont plusieurs renvoient à des gestes troublants du PQ au fil des décennies, le petit québécois électeur souverainiste est devenu bien méfiant ! Il refuse de se faire tondre comme un mouton, en tout cas il craint d’être pris pour un mouton.
Du côté de Mme Marois, pour le dire en quelques mots, je pense qu’on a confondu l’idée éventuellement justifiée de ne pas faire de stratégie ouverte avec l’idée de ne pas faire de politique ouverte tout court. Tant que Mme Marois se cramponnera dans une forme de marketing politique, que d’autres appelleraient une forme de « rectitude politique », elle aura beaucoup de mal à convaincre ceux qui attendent d’elle une évidente sincérité. Mme Marois devrait penser à sortir de sa tranchée devenue trop confortable et parler à coeur ouvert à son propre camp. Ce serait très difficile pour elle car elle n’a pas l’habitude, je l’admets. Pour ma part, j’ai beau fouiller ma mémoire mais je n’ai jamais entendu de sa bouche ou lu de sa plume un véritable appel à l’indépendance du Québec. Quant à avoir contribué, serait-ce sur le plan poétique, littéraire ou sur le plan des idées fondamentales à l’indépendance, oubliez ça. Mais c’est une denrée si rare chez les « politiques modernes » pour qui les aptitudes du vendeur prennent nettement le pas et de loin sur les aptitudes du penseur. Donc, rareté oblige, je ne lui en fais pas reproche. Mais néanmoins, chez elle, on sent bien le cerveau et le calcul, mais pas la verve et le coeur d’une patriote. Au fond, je suis tout perplexe et je me demande simplement ce qu’elle veut. Si elle était plus limpide, je sens bien que nous pourrions nous entendre ou sinon nous séparer clairement et pour de bon. En attendant, chicanons-nous grâce à sa discrétion, car j’ai peu d’espoir qu’elle descende aussi bas que de venir nous adresser la parole sur Vigile. Après tout, que valons-nous ? Nous sommes des nuls et c’est ce sentiment de mépris de la classe politique qui me révulse.
Gilles Verrier

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Gilles Verrier139 articles

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Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





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9 commentaires

  • Gilles Verrier Répondre

    28 janvier 2012

    1940 et non 1040, ce n'était pas l'erreur à chercher. Le lecteur l'aura compris.
    GV

  • Gilles Verrier Répondre

    28 janvier 2012

    @ M. Haché
    Vous écrivez :
    «Mais si, par malheur, nous étions en face d’une vichyste, une Darlan adroitement convertie...»
    En dépit de ce doute éventuellement funeste que vous soulevez, vous l'appuyez sans condition. D'autres tirent d'autres conclusions. Je vois donc dans votre message une validation de ce que j'ai exprimé plus haut.
    La comparaison avec de Gaulle est intéressante pour la gravité des situations de la France de 1940 et de celle du Québec d'aujourd'hui. Vous remarquerez cependant que De Gaulle n'avait rien d'ambiguë dans son patriotique appel à la libération du 20 juin 1040. Cherchez l'erreur.
    GV

  • Marcel Haché Répondre

    27 janvier 2012

    M. Verrier. ( aussi à Pierre Bouchard)
    Je crois que vous êtes un admirateur du Général. Je suis aussi un admirateur du Général de Gaulle.
    Ceux qui n’acceptaient pas la défaite de Juin 40 et qui le rejoignaient en Angleterre, ils n’étaient pas certains de revoir la France. Mais leur idée de ce qu’était la France ne pouvait pas s’accorder avec ce qu’elle devenait déjà, et ce qu’elle allait devenir assurément. À Londres, De Gaulle fut suspecté par ceux-là mêmes qui nous paraissent aujourd’hui ses alliés naturels, les anglais et les américains. C’est au Général que l’Histoire a donné raison. Sa fidélité était supérieure. Je ne crois pas rien vous apprendre. Et je ne m’aventure pas à comparer Pauline Marois au Général, certes non. Mais Pauline Marois n’est pas moins une aussi grande patricienne que Jacques Parizeau. Je crois simplement à sa fidélité au pays.
    Mais si, par malheur, nous étions en face d’une vichyste, une Darlan adroitement convertie, nous savons bien que les indépendantistes seraient en mesure de lui faire la vie très dure… À cet égard, je dirais bien que les indépendantistes ont déjà pris, inutilement, une certaine avance. Je ne vous l’apprends pas non plus…

  • Archives de Vigile Répondre

    27 janvier 2012

    Madame Marois est en train de modifier sa stratégie car elle s'est fait doubler sur le terrain de la "coalition" par François Legault. Car, que l'on ne s'y trompe pas, Mme Marois désirait depuis longtemps récupérer les adéquistes et autres fédéralistes nationalistes. Les rapatriements de pouvoirs qu'elle prônait ne visaient que cela.
    Maintenant que Legault l'a doublée et a réussi son pari, elle se retrouve gros-Jean-comme-devant, et doit réajuster le tir. Elle doit maintenant se positionner autrement sur l'échiquier politique, car la place qu'elle visait lui a été dérobée.
    Comment va-t-elle se repositionner? Bien malin qui pourrait le dire avec certitude, mais je crois qu'elle n'aura pas d'autre choix que de se rapprocher de la souveraineté, car tout l'espace fédéraliste est occupé.
    Le hic c'est sa crédibilité en la matière. Qui la croira véritablement convaincue, après qu'elle ait prêché sa gouvernance souverainiste aussi longtemps?

  • Archives de Vigile Répondre

    27 janvier 2012

    Bonjour M. Haché,
    Si on ne connaît pas mon discours en effet, ce que je dis peu paraître abusif. On sait que chaque parti agit toujours selon la manière du chef, il en prend les couleurs. Rien dans le passé de Mme Marois ne nous autorise à croire que dorénavant, le PQ sera proactif dans la défense des intérêts du peuple majoritaire, Nous les Tremblay d’Amérique. Il est temps de cesser de s’occuper tout le temps des autres, il est temps de voir sérieusement à la défense des intérêts du peuple majoritaire. Vous êtes d’accord là-dessus il me semble.
    Le PQ n’est pas nationaliste, il est plutôt multiculturaliste, ça aussi vous le dénoncez, et Mme Marois, même si vous n’êtes pas d’accord avec moi, est la plus pure représentante de cette mentalité nocive pour notre situation précaire.
    La gouvernance souverainiste préconisée est une bonne idée, oui, enfin on sort du culte du référendum et on promet de travailler dès maintenant. Mais le passé est garant de l’avenir : quand avez-vous vu un seul geste de la part de Mme Marois en cette direction ?
    N’avez-vous pas vu, comme bien du monde, qu’elle a au contraire toujours pris de mauvaises décisions depuis qu’elle est chef ?
    Mme Marois a adopté le plan de Gérald Larose en le diluant tellement que l’essentiel est escamoté. M. Pomerleau a raison de marteler ce qu’il répète inlassablement mais il néglige le fait que le parti, c’est d’abord le chef, les autres suivent toujours sans rien remettre en question. M. Pomerleau nous dit bien qu’il y a un problème avec la faible direction du parti, mais il s’arrête là.
    Le pire voyez-vous c’est que, après quelques années de gouvernance provinciale, si jamais un jour Mme Marois jugeait qu’il est temps de forcer les choses, qu’est-ce qu’elle ferait ? Un 3e référendum, comme les 2 premiers. Elle et Duceppe sont parfaitement d’accord là-dessus, aucune discussion possible. Ça signifie quoi ? Mme Marois nous promet de faire comme le PQ a toujours fait depuis Bouchard et Landry, en le disant ouvertement. Croyez-vous que pour ces anciens chefs, il n’était pas question aussi de travailler dès maintenant (dès leur élection) à notre projet de libération ?
    Il est absolument incompréhensible cet entichement de Mme Marois, ça m’apparaît irrationnel. Si Mme Marois était nouvelle en politique je serais certainement tenté de lui faire confiance en espérant encore, mais toute sa carrière politique nous montre qu’elle n’est pas à sa place comme chef d’un parti supposément voué à notre émancipation.
    M. Haché vous dites « L’erreur historique des indépendantistes, c’est d’avoir espéré et cru que la prise du pouvoir pouvait être un aboutissement à brève échéance, alors que cela aurait TouJours dû signifier le début seulement de la conquête de notre indépendance ». Vous avez parfaitement raison c’est pourquoi Mme Marois, qui est en quelque sorte l’aboutissement de la personnalité troublée du PQ depuis Lucien Bouchard, est dangereuse pour notre avenir, étant donné l’urgence démographique.

  • Marcel Haché Répondre

    27 janvier 2012

    @ Pierre Bouchard
    "Elle, Mme Hébert et M. Vincent espèrent encore que le PQ va travailler à notre émancipation s’il est porté au pouvoir alors qu’il nous dit et répète qu’il va s’y mettre dans 10 ans seulement".Pierre Bouchard.
    Ce que vous affirmez n'est pas exact.Ce n'est pas "DANS 10 ans",cela ressemblerait plus à la mise entre parenthèse de Legault, c'est maintenant une gouvernance souverainiste qui prendra 10 ans 20 ans,le temps qu'il faut,mais à partir de Maintenant pour arriver au pays.
    L'idée du référendum n'a jamais été une très bonne idée.Mais l'idée d'en tenir un rapproché de la prise du pouvoir,à moins d'être certain du résultat(positif),c'est vraiment le bout de vous savez quoi.Cela est connu depuis 1995 !
    L'erreur historique des indépendantistes,c'est d'avoir espéré et cru que la prise du pouvoir pouvait être un aboutissement à brève échéance,alors que cela aurait Tou-Jours dû signifier le début seulement de la conquête de notre indépendance

  • Luc Bertrand Répondre

    27 janvier 2012

    Monsieur Verrier, Pauline Marois, si elle l'avait voulu, aurait pu faire même mieux que Parizeau. Souvenez-vous, après avoir contraint Pierre-Marc Johnson à quitter la tête du PQ en novembre 1987, à part les pur(e)s et dur(e)s de l'indépendance, très peu avaient une bonne image de Jacques Parizeau, qui faisait tout aussi bourgeois et hautain que Pauline Marois en 2007. Et qui avait, lui aussi, posé des gestes impopulaires (baisses de salaire des fonctionnaires de 20%) ou douteux (nationalisation de l'amiante).
    Jacques Parizeau, lui, avait une vision claire du Québec qu'il voulait faire et était résolu à prendre les moyens pour y arriver. Les critiques fédéralistes l'ont traité de bulldozer, l'ont accusé de mauvaise foi et de brûler les étapes. Sa détermination, sa franchise et sa cohérence entre le discours et l'action en dépit de l'adversité lui ont valu le respect de la population à défaut de la popularité. Ses mauvais coups, lui, il les assumait. Il ne cherchait jamais à se dérober derrière un écran de fumée ou à se mettre la tête dans le sable, comme l'a démontré son renoncement, au profit de Lucien Bouchard, de la direction du camp du OUI en 1995.
    Mais ce n'est pas qu'une seule question de personnalité ou de leadership. Pauline Marois a répété les mêmes erreurs de ses prédécesseurs (hormis Parizeau): solliciter un mandat de "bon gouvernement" sans les moyens pour le faire (l'indépendance). Prétendre que promettre un référendum est de faire de la "stratégie ouverte", c'est prendre les Québécois(e)s pour des caves ou, pire, ne pas avoir compris les leçons de l'histoire ou ne pas avoir le courage d'en tirer les conclusions et celui de prendre les mesures qui s'imposent.
    Le véritable problème du PQ, c'est d'accepter de dissocier la prise du pouvoir de la réalisation de l'indépendance. On en a déjà amplement parlé depuis près de 40 ans, sur Vigile.net comme ailleurs.
    La gouverne provinciale, c'est, au mieux, invalider l'argument de nécessité et d'urgence de faire l'indépendance. Au pire, c'est faire la démonstration de notre impuissance et de notre inefficacité à régler les problèmes, donc de ne pas être meilleurs que les partis fédéralistes. Dans les deux cas, les fabricants d'opinion des médias - toujours fédéralistes - se chargent, bien sûr, de discréditer l'idée d'indépendance aux yeux de la population. Au mieux, elle est inutile; au pire, elle démontre l'incompétence des péquistes à administrer la moitié de notre budget et de nos pouvoirs.
    En conséquence, la seule politique possible c'est faire l'indépendance dès l'élection majoritaire d'indépendantistes à l'Assemblée nationale. En déclarant faire porter l'élection sur cet enjeu, on est clair envers la population, on est cohérent avec notre discours et on enlève toute possibilité de contestation de la légitimité de la démarche et, surtout, de la victoire.
    À défaut, on accepte de bonne grâce l'opposition officielle et on profite de toutes les occasions pour confronter le gouvernement provincial avec ce qui aurait été possible en étant souverains. Cela ne peut que discréditer les prétentions que le Québec province se suffit à lui-même et ouvre les yeux à la population en lui permettant ainsi de voir le lien direct entre les "vrais" problèmes non résolus et le statut de province du Canada.
    De cette manière, l'idée de souveraineté toujours avance, jamais ne recule. Et pour vrai.
    Mais ne pas pouvoir épater la galerie avec sa limousine de ministre en se contentant de l'opposition, accepter un salaire de député plutôt que de ministre, c'est inacceptable pour un(e) député(e) péquiste! Surtout après avoir léché le cul - souvent en se couvrant de ridicule - du (de la) chef pour monter dans ses bonnes grâces! Et, dans le cas de Pauline Marois, quand on a la chance de devenir la première première ministre du Québec sans prendre d'engagement compromettant! Quelle honte!

  • Archives de Vigile Répondre

    27 janvier 2012

    Monsieur Verrier
    En parlant de fond d'ambiguïté, en voici une bonne pour vous. Dans le journal le Devoir, d'aujourd'hui, se trouve un article intitulé: CAUCUS DU PARTI QUÉBÉCOIS - MAROIS BRAQUE SES CANONS SUR HARPER.
    Dans les trois premières lignes de cet article, il est écrit ceci:
    Joliette - Il est temps que les souverainistes s'unissent , croit Pauline Marois, car le gouvernement Harper à Ottawa pourrait amener les Québécois à faire l'indépendance. -
    C'est le comble du ridicule! À quoi sert le PQ?
    André Gignac 27/1/12

  • Archives de Vigile Répondre

    26 janvier 2012

    Bonjour M. Verrier
    J’ai tenté d’expliquer dans plusieurs textes pourquoi le PQ actuel, s’il prenait le pouvoir, signerait notre arrêt de mort. J’ai répondu également aux insultes de Mme Ferretti, je l’ai fait rationnellement. Ici, vous résumez bien tout ce que j’ai tenté de dire à propos de Mme Marois, vous le faites mieux, vous parvenez à un niveau d’objectivité auquel j’aspire. Merci.
    Pour illustrer un peu pourquoi ce manque de confiance envers Mme Marois, souvenons-nous qu’une de ses premières décisions lorsqu’elle est devenue chef fut de reporter à 2011 le Congrès qui devait avoir lieu en 2009. Ce n’était pas innocent. Nouvellement venue à la direction, au lieu d’exposer aux militants ses intentions, elle a toujours agi au contraire pour ne jamais se mouiller sur rien.
    Pauline Marois, comme tant d’autres politiciens professionnels, n’agit véritablement qu’une fois rendu au bord du précipice. Le PQ ne construit rien depuis tant d’années et tout d’un coup, Mme Marois se réveille un peu et lance toutes sortes d’initiatives (les études sur la souveraineté, un comité stratégique sur la souveraineté, le recrutement de Daniel Breton, etc.). Pourquoi n’avoir rien fait avant ? Difficile pour moi de faire confiance avec un tel comportement.
    Ce soir je m’en allais ajouter mon commentaire à Mme Ferretti, qui me trouble avec son comportement de brute sans argument et son féminisme haineux. Pourquoi, avec ses accusations de misogynie et d’anti-indépendantisme, insulte-t-elle ceux qui, comme vous et moi, ne pouvons pas avoir confiance en Marois ? Pourquoi refuse-t-elle de voir plus loin que l’élection à venir ? Elle, Mme Hébert et M. Vincent espèrent encore que le PQ va travailler à notre émancipation s’il est porté au pouvoir alors qu’il nous dit et répète qu’il va s’y mettre dans 10 ans seulement. Là-dessus on peut lui faire confiance car à part l’année de Parizeau, le PQ s’est toujours comporté de la sorte, la remise à plus tard.
    M. Vincent dit qu’il sera trop tard dans 10 ans, alors quoi, pourquoi encourage-t-il Marois dans ce cul de sac ?
    Bon je me répète. Mes salutations.