Michael Sabia hérite du casse-tête de la Caisse

Ses priorités: la réévaluation de la gestion du risque et la révision de la stratégie de placement

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La Caisse de dépôt et placement du Québec, qui a semé l'émoi avec une perte de 40 milliards en 2008, a de nouveau secoué les milieux financiers hier et rompu avec l'habitude de se donner des patrons spécialisés en haute finance en offrant sa présidence à l'ancien chef de BCE, Michael Sabia.
Arrêté à peine une semaine après l'embauche d'un président du conseil, le choix de M. Sabia arrive à un moment crucial pour la Caisse, dans la mesure où celle-ci se relève de la plus grosse perte de son histoire, fait l'objet de très lourdes critiques et doit regagner la confiance de ses déposants et du public. Il entre en poste immédiatement, en remplacement de Fernand Perreault, qui assurait l'intérim.
Ontarien d'origine installé à Montréal depuis les années 1990, M. Sabia, qui ne faisait pas l'unanimité pour sa gestion de BCE, prend les commandes du plus gros investisseur institutionnel au pays. Il était en concurrence avec une autre personne, mais le nouveau président du conseil, Robert Tessier, n'a pas rencontré l'autre tellement il estimait que M. Sabia, figure centrale du monde des affaires canadien, était l'homme de la situation.
Président de la société mère de Bell Canada (BCE) de 2002 à 2008, où il a recentré la compagnie sur sa mission première en vendant des activités non essentielles et en licenciant des milliers d'employés, M. Sabia a quitté BCE après que la vente de la compagnie au régime ontarien Teachers eut avorté. Il a aussi été directeur financier du Canadien National de 1995 à 1999, aux côtés de Paul Tellier, a travaillé au ministère fédéral des Finances, au sein duquel il a oeuvré au lancement de la taxe sur les produits et services (TPS), et a occupé des fonctions au bureau du Conseil privé. Il est diplômé de l'Université de Toronto et de Yale.
Lors d'une longue conférence de presse hier -- une heure et quart --, M. Sabia a dit que ses priorités «à court terme» seraient la réévaluation de la gestion du risque, la révision «en profondeur» de la stratégie de placement de la Caisse et la poursuite d'un travail «main dans la main» avec les 25 déposants de l'établissement.
«Oui, les pertes ont été importantes. Par conséquent, nous avons du travail à faire. Mais nous le ferons en bâtissant sur l'expertise et les connaissances de la Caisse», a dit M. Sabia. Il a dit qu'il fallait trouver de «meilleures façons de communiquer avec le grand public».
M. Sabia a aussi indiqué qu'il voulait examiner «comment la Caisse pourrait bénéficier du dynamisme des moyennes entreprises du Québec tout en améliorant nos rendements», une référence au rôle que certains voudraient voir la Caisse jouer dans l'économie québécoise. Il a dit que la Caisse aurait l'occasion d'investir dans des entreprises, mais n'a pas offert de détails.
Charest applaudit
Le premier ministre Jean Charest a dit que M. Sabia est «très connu dans les milieux d'affaires» et qu'il a un «parcours remarquable». Par ailleurs, le chef de cabinet de M. Charest, Daniel Gagnier, est une connaissance de longue date de M. Sabia. Ils se sont connus au Conseil privé, à Ottawa.
De son côté, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a dit être «confiante que, sous la direction de M. Sabia, la Caisse saura traverser cette période difficile et figurer de nouveau parmi les meilleurs gestionnaires».
En coulisse, toutefois, un certain mécontentement s'est fait sentir. «Il n'y a jamais eu de processus d'embauche. Le premier ministre a poussé une candidature et une seule uniquement dès le départ. Tout ce qu'a fait Egon Zehnder [la firme de chasseurs de têtes], c'est un simulacre», pestait hier une des personnes sérieusement pressenties pour le poste. Ce personnage de la haute finance internationale, qui a posé formellement sa candidature après y avoir été invité par plusieurs, notamment des proches des libéraux, confie n'avoir eu «aucune réponse» de la part d'Egon Zehnder.
«Il y a une dimension politique à ce poste et peut-être que ça l'affranchit des règles normales de procédure», a dit cette source. Peut-être qu'au fond, on a choisi la «bonne personne», a-t-elle nuancé.
Candidat réel
M. Tessier, qui est entré en poste la semaine dernière comme président du conseil, a dit qu'avant d'accepter son propre poste, il a vu la courte liste des candidats colligée par Egon Zehnder. «Il restait Michael Sabia et un autre. Quand j'ai vu son nom, j'ai demandé à le rencontrer pour voir s'il était réel. C'est un candidat surprenant, avec une carrière formidable au CN et chez BCE.»
La nomination de M. Sabia a été entérinée hier matin par le conseil de la Caisse et par le conseil des ministres.
Les mandats de plusieurs membres du conseil ne seront pas renouvelés, et M. Tessier n'a pas fini de trouver des personnes pour combler ces sièges.
Le conseil compte normalement 14 membres. À la réunion d'hier, seules huit personnes étaient présentes: M. Tessier, Christiane Bergevin, Claudette Carbonneau, Michel Lavigne, Ouma Sananikone, Steven Cummings, Louise Charette et Jean-Pierre Ouellet. Yvan Allaire, qui était au conseil depuis 2005 et présidait auparavant le comité de sélection, ne semble plus être du nombre.
M. Sabia a dit qu'il recevrait le même salaire que son prédécesseur, et qu'il n'avait pas cherché à négocier. Le salaire de base d'Henri-Paul Rousseau, alors qu'il était président, était de 490 000 $, plus les primes. En qualité de président par intérim, Fernand Perreault gagnait 430 000 $.
M. Sabia a dit que, l'an dernier, lorsque le conseil de la Caisse a cherché un successeur à M. Rousseau, il s'est retrouvé sur la liste des candidats mais qu'à l'époque, il n'était pas intéressé.
En raison de la mauvaise performance en 2008, l'actif net des déposants de la Caisse est passé de 155 milliards à 120 milliards.
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Avec la collaboration d'Antoine Robitaille


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