Le grand coup d’hier de l’escouade Marteau rassure dans un sens, mais doit inquiéter dans l’autre. Frank Zampino, ex-bras droit du maire Gérald Tremblay, serait donc, selon les mots de la police, la « tête dirigeante » d’un frauduleux stratagème. Et il n’aurait agi ainsi qu’une fois ? Et le maire ne se doutait de rien ? Et tout serait maintenant sous contrôle ? Doutons.
Gérald Tremblay a décidément le chic pour s’entourer de gens embarrassants. Pas tout son entourage, non, mais la liste est longue de gens qui ont eu son absolue confiance - présidents du comité exécutif, financiers du parti, rédacteur de son programme électoral, chef de cabinet… - et qui sont partis dans des circonstances douteuses ou qui, comme on l’a vu hier, font désormais l’objet d’accusations des plus sérieuses.
Bien sûr que les tribunaux-feront-leur-travail-dans-notre-société-de-droit, comme le veut le nouveau mantra des élus qui, à Québec comme dans le monde municipal, ont trouvé là la parfaite parade pour cacher leur laxisme. Mais prévenir les dérapages plutôt que fermer les yeux quand on en croise serait infiniment plus démocratique.
Frank Zampino avait les coudées larges à la Ville de Montréal, on ne s’étonnera donc pas d’apprendre que c’est lui qui aurait prétendument dirigé le système favorisant le promoteur immobilier Catania pour l’obtention d’un contrat de construction de 300 millions de dollars. Il était si bien placé pour ce faire qu’on ne voit pas pourquoi il se serait arrêté en si bon chemin.
Il y a quand même des coïncidences qui étonnent, comme le faisait valoir hier le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. Deux soumissionnaires pour le projet Contrecoeur, les deux mêmes pour celui du contrat des compteurs d’eau - le plus important jamais accordé par la ville. En l’espace de quelques semaines, coupées par le séjour de M. Zampino sur le yacht de Tony Accurso, l’entreprise de M.Catania rafle le premier contrat, celle de M.Accurso le deuxième. Bel adon ou « stratégie de partage de contrats », pour citer M.Bergeron ?
Le maire Tremblay n’a réagi qu’une fois placé devant les faits. Qui nous assure, en dépit de la mise en place de mesures anticollusion à Montréal, qu’on peut lui faire confiance ? Il y a encore des rumeurs qui circulent sur la Ville, des histoires que les journalistes vérifient, d’autres arrestations que l’on dit possibles. Le maire entend-il tout cela lui aussi ?
Il y a des limites à l’aveuglement volontaire quand des chefs d’accusation aussi graves que ceux d’hier sont déposés contre des gens impliqués politiquement, parmi lesquels on trouve Bernard Trépanier, dit « Monsieur 3 % », qui fut responsable du financement d’Union Montréal, le parti du maire.
C’est Donato Tomassi qu’il faut ici citer. Cet ex-organisateur libéral, qui en connaît un bout sur le sujet, se moquait récemment dans Le Devoir des politiciens qui, à la manière de l’ex-ministre Line Beauchamp, plaident l’ignorance quant aux gens qu’on leur présente et qui les financent… Imaginons quand en plus il s’agit de collaborateurs privilégiés !
Quant à Québec… Les ministres des Affaires municipales du gouvernement libéral ont vraiment le don pour ne se mêler de rien. Nathalie Normandeau a fermé les yeux sur le dossier Contrecoeur comme sur celui des compteurs d’eau, avalisant des pratiques douteuses mais qui, fiou !, n’avaient pas été déclarées illégales. Hier matin, à l’Assemblée nationale, l’actuel ministre Laurent Lessard n’avait tout simplement rien à dire des arrestations survenues plus tôt, pas plus qu’il n’avait, la veille, une opinion sur l’arrestation du maire de Mascouche.
Il faudrait pourtant que les gens au pouvoir se montrent aussi curieux que les journalistes et les policiers. Préserver l’intégrité de notre système, c’est aussi cela un idéal démocratique.
Arrestations à Montréal
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