Lisa-Marie Gervais - Jugeant qu'elle pourrait mettre en péril les soins de santé des Québécois, le Parti québécois demande au gouvernement d'envisager le retrait du Québec de l'entente sur la mobilité des médecins avec l'Ontario. Le Devoir révélait hier que l'Ontario ouvrait désormais toutes grandes ses portes aux médecins québécois qui souhaiteraient y pratiquer en vertu de l'entente signée il y a quatre mois, alors qu'au Québec certains obstacles demeurent pour les médecins ontariens, notamment ceux diplômés avant 1994, désireux de s'installer au Québec.
«Si la baignoire se vide plus vite qu'elle ne se remplit est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité d'envisager la clause de retrait?» a demandé le député péquiste Bernard Drainville, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, faisant ainsi allusion à une clause prévue dans un article du chapitre 7 de l'Accord sur le commerce intérieur, dont l'entente de mobilité découle. Selon lui, cet article permet au Québec de se retirer si l'objectif de «prestation de services sociaux et ou de services de santé appropriés» n'est pas respecté.
Pour le critique de l'Action démocratique du Québec en matière de santé, Éric Caire, le gouvernement a négligé de s'assurer que les deux organisations étaient au diapason. «Quand on signe une entente, on doit s'assurer que les médecins ontariens ont des incitatifs pour venir pratiquer au Québec. Le Québec est perdant sur toute la ligne», a-t-il dit, ajoutant que l'Ontario a quant à elle tout ce qu'il faut pour «vider l'Outaouais de son personnel médical».
Si le Québec tarde à ouvrir toutes grandes ses portes aux médecins ontariens, c'est que l'Office des professions travaille encore sur la réglementation d'un tel accord. «Est-ce que c'est conforme aux normes, est-ce que le Collège devra retravailler un petit peu son règlement avant qu'il soit apte à être adopté? C'est là-dessus qu'on travaille», a indiqué Jean-Paul Dutrisac, président de l'Office des professions du Québec. Devant le dépôt d'une série d'ententes-cadres avec les différents ordres du Québec et ceux de provinces canadiennes et de France, M. Dutrisac reconnaît toutefois être quelque peu débordé. «Pas dans le sens qu'on ne peut pas suffire à la tâche, mais c'est vrai qu'il y a une inflation de dépôts de réglementations. On doit les traiter une à une», a-t-il ajouté. Selon lui, les barrières québécoises seront complètement levées d'ici quelques mois.
L'entente France-Québec
Au lendemain de la signature de l'entente-cadre sur la mobilité des médecins entre le Québec et l'Ontario, le ministre de la Santé s'était voulu rassurant en soutenant que le problème du départ de certains médecins vers l'Ontario pourrait être résolu par l'arrivée de médecins immigrants, notamment des Français. Le député Bernard Drainville demeure toujours sceptique. «Avant d'ouvrir les vannes vers l'Ontario, assurons-nous d'abord que l'arrivée de ces fameux médecins français qu'on nous promet se matérialise», a-t-il insisté.
Or, vérification faite, Le Devoir a appris que l'entente sur la mobilité des médecins entre la France et le Québec tarde à se conclure puisqu'en plus de fignoler certains détails juridiques, elle devra ultimement être approuvée par les plus hautes autorités françaises.
Un texte de loi modifié devait d'abord être promulgué, ce qui a été fait le 21 juillet dernier. Mais l'Ordre national des médecins de France étant sous la tutelle directe du ministère de la Santé, l'accord, qui comprend des autorisations d'exercice, doit nécessairement être entériné par cette instance. Au Québec, l'Office des professions s'est vu confier ce pouvoir, ce qui allège le processus puisqu'on évite ainsi à l'accord de passer à nouveau par le Conseil des ministres.
«D'un point de vue politique, c'est un peu plus compliqué de notre côté», a reconnu Jackie Ahr, le président de l'Ordre national des médecins de France. Pour l'instant, difficile d'avancer une date, estime le Dr Ahr. «Ça va être un peu comme la première signature, il faudra une rencontre entre MM. Charest et Sarkozy pour la signature finale», croit M. Ahr.
Si le président de l'Ordre des médecins français reconnaît que la nouvelle s'est moins répandue en France, il croit néanmoins que plusieurs Français souhaiteront aller pratiquer au Québec, et ce, même s'ils devront obligatoirement faire un stage d'évaluation à l'hôpital et suivre la voie du permis restrictif, qui ne leur permettra pas de choisir leur lieu de pratique. «Il y en aura autant que des médecins québécois qui iront en France. On a convenu qu'on essaierait d'équilibrer les choses», a assuré M. Ahr.
N'empêche, hormis la paperasse administrative, un médecin québécois qui souhaitera s'installer en France aura la vie plus facile, note-t-il. «Il enverra son dossier et après avis du Conseil de l'Ordre et l'obtention de son autorisation d'exercice, il pourra s'installer pour travailler aussi bien en libéral [privé] qu'au public», a expliqué le médecin français.
Médecins: faut-il jeter l'entente avec l'Ontario?
Du côté de la France, l'accord sur la mobilité des médecins est encore loin d'être signé
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