Il y a une drôle d'atmosphère qui pèse sur cette campagne électorale - une atmosphère de police idéologique - de rectitude politique si vous voulez -, qui fait bon marché de la liberté d'expression.
Exemple: l'opprobre qui s'est abattu sur Robin Philpot, le candidat du PQ dans Saint-Henri-Sainte-Anne. On a tout à coup découvert, cette semaine, que M. Philpot avait, sur les massacres du Rwanda, une opinion qui différait, par des nuances importantes, du consensus ambiant.
Il estime que s'il y a eu génocide (des Tutsis par les Hutus), celui-ci n'est pas comparable au génocide des juifs par les nazis. C'est une opinion parfaitement légitime. On peut en effet estimer, sur la base d'une masse de faits indéniables, que le génocide nazi est un cas d'espèce unique, et que le massacre des Tutsis, comme d'ailleurs celui des Arméniens, aussi horribles fussent-ils, n'ont pas été des génocides au sens premier du terme.
M. Philpot rappelle qu'avant le printemps meurtrier de 1994, il y a eu des massacres commis par les Tutsis (ce qui est vrai). Il émet l'hypothèse que l'accident d'avion qui a coûté la vie au président Habyriamana, et qui a déclenché les tueries, a été orchestré par le Front patriotique (tutsi) de Paul Kagame. C'est là une assertion communément répandue en Belgique et en France, où un mandat d'arrêt a été lancé contre neuf proches du président Kagame pour assassinat ou complicité d'assassinat.
Pourquoi ce tollé? Les vues de M. Philpot étaient depuis longtemps du domaine public, ayant été exprimées non seulement dans un livre mais aussi, à maintes reprises, dans les pages d'opinion de La Presse et du Devoir. André Boisclair, qui a, dans un premier temps, joué la carte de l'indignation, aurait dû être au courant de ces écrits, lui qui prétend s'intéresser au Rwanda depuis des années.
M. Philpot a des accointances avec des membres de la communauté Hutu? Certainement. Il va contre une certaine opinion internationale? Certainement. Et alors?
Il a peut-être tort. Chose certaine, il connaît en détail le drame rwandais, il y a réfléchi, et lui, au moins, s'est interrogé sur le sens du mot «génocide»...
Hélas! les mots les plus lourds de sens sont ignominieusement galvaudés. On est allé cette semaine jusqu'à affubler M. Philpot du qualificatif infâme de «négationniste», un mot désignant ceux qui nient la Shoah et qu'on utilise maintenant à propos de tout et de rien. (Pour les fanatiques de l'écologie, ceux qui émettent des doutes sur la prédominance de la responsabilité humaine sur le réchauffement climatique sont des «négationnistes»!)
La même atmosphère a failli coûter son emploi à l'animateur Louis Champagne et mené au congédiement du candidat adéquiste Jean-François Plante.
Attention, je ne compare pas ces deux grandes gueules vulgaires au polémiste respectable qu'est Robin Philpot. Mais leur excommunication relève du même phénomène, soit l'intolérance à la liberté de parole, pour peu que les opinions émises s'écartent du politically correct. Certes, les propos de M. Parent sur les femmes étaient déplacés, et ceux de M. Champagne sur les «tapettes», absolument méprisables.
Mais le principe de la liberté d'expression n'a pas pour but de protéger les individus dont les opinions sont populaires, mais ceux qui expriment des opinions dissidentes, minoritaires ou détestables. On peut les contester et les condamner, mais on ne doit pas les réduire au silence. Les diatribes de ces messieurs ont suscité la réprobation générale, et c'est très bien ainsi. C'est par la parole, non par la censure, qu'on doit combattre la parole.
Dommage, quand même, que cette belle vigilance soit sélective, en fonction de ce qui plaît ou non aux petits camarades du Plateau. La classe politico-médiatique qui tombe sur le dos des Plante et des Jeff Fillion laisse passer tout ce qui sort de la bouche de Guy-A. Lepage, qui est aussi grossier, et certainement plus nocif, que les populistes de la radio-poubelle.
M. Lepage peut impunément insulter en ondes, nommément, des gens qui ne sont pas là pour se défendre, et cela dans des termes d'une vulgarité inouïe, à grand renfort de sacres et d'imprécations. À côté de ces sorties récurrentes, les éructations des Parent et des Champagne sont à tout prendre moins dommageables, ne serait-ce que parce qu'elles s'expriment dans des stations dépourvues de crédibilité, alors que M. Lepage sévit sur les ondes de la télévision d'État.
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