Rapport Bouchard -Taylor

Marois accuse les commissaires d'avoir oublié l'essentiel

Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»

Des commissaires qui passent à côté de l'essentiel, minimisant au passage une crise bien réelle, et un premier ministre qui n'assume pas ses responsabilités alors qu'il devrait rapidement poser des gestes significatifs... La chef péquiste, Pauline Marois, n'a pas été tendre hier à l'endroit du rapport de la commission Bouchard-Taylor, ni envers Jean Charest bien sûr. Elle a du même coup réitéré la nécessité d'aller de l'avant avec les projets de loi sur l'identité québécoise et l'adoption d'une constitution, déjà présentés par sa formation.

Si elle accorde son appui à plusieurs des recommandations du document rendu public jeudi, Mme Marois n'en estime pas moins qu'«une partie de l'essentiel est absente du rapport», soit l'épineuse question du problème identitaire. «En arrivant à la conclusion qu'aucun remède n'est nécessaire, parce qu'il n'y a pas de maladie, les inquiétudes exprimées par les participants à la commission se trouvent écartées du rapport», a-t-elle illustré. «De dire qu'il n'y a aucun danger pour la population québécoise, qui représente 3 % de la population de l'Amérique du Nord, ça ne tient pas compte de la réalité dans laquelle s'inscrit cette nation, a poursuivi la chef péquiste. On dit à la majorité: "Vous n'avez pas de raisons d'être inquiets."»
Elle fait d'ailleurs une lecture fort différente du message lancé par ceux qui sont venus témoigner lors des audiences de la commission. «Des milliers de Québécois ont exprimé leurs inquiétudes devant les accommodements qu'on leur demandait de faire, a-t-elle assuré hier en conférence de presse. Ils ont demandé que la commission affirme de façon solennelle ce qui n'était pas négociable pour eux, en demandant le respect de la culture de la majorité». Et qu'ont fait les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor, qui ont entendu leurs propos? Selon Pauline Marois, ils ont répondu «de façon bien mince à un problème de société beaucoup plus large», soit ce problème identitaire, bien réel aux yeux des péquistes.
Pourtant, a-t-elle rappelé, le rapport de plus de 300 pages aborde le «malaise identitaire». «Mais ça s'arrête là, ça ne dépasse pas l'analyse», a laissé tomber Mme Marois, sans pouvoir en préciser les raisons. Le député de Borduas et porte-parole péquiste en matière de culture et de communication, Pierre Curzi, a toutefois jugé que la manoeuvre n'était pas le fruit du hasard. «On a l'impression qu'il y a là un ajustement concerté. On a l'impression, et on le sait, qu'il y a eu une négociation à l'intérieur de ce groupe de travail. Le résultat, c'est qu'on est arrivé à un compromis sans avoir l'audace de proposer des solutions législatives.»
Et contrairement aux commissaires, qui ont choisi de parler d'une «crise des perceptions» plutôt que d'une «crise des accommodements raisonnables», la chef péquiste croit que cette dernière était bien réelle. «Oui, il y a une forme de crise. Elle est peut-être moins grande que ce qu'on a pu en dire, mais il y en a une», a-t-elle dit.
Ainsi, a expliqué Pauline Marois, «ce qui nous semble inquiétant, ce n'est pas ce qu'il y a dans le rapport, mais ce qui ne s'y trouve pas. Par exemple, selon le rapport, le principe d'accommodement devrait être balisé par les valeurs québécoises. Pourtant, il est muet sur la façon de baliser en fonction de ces valeurs. On pose le problème, mais on ne propose pas de solutions. En fait, au lieu de réconcilier les pratiques d'accommodement aux valeurs des Québécois, le rapport cherche plutôt à réconcilier les Québécois avec les pratiques d'accommodement».
Elle juge en outre que le principe d'accommodement est «principalement d'ordre juridique», disant souhaiter que celui-ci soit encadré par des balises juridiques. «Sans de telles balises, il est illusoire d'affirmer qu'on puisse encadrer le principe d'accommodement», a-t-elle prévenu.
Par ailleurs, la leader souverainiste n'a visiblement pas apprécié que les auteurs du rapport formulent ce qui a toutes les apparences d'une critique à l'endroit de son fameux «nous». Dans le document, on peut en effet lire que cela reviendrait à «reproduire au Québec cela même qui est le plus sévèrement critiqué dans le multiculturalisme». «Le rapport présente une mauvaise compréhension de la réhabilitation du "nous", a-t-elle dit hier. Ce "nous" est inclusif et il s'inscrit dans l'interculturalisme qui doit viser l'intégration. C'est un "nous" québécois, peu importe les origines. Il n'est pas nécessaire d'être né ici pour être passager de notre histoire, mais il faut d'abord bien vouloir monter dans le train.»
Mollesse libérale
Si elle a fait de sévères critiques à MM. Bouchard et Taylor, Pauline Marois n'a pas manqué d'égratigner la «réponse décevante» de Jean Charest au rapport, moins de 24 heures après sa publication. Selon elle, le premier ministre «n'assume pas ses responsabilités», se contentant de «vagues énoncés» et d'une pleine page de publicité publiée hier dans les quotidiens de la province. «Jean Charest parle de plan d'action mais ne veut pas agir dans le domaine législatif», a soutenu pour sa part M. Curzi en répondant aux questions en anglais au nom du Parti québécois.
La formation souverainiste se dit convaincue que, «pour éviter que le dérapage des accommodements raisonnables ne se perpétue», la Charte des droits et libertés devrait tenir compte du «patrimoine historique et des valeurs fondamentales du Québec». En ce sens, la Charte devrait être modifiée. «Il faut établir clairement la prédominance du français, la laïcité de nos institutions publiques, la protection et la promotion de la culture québécoise et l'égalité des droits des hommes et des femmes, a expliqué Mme Marois. Il est là, le coeur de la solution. Si le projet de loi 63 du gouvernement Charest, qui confère l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, est un pas dans la bonne direction, il ne va pas assez loin à nos yeux.»
L'idée d'adopter une constitution québécoise a également été remise sur le tapis hier. Le premier ministre a toutefois rejeté cette option encore une fois au cours d'une entrevue accordée à l'émission Les Coulisses du pouvoir, entrevue qui sera diffusée dimanche sur les ondes de RDI. «C'est un exercice qui va prendre deux ans au moins, qui va diviser aussi, parce que ce n'est pas vrai qu'il va y avoir consensus là-dessus, qui mènerait ultimement à un référendum, alors que les gens veulent qu'on passe à l'action, a-t-il dit. MM. Bouchard et Taylor ont fait des recommandations. Ce n'est pas vrai qu'on va toutes les suivre, mais il y a là-dedans des choses qui sont très valables.» Il a entre autres réitéré la volonté de son gouvernement d'adopter un amendement à la Charte québécoise pour affirmer l'égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Marois a enfin répété hier matin sa demande faite la veille à l'Assemblée nationale, au premier ministre, afin qu'une commission parlementaire puisse entendre les deux commissaires et les experts ayant travaillé de près à la rédaction du rapport. «Il ne s'agit pas ici de refaire la consultation. Il s'agit d'offrir aux élus, qui reçoivent ce rapport, de mieux comprendre le sens de certaines recommandations pour lesquelles nous avons de sérieuses questions, comme, par exemple, celles sur les congés religieux, qui m'apparaissent plutôt irréalistes», a fait savoir la députée de Charlevoix. Pas question, a répondu hier la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James, sur les ondes de RDI.


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