Mario strikes again

Climat politique au Québec


Cette semaine, le chef de l'Opposition officielle a déposé une motion de blâme pour renverser le gouvernement Charest: «Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement et lui retire sa confiance pour sa défense des commissions scolaires, son approche bureaucratique, et son incapacité à assurer aux écoles et aux enfants du Québec les services auxquels ils ont droit.»


L'abolition des commissions scolaires constitue manifestement un enjeu fondamental pour l'ADQ. C'était un de ses principaux engagements électoraux, et cela semble maintenant un motif suffisant pour vouloir précipiter le Québec en campagne électorale.
Prenons donc Mario Dumont au mot. Si c'est un enjeu majeur, regardons la chose de plus près. Pourquoi abolir les commissions scolaires? Comment le faire? Cela posera-t-il des problèmes? Quels seraient les avantages? On m'accusera sans doute de m'acharner sur l'ADQ. Mais bien au contraire, le fait d'analyser les idées d'un parti qui va peut être prendre le pouvoir est une façon de le prendre au sérieux.
Mais encore une fois, on découvre que, derrière le slogan, il n'y a rien. L'ADQ n'a pas de réponses aux questions que soulève un tel projet. L'idée, informe au moment des élections, le semble tout autant huit mois plus tard. Si M. Dumont a relancé ce débat cette semaine, c'est parce que les élections scolaires de dimanche dernier ont été un désastre.
Est-ce que le fait que les gens ne soient pas allés voter signifie qu'ils ne veulent plus de commissions scolaires? Et est-ce que le fait que le processus démocratique ne fonctionne pas prouve qu'il faut larguer les commissions? C'est ce qu'affirme M. Dumont, qui prétend que l'argent consacré au maintien de cette structure bureaucratique prive le réseau scolaire de ressources précieuses pour résoudre des problèmes importants, comme le décrochage ou les piètres résultats scolaires.
Sur un budget des commissions scolaires de 9 milliards, surtout des salaires, environ 400 millions va à l'administration. En éliminant cette structure, l'ADQ, en campagne électorale, estimait pouvoir économiser 150 millions. Est-ce le cas? Les commissions scolaires font des choses essentielles. Si on les abolit, il faudra que ces activités soient prises en charge autrement. L'ADQ estime qu'on peut y arriver en transférant les responsabilités des commissions aux municipalités, et en donnant plus d'autonomie aux écoles. Mais cela pose trois problèmes.
Le premier, c'est que pour la plupart des responsabilités des commissions scolaires, les villes n'ont ni l'expérience ni le personnel pour s'en acquitter. Et les écoles ne peuvent pas prendre le relais. C'est le cas de la planification de la clientèle et donc des besoins, les services spécialisés comme les orthopédagogues, les ressources humaines et la formation, l'encadrement pédagogique, les grands enjeux comme le décrochage et l'intégration des immigrants, la répartition des ressources pour soutenir les plus démunis. Il faudrait donc transférer en bloc les effectifs actuels des commissions. Et donc peu ou pas d'économies.
Bien sur (sic), il y a des cas où le transfert aux villes peut se faire sans problèmes. D'abord la gestion de la taxe scolaire. Peut-être le transport scolaire, quoique les réseaux dépassent les frontières des villes. Et surtout l'entretien des immeubles, où les villes ont de l'expertise.
Mais il y a un second problème. Les villes coûtent plus cher à opérer que les commissions scolaires, surtout à cause des salaires. Comme on l'a vu avec les fusions municipales, on assistera à un ajustement vers le haut. Une étude de l'économiste François Vaillancourt montre que, seulement pour la gestion des immeubles, cela coûterait de 38 à 58 millions de plus!
Il y a un troisième problème. En éducation, il y a des enjeux plus globaux et plus politiques, le respect de normes et de standards, des stratégies pour améliorer les résultats. Qui fera cela? Pas les maires. On risque fort de se retourner vers le ministère de l'Éducation, avec le résultat paradoxal que le système serait encore plus éloigné des gens et plus bureaucratique.
Ce sont là des écueils très sérieux. Cela ne veut pas dire qu'il faut se battre pour la survie des commissions scolaires. L'ADQ a peut-être raison de dire que ces structures ont fait leur temps. Mais l'ADQ ne semble pas savoir comment procéder et n'a certainement pas démontré que cela permettrait des économies.
Et surtout, parce que l'abolition des commissions serait un processus pénible, ce projet précipiterait le monde de l'éducation primaire et scolaire dans un monstrueux débat de structures qui drainerait les énergies et nous éloignerait des véritables enjeux.
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