Si la norme d'évaluation d'un débat des chefs est de savoir, comme on dit en jargon sportif, qui voulait le plus hier soir, alors c'est clairement Mario Dumont qui a gagné.
L'entourage de Mario Dumont disait depuis deux jours que le jeune chef «pétait le feu». En effet, il a mis le feu et sérieusement chauffé Jean Charest en lui servant sa propre médecine.
On appelle ça un boomerang. Il y a quatre ans, Jean Charest avait pris Bernard Landry de court en sortant une déclaration de Jacques Parizeau de sa manche. Hier, soir, retour de boomerang derrière la tête, Mario Dumont a sorti ce qu'il a présenté comme un mémo du ministère des Transports qui disait, dès 2004, qu'il y avait des problèmes avec le viaduc de la Concorde à Laval.
Et bang. Décontenancé, M. Charest a répliqué : «Vous sortez un lapin de votre chapeau, on ne peut pas régler ça au milieu d'un débat» Dans la salle de presse, tous ceux qui ont couvert le débat de 2003 ont croulé de rire. M. Charest, lui, ne l'a pas trouvé drôle.
Mais Mario Dumont en a rajouté : «Vous avez une responsabilité, a-t-il lancé à Jean Charest, le doigt accusateur dressé vers lui. Ce n'est pas parce qu'il y a une commission d'enquête que vous n'avez pas de responsabilités de premier ministre. Cela ne vous soustrait pas de vos responsabilités de premier ministre.»
La suite de la campagne dépend largement de la teneur du document-surprise et de sa véracité, mais pour l'instant, roulement de tambour : voici le podium du débat des chefs 2007 : Or : Mario Dumont; argent : André Boisclair; bronze : Jean Charest.
Est-ce assez pour changer la direction du vent à 12 jours du vote? Probablement pas. En fait, si Jean Charest s'en sauve, ce sera grâce à Mario Dumont, parce que celui-ci, hier soir, en a beurré un peu trop, et trop, c'est comme pas assez, c'est un vieux principe reconnu en politique.
De plus, il a beaucoup attaqué, mais il n'avait pas beaucoup de réponses à des questions simples comme : où prendrez-vous l'argent pour financer vos programmes ou comment allez-vous abolir les commissions scolaires?
Si Mario Dumont a bien fait pendant la première moitié du débat, il était temps que ça s'arrête parce que son enthousiasme, par moments, frisait dangereusement l'improvisation la plus brouillonne.
Il aura certainement réussi à cimenter une bonne partie du vote des Québécois qui plaçaient l'ADQ en tête de leur choix, mais a-t-il réussi à percer plus loin en territoire libéral? C'est loin d'être certain. Jean Charest n'a pas connu un fort débat, mais entre la fougue débridée de M. Dumont et les chiffres un peu complexes d'André Boisclair, le chef libéral pourrait s'en tirer.
Dès le début de la soirée, Mario Dumont a mis cartes sur table en mitraillant les éléments importants de son programme (aide directe aux familles, bébé bonus, commission d'enquête sur les soins aux personnes âgées, durcissement de peines de prison).
Charest et Boisclair à l'image de leur campagne
Puis, sans même reprendre son souffle, il a attaqué Jean Charest, le pointant directement, et lui lançant un percutant : «Vous demandez une autre chance aux Québécois, mais vous ne la méritez pas!»
Mario Dumont a mené hier soir son débat comme il mène sa campagne : en prenant des risques, en attaquant fortement ses adversaires, en multipliant les promesses populistes.
Jean Charest aussi, a imprimé son style de campagne à son débat, c'est-à-dire peu inspiré et sans enthousiasme. La question commence à courir : mais qu'est-ce qui ne va pas avec Jean Charest? Chose certaine, ce n'est pas le Jean Charest des beaux jours.
Cela dit, il ne s'est pas planté non plus. Il n'a pas donné aux Québécois des raisons de croire qu'il n'est plus le plus qualifié des candidats pour diriger le Québec? Mais cela tient bien plus des faiblesses générales de ses adversaires que de sa performance d'hier soir.
Et pour rester dans le ton : André Boisclair aussi a reproduit en débat l'image de sa campagne. Il aura donné raison à ceux qui pensent qu'il parle beaucoup pour dire peu en se lançant, dans un échange avec Mario Dumont, sur un débat nébuleux en environnement, avouant lui-même qu'il abordait un dossier bien complexe.
«C'est bien complexe, en effet», lui a lancé Mario Dumont avec un sourire en coin.
Un débat des chefs, c'est d'abord un show de télévision, ce n'est pas un discours devant une chambre de commerce. De toute évidence, André Boisclair, dont c'était le premier débat des chefs, était fort bien documenté, mais pas prêt pour le plus gros show de télé de sa carrière.
Il ne s'agit pas de sauter à la gorge de ses adversaires, mais il ne faut pas non plus la jouer trop cool. Évidemment, M. Boisclair voulait donner l'image d'un chef en contrôle, calme et au-dessus de la mêlée, mais ce faisant, il a manqué de belles occasions de porter quelques coups, notamment à Mario Dumont sur son plan d'aide directe aux familles.
M. Boisclair a-t-il réussi hier soir son premier but, convaincre les électeurs péquistes de revenir à la maison?
Ça, c'est loin d'être clair.
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