Lobbying - Rien d'illégal, mais...

Gaz de schiste



Il n'y a rien d'illégal de passer de chef de cabinet d'un ministre le vendredi à directeur général d'un puissant lobby le lundi, même si le lobby en question pousse le dossier qui s'annonce l'un des plus controversés de l'automne, l'un des plus engageants pour l'avenir du Québec et l'un des plus camouflés du gouvernement.
Après tout, comme il l'explique lui-même, Stéphane Gosselin, chef de cabinet du ministre du Développement économique, Clément Gignac, devenu en quelques heures d.g. de l'Association pétrolière et gazière du Québec, n'a jamais touché auparavant au dossier des gaz de schiste, jamais eu de contacts avec l'APGQ. De plus, ce n'est même pas lui mais d'autres membres de l'association qui interviendront auprès du gouvernement. Et de toute manière, suivant les règles, il a le droit de faire affaire avec tous les ministères sauf celui du Développement économique. Voilà qui respecte scrupuleusement les directives gouvernementales et les règles édictées par le commissaire au lobbyisme.
Le problème, c'est qu'à s'en tenir strictement à la lettre de la loi, on en sacrifie l'esprit et on prend les gens pour des imbéciles. Les purgatoires imposés aux gens qui se retirent de la politique active ont une raison: il s'agit de couper court aux apparences de complicité entre un gouvernement et des entreprises. Outre les directives, le bon sens doit aussi servir de guide quant à la manière d'agir.
On veut bien croire que M. Gosselin n'a jamais entendu parler du gaz de schiste au sein du gouvernement: il ne serait pas en cela différent de la grande majorité des Québécois. Reste que puisque le gouvernement Charest serine sur tous les tons ces jours-ci qu'il est de sa responsabilité de miser sur cette «formidable opportunité» que représente l'exploitation des gaz de schiste, il est douteux que le ministère du Développement économique ait été tenu à l'écart du débat, et le cas échéant que le chef de cabinet soit sorti de la pièce lorsque le sujet était évoqué.
Ce qui ramène à une autre règle du commissaire au lobbyisme: un ancien membre de cabinet devenu lobbyiste ne peut «donner à quiconque des conseils fondés sur des renseignements non accessibles au public dont il a pris connaissance et qui concernent l'institution gouvernementale dans laquelle il exerçait sa charge». À quoi monsieur Gosselin peut répondre que ce n'est pas lui le lobbyiste de l'APGQ et jurer sur l'honneur qu'aucun secret de son ancienne fonction ne sera révélé.
Il peut en fait couper les cheveux en quatre, comme l'ont fait avant lui tant d'autres élus, conseillers politiques ou fonctionnaires qui traversent de l'autre côté de la barrière, serviteurs de l'intérêt public un jour, serviteurs d'intérêts privés dès le lendemain. Mais qui se préoccupe encore de l'intérêt public?
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jboileau@ledevoir.com


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