Sous le thème de la «franchise et intégrité», Pauline Marois a donné samedi matin le coup d'envoi à deux ans de discussions autour de son plan de match vers la souveraineté à la pièce, destiné à être approuvé par les militants au congrès national reporté de l'automne 2009 au printemps 2011.
À huis clos, hier, les 200 présidents d'associations de comté, les députés et les membres de l'exécutif péquistes ont discuté de l'approche proposée, revendiquer une série de compétences plutôt que d'attendre «le Grand soir» de la souveraineté. Embarassés par les déclarations récentes des Jacques Parizeau, Yves Michaud et Bernard Landry, pour qui des «crises» sont nécessaires à l'avancement de la souveraineté -des propos qu'a vite récupéré Jean Charest- les militants avaient besoin d'être ragaillardis. La fin abrupte de la controverse sur les tests de cancer, la controverse sur les coûts de la rencontre en marge d'une élection partielle et la fin en queue de poisson du débat sur l'éthique à l'Assemblée nationale, le PQ, qui avait l'avantage sur le terrain de l'Assemblée nationale depuis le début de l'année, paraissait essoufflé depuis deux semaines.
Pour galvaniser ses troupes, Mme Marois a durement attaqué Jean Charest, «le démolisseur», «l'imposteur», rappelant qu'il détiendra le record comme premier ministre pour avoir augmenté la dette publique. M. Charest a récemment abaissé les règles quant à ce que peuvent détenir ses ministres; il faut remonter aux années 30 pour retrouver l'époque où un ministre québécois peut être propriétaire d'une compagnie qui transige avec le gouvernement a-t-elle dit.
Pour elle, la démarche du PQ «doit être franche et intègre. On ne doit pas hésiter à faire connaître ses plans pour le Québec». Jean Charest, la veille des élections, «se présentait comme un grand nationaliste. Il est le premier premier ministre en 60 ans à n'avoir aucune revendication pour le Québec», a-t-elle attaqué. Charest a été «fossoyeur» des intérêts du Québec avec un rapport qui, après le naufrage de Meech, a été critiqué à la fois par Jacques Parizeau et... Robert Bourassa.
Pour elle, «dorénavant ce sont les fédéralistes qui auront le fardeau de la preuve. J'ai présenté mon plan pour un Québec souverain. Il est temps de marquer une rupture avec l'attentisme. Il faut marquer une rupture avec le défaitisme des fédéralistes. Il faut passer de l'approche du «tout ou rien» au «toujours plus» a-t-elle lancé.
«Chaque fois que le fédéral viendra se mêler de nos affaires. On le remettra à sa place», promet-elle. Les souverainistes adopteront le «toujours plus» quand il sera question de définir l'identité québécoise, de bien parler le français, de définir le modèle québécois, en environnement, en énergie. «Les victoires du Québec font grandir la souveraineté», promet-elle.
Mme Marois a fait monter en scène Paul Crête, candidat péquiste dans la complémentaire du 22 juin, dans Rivière du Loup ainsi que Chistine Normandin, sa candidate dans Marguerite-Bourgeois. Dimanche, les députés et les délégués pourront rester dans Rivière-du-Loup et intervenir comme bénévole dans la partielle -le vote par anticipation a lieu ce 14 juin. Pour Jean Fournier, directeur par intérim du PQ -Sylvain Tanguay, un proche de Mme Marois, vient de prendre le relais-, les discussions avec le Directeur général des élections n'indiquent que «quelques milliers de dollars» seulement. Un différend a opposé pendant quelques jours le DGE et le PQ sur les frais de la conférence qui devaient être imputés aux dépenses de la campagne électorale de l'ex-député bloquiste.
Controverse Parizeau
Dans un point de presse tenu loin du site de la réunion, M. Crête souligna que les électeurs ne lui parlaient guère des interventions récentes de Jacques Parizeau.
Visiblement, bien des péquistes ne voulaient pas parler de ces propos percutants où l'ancien premier ministre péquiste, devant un parterre d'intellectuels indépendantistes, affirmait que la souveraineté avait besoin de crises pour progresse. Le nouveau président de la commission politique du PQ, Daniel Turp, évoqua «les précieux conseil de M. Parizeau» devant les 200 délégués réunis. Mais les députés ne voyaient pas les choses du même oeil.
«M. Parizeau a droit à ses opinions, M. Landry a droit à ses opinions, ce sont des anciens premiers ministres, on respecte leur point de vue, mais actuellement ce ne sont pas les patrons, ils ne sont pas chefs du Parti québécois. C'est Mme Marois la patronne présentement, et elle rallie largement les troupes. Les gens sont contents de sortir de l'attente du Grand soir... » de lancer Bernard Drainville, député de Marie-Victorin. Il reconnaît que tout cela survient «dans un certain climat suscité par nos adversaires, qui ne proposent rien...» a-t-il lancé. «Le monde en a marre des chicanes de familles», lance-t-il. Même refus du côté de Pierre Curzi, le député de Borduas qui a refusé de commenter les propos de l'ancien chef péquiste. «On ne parle pas de ça (de l'intervention de M. Parizeau). Vous voulez m'amener où je ne veux pas aller. Notre plan ne parle pas de crises, ce n'est pas un but créer des crises...
M. Parizeau a le droit de s'exprimer, il y a toutes sortes d'opinions. Nous on parle d'une démarche démocratique et pédagogique active, axée sur la souveraineté. Ce n'est pas parce qu'on est dans l'opposition qu'on va se contenter d'attendre le Grand soir.. on avance», insiste M. Curzi. Pour Alexandre Cloutier, député de Lac Saint Jean, le PQ n'a pas comme objectif de provoquer des crises: «On va y aller avec des demandes chirurgicales... qui répondent aux attentes des Québécois». Le jeune député multipliait les recours possibles pour le PQ, même «l'appel aux journalistes». Plus nébuleux il ajoutera: «On peut déposer à l'Assemblée nationale une motion d'amendement constitutionnel pour provoquer l'obligation de négocier... de négocier de bonne foi, donc en principe on n'est pas en chicane», a-t-il laissé tomber.
Pour les ténors du SPQ libre, toutefois, les «crises» appelées par Jacques Parizeau pour faire avancer la souveraineté font partie de la normalité des relations entre Ottawa et Québec. «Les fédéralistes en font des crises... Meech ce n'est pas nous qui l'a créé. La vie politique canadienne est pleine de crises et ce n'est pas nous qui les avons créées. On fait confiance à nos adversaires pour en créer des crises», dira Pierre Dubuc, président de ce groupe de syndicalistes membres du PQ. Il reconnaît qu'un référendum sectoriel serait l'aboutissement de revendications qui ne débouchent pas. «Ce qui est bon avec la sortie de M. Parizeau, c'est qu'on remet le référendum à l'avant-scène. Cette sortie a été excellente pour le parti si on regarde l'énervement que cela a créé du côté de l'adversaire», ajoute-t-il. Les appels de Parizeau et de Yves Michaud qui voulaient multiplier les crises «vont être productifs au bout du compte». Pour lui, l'ancien premier ministre parlait un peu à la blague «et cela a été monté en épingle».
Pour lui, le message fondamental de Jacques Parizeau est que la souveraineté est réalisable pour 60 % des Québécois, mais que seulement 30% pensent qu'elle se réalisera. «C'est dire que les leaders ne font pas leur job», conclut Pierre Dubuc.
Pour son collègue Marc Laviolette, l'ancien président de la CSN, l'intervention de l'ancien chef est salutaire: «je n'ai pas de problème avec les crises. Aucun changement social ne s'est produit sans crise» a-t-il lancé.
«Parizeau a toujours battu en brèche l'opportunisme politique au sein du PQ. Les fédéralistes sont contre la souveraineté c'est certain qu'ils vont nous faire une crise. Le PQ a arraché des gros morceaux, sur la confessionnalité des commissions scolaires, sur la formation de la main d'oeuvre et sur l'immigration. Il n'y a pas eu de crises.»
Pour lui, les référendums sectoriels serviraient à aller chercher le pouls de la population par rapport aux revendications du Québec. Le plan Marois «a unifié toute la famille souverainiste. C'est ce qui fait que M. Charest est en état de crise présentement. Il est mieux de prendre une couple de Tylenol, car le mouvement souverainiste se remet en marche», a lancé le syndicaliste.
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