En politique, le terrain glissant de l’éthique prend parfois des airs de sables mouvants. Depuis le « scandale des commandites », les libéraux fédéraux le savent de première main. Empêtré dans l’« affaire » SNC-Lavalin, le premier ministre libéral Justin Trudeau serait sage de s’en souvenir.
Rappelons que selon le Globe and Mail, il aurait soumis son ex-ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, à des pressions indues pour tenter d’éviter à SNC-Lavalin un procès criminel pour corruption. Avant d’être rétrogradée, Mme Wilson-Raybould aurait refusé de le faire. Sa démission surprise d’hier le confirme en quelque sorte. D’où la crise politique qui en résulte.
Cadeau
Mme Wilson-Raybould s’adjoint même un avocat de taille, Thomas Albert Cromwell, un juge à la retraite de la Cour suprême nommé sous le régime Harper. Sa mission : aider l’ex-ministre à préciser ce qu’elle pourra dire « en toute légalité ».
Pour le chef conservateur Andrew Scheer, c’est un cadeau tombé du ciel. Pour Justin Trudeau, c’est une brique de taille. Ce qu’elle dira de ses discussions avec lui sur SNC-Lavalin – que ce soit factuel ou son interprétation personnelle des propos de M. Trudeau – sera crucial.
Si elle venait à affirmer qu’il a tenté d’intervenir dans un processus judiciaire, la cuirasse du premier ministre en prendrait-elle pour son rhume ? La décision en reviendrait aux électeurs libéraux.
Cherchez l’erreur
En réaction, M. Trudeau s’est dit « surpris et déçu » de la démission de Mme Wilson-Raybould. Sa démission, dit-il, est « incompatible avec les conversations que j’ai eues » avec elle. Traduction : il réfute à nouveau toute ingérence politique de sa part.
Finalement, jusqu’à preuve du contraire, la faute reprochée à M. Trudeau est d’avoir peut-être tenté de préserver une multinationale québécoise des pertes majeures qu’elle subirait si elle allait en procès. Si SNC-Lavalin était ontarienne ou albertaine, pour Justin Trudeau, le « scandale » serait sûrement pas mal moins lourd à porter.