Faut-il vraiment s'étonner de voir la FTQ adopter une position de neutralité dans la présente campagne électorale? Certes, la centrale syndicale n'ira pas jusqu'à donner officiellement son appui au PLQ, mais il ne leur en demande pas tant.
On a vu une première manifestation de cette nouvelle amitié entre la FTQ et les libéraux à l'occasion du récent Rendez-vous des gens d'affaires sur l'avenir du français, quand le PQ a eu la très désagréable surprise d'entendre le secrétaire général de la FTQ, René Roy, déclarer que le moment était mal choisi pour modifier la Charte de la langue française pour étendre le processus de francisation aux entreprises de moins de 50 employés.
Les bons comptes font les bons amis, et le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, qui présidait jadis le Fonds de solidarité, était particulièrement bien placé pour faire valoir à ses anciens amis de la FTQ les bienfaits du vaste programme d'infrastructures qui permettra de couvrir le Québec de chantiers au cours des prochaines années.
Cela suffit à faire oublier les modifications à l'article 45 du Code du travail imposées par le gouvernement Charest à l'automne 2003. À entendre l'ancien président de la FTQ, Henri Massé, cela allait presque ramener les relations de travail à l'Âge de pierre. Sans oublier «l'ignoble» loi 142, par laquelle le gouvernement avait imposé ses conditions aux employés de l'État en décembre 2005.
En 2007, c'est à l'occasion d'un congrès extraordinaire que 98 % des 1280 délégués avaient décidé d'appuyer le PQ, même si André Boisclair les inspirait manifestement très peu. «Nos gens ont la mémoire longue», avait déclaré M. Massé. Pas tant que cela, semble-t-il.
Cette fois-ci, la question a été réglée par une simple réunion du Bureau de la centrale, au cours de laquelle un «consensus» s'est apparemment dégagé en faveur de la neutralité. Selon l'actuel président, Michel Arsenault, le PQ a été jugé «trop timide» dans la défense des causes chères à la centrale, notamment la lutte à la prolifération des cliniques privées à la faveur de la loi 33. Une loi, faut-il le préciser, qui a été adoptée par le gouvernement Charest.
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Curieusement, il s'agit d'un des rares points sur lesquels la plate-forme péquiste est explicite: un gouvernement dirigé par Pauline Marois abrogerait carrément les dispositions réglementaires qui inquiètent la FTQ.
Si la réponse du PQ au rapport Castonguay sur le financement des services de santé avait pu paraître équivoque, il entend maintenant «freiner le développement d'assurance privée duplicative et fermer la porte à la mixité de la pratique médicale».
Il est vrai que dans une annexe de la plate-forme péquiste, il est question de «rénover la social-démocratie», de «débureaucratiser», d'«assouplir la production des services» ou encore d'instaurer «une véritable culture des résultats», autant d'expressions dont se méfient les syndicats comme de la peste.
On pourrait comprendre leur réserve s'il s'agissait de véritables engagements, mais une simple annexe n'engage précisément à rien. La plate-forme elle-même ne laisse entrevoir aucune remise en question significative.
D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que le PQ réfléchit à ces questions, mais cela n'a jamais dépassé le stade du brassage d'idées. En 2007, même la «feuille de route» d'André Boisclair, louangée par les chantres de la social-démocratie, prévoyait de «revoir les façons de faire de l'État afin de permettre une gestion plus efficace et plus innovatrice».
De passage au Devoir vendredi dernier, Pauline Marois s'est bien défendue de vouloir dépoussiérer le rapport Facal, qui avait été promptement «tabletté» à la veille des élections d'avril 2003. Par la suite, certains ont tenté de convaincre Bernard Landry d'engager le PQ dans une redéfinition à la Tony Blair. Peine perdue.
Même si le gouvernement Charest a montré patte blanche depuis qu'il est minoritaire, rien n'assure qu'il a définitivement renoncé à ses projets de réingénierie. Le PQ est peut-être trop timide aux yeux de la FTQ, mais il demeure clairement le plus sûr défenseur du «modèle québécois».
De toute évidence, la «neutralité» de la FTQ est strictement une décision d'affaires. Tant mieux si ses membres y trouvent leur compte, mais il est inutile d'inventer de faux prétextes. Après tout, chacun a le droit de choisir ses amis.
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Au plan de l'organisation, la défection de la FTQ causera sans doute des problèmes au PQ, dont les ressources sont déjà limitées, mais est-ce une si mauvaise nouvelle pour autant? La seule fois où la centrale l'a appuyé au cours des dix dernières années, soit au printemps 2007, il a obtenu ses plus mauvais résultats depuis 1973. En 1998, Lucien Bouchard n'avait pas eu besoin de son soutien pour former un gouvernement majoritaire.
Bien des facteurs peuvent expliquer la déconfiture péquiste de 2007, mais la désagréable impression qu'il était devenu l'instrument des syndicats n'a sans doute pas aidé. Le SPQ Libre semblait faire la pluie et le beau temps au PQ. Ses dirigeants se félicitaient même publiquement que le programme du parti était calqué sur l'agenda syndical.
Encore aujourd'hui, le SPQ Libre bénéficie d'une visibilité totalement disproportionnée et l'exécutif national du PQ est présidé par l'ancienne présidente de la CSQ Monique Richard, qui est également candidate dans Marguerite-d'Youville.
Les électeurs qui ont déserté le PQ pour appuyer l'ADQ en 2007 n'étaient manifestement pas les plus ardents syndicalistes. Pour renouer avec le succès, il doit nécessairement les rapatrier. Le «préjugé favorable envers les travailleurs» dont parlait René Lévesque n'interdit pas une saine distance avec les centrales.
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mdavid@ledevoir.com
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