Étude sur la discrimination

Les musulmans subissent les contrecoups de la commission Bouchard-Taylor

Commission Bouchard-Taylor : un bilan et la suite

Et si la Commission sur les accommodements raisonnables avait empiré les choses, du moins pour les Québécois d'origine arabo-musulmane? La question a surgi hier midi à Montréal alors que l'Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) dévoilait une étude intitulée Les difficultés d'insertion en emploi des immigrants du Maghreb au Québec.
Kamel Béji, professeur de l'Université Laval en relations industrielles, lui-même d'origine tunisienne, a souligné que, depuis les travaux largement diffusés de la commission Bouchard-Taylor en 2007-08, la situation semblait encore plus difficile pour les musulmans au Québec. «Ç'a eu un effet néfaste sur les femmes voilées, a-t-il dit. Les employeurs ne veulent pas de femmes qui portent le voile et la population voit les hommes comme ceux qui forcent les femmes à le porter.»
Sébastien Arcand, un des chercheurs responsables de l'étude, a trouvé juste l'intuition. «J'ai noté une réticence beaucoup plus forte, a-t-il dit. Un effet pervers de la commission qui aura encore des conséquences sur l'emploi.»
L'étude était rendue publique par M. Arcand, des HEC, et deux collègues de l'Université de Sherbrooke, Annick Lenoir-Achdjian et Michèle Vatz-Laaroussi. L'enquête oscille autour d'une question: pourquoi les Maghrébins établis au Québec depuis cinq ans ou moins ont-ils un taux de chômage dépassant les 33 %, soit quatre fois supérieur au reste de la population? Une situation d'autant plus étonnante que ces immigrants parlent français et sont bien davantage scolarisés que la population d'accueil.
Pour répondre à cette question troublante, les chercheurs ont interviewé 22 Maghrébins (Marocains et Algériens) chercheurs d'emploi et 15 intervenants en emploi, en 2004 et en 2005, à Montréal et à Sherbrooke. L'idée était de comprendre comment ces gens interprètent la situation. Malheureusement, les employeurs n'ont pas été rencontrés.
Les immigrants comme les pros de la recherche d'emploi ont tous reconnu la difficulté à faire reconnaître les acquis à l'étranger (scolarité et expérience). L'étude a aussi établi un consensus autour des difficultés que représentent la méconnaissance de l'anglais ou la faiblesse des réseaux professionnels. Tous ont aussi parlé des retombées du 11 septembre 2001, les intervenants avec plus d'emphase.
L'étude a également mis en évidence des «filtres d'interprétation», des grilles d'analyse, quoi, propres à chacun des groupes. Selon leur perception, les immigrants sont victimes de tromperies dès la sélection, puisqu'on leur a caché des informations sur la situation de l'emploi au Québec, par exemple cette obligation de parler anglais.
Les intervenants répondent que les Maghrébins doivent assumer leurs choix. Tout en montrant de l'empathie par rapport à la discrimination qu'ils subissent, ils notent la limite de la marge de manoeuvre, par exemple pour inciter les employeurs à embaucher leurs clients. À la limite, leur discours devient fataliste.
Les auteurs recommandent finalement de mettre en place une formation interculturelle pour les intervenants afin de réduire leur sentiment d'impuissance. Cette mécanique pourrait aussi leur permettre d'agir sur les attitudes ou les comportements discriminatoires des employeurs.


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