Les miettes du privé

C’est une véritable leçon d’exclusion et d’échecs que l’on crée. Avec notre argent.

Écoles privées - subventions - frais - décrochage


Des statistiques publiées sur Cyberpresse démontrent que de nombreux collèges privés expulsent leurs étudiants au moindre faux-pas. Dans certains cas, des cohortes perdent plus de 50% des leurs entre l’entrée au secondaire et le diplôme. Simples choix d’institutions privées ou dangereuse leçon de vie financée par notre propre gouvernement?

Pensons-y un peu: les écoles soi-disant privées sont subventionnées à 60% par l’État. En fait, ce ne sont même pas des écoles privées; l’État finance la part du lion et les actionnaires empochent les profits. De juteux profits. À l’image du gouvernement américain ayant pris le contrôle d’entreprises à la dérive, le gouvernement finance massivement des institutions pourtant très rentables. Et qui excluent systématiquement ceux qui pourraient faire baisser leurs profits.
Or, quelle leçon lance-t-on ainsi aux autres, à ceux qui restent, ceux qui font leur secondaire au complet dans ce milieu hyper-compétitif? On leur dit: « Vous êtes des forts », sous-entendant que les autres sont des faibles. On leur exprime une vision du monde où celui qui a des difficultés, celui qui aurait besoin d’une aide professionnelle, celui qui commet des impairs, est un fardeau ne méritant que l’exclusion.
C’est une simple question de gestion, répondraient certains. Pas rentables les cas-problèmes. Et puis, en filigrane, on sort toujours la calculette: un psychologue à 40$ de l’heure, un professeur supplémentaire pour les retenus, un psycho-éducateur en surplus, et puis quoi encore. Trop cher. Mieux vaut renvoyer l’étudiant. « Tu as perdu mon ami, t’es Game Over, bye bye et ne te retourne pas. » Et l’État cautionne cela.
Imaginerait-on des écoles publiques agissant ainsi? On leur reproche d’être coûteuses, mal administrées, d’être un foyer de médiocrité. Dans les faits, elles font face aux pires cas-problèmes précisément parce que le privé écrème ses étudiants et ne choisit que les meilleurs, c’est-à-dire ceux qui obtiendront les plus hauts résultats, assurant le prestige de l’institution, et qui coûteront le moins cher. L’école publique ne peut pas simplement prendre un cas-problème et le renvoyer illico. Imaginez-vous le tollé si on apprenait que telle ou telle école publique a renvoyé un élève parce qu’il coulait ses cours? Meuh non. Au public, on crée des cours de rattrapage, des classes spéciales, on embauche des professeurs spécialisés. Toutes ces dépenses qui coûtent cher et que le privé n’a pas à assumer. Car le public, c’est la dernière étape, le dernier parachute avant la chute libre.
Ainsi, ce sont deux visions du monde que l’on crée. Celle des vainqueurs, qui apprennent à exclure quiconque montre le moindre signe de faiblesse ou n’est pas à la hauteur. Futurs yuppies, ils congédieront leurs subordonnés sans la moindre honte et ils mépriseront tous ceux qui sont sur l’aide sociale, qui vivent dans la rue ou qui ont des difficulté majeures. Ils vivront dans de cossues résidences, loin des gueux, et auront une conception élitiste de la société. Et celle des perdants, qui ont compris qu’il y aura toujours l’État derrière eux pour les rattraper s’ils tombent, et qui voient la réussite d’un oeil douteux, englués dans une école publique avec un ratio trop élevé de cas lourds qui gangrènent jusqu’à la volonté d’apprendre.
C’est une véritable leçon d’exclusion et d’échecs que l’on crée. Avec notre argent.
Au contraire, pourquoi ne pas créer un seul réseau véritablement public? Ce faisant, les cas lourds ne seraient peut-être plus cinq ou six étudiants par classe, mais peut-être seulement un ou deux, devant suivre la voie des autres, déterminés à apprendre et à s’éduquer. En coupant les subventions aux écoles privées, on peut croire que la vaste majorité de ses étudiants rejoindraient des institutions publiques beaucoup mieux financées et ne se contentant plus seulement de jouer le rôle de réseau de la dernière chance, mais permettant réellement d’éduquer nos enfants dans le respect de la diversité du monde qui nous entoure.
Car – on l’oublie souvent – le monde n’est pas constitué seulement d’une élite hyper-motivée et désireuse de s’éduquer, pas plus qu’il ne représente qu’un dépotoir où végètent une armée de trouble-fêtes entourés de quelques « bolés » s’attirant sarcasmes et moqueries à cause de leur désir de s’éduquer. L’équilibre, voilà ce qui manque à la situation actuelle. D’un côté des élites déconnectées du vrai monde, et de l’autre des démotivés qu’un système monopolisé par les cas-problèmes empêche de réussir. Un réseau soi-disant privé bien financé et qui se permet de faire la fine gueule, et un réseau public sous-financé récupérant les miettes du privé.
Et si on mélangeait un peu tout ce beau monde?


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé