Les mercenaires

Chronique de Louis Lapointe

On a beaucoup fait état dans les médias au cours des derniers jours des nominations de Diane Lemieux et de Lucien Bouchard, deux anciens ténors péquistes. Pourtant, il s’agit de nominations tout à fait normales.
Quiconque connaît un peu la nature humaine et la politique ne peut être étonné qu’on nomme les personnes les mieux outillées pour accomplir des missions périlleuses dans un contexte difficile. Quand tout va bien, on nomme des amis; quand il y a péril en la demeure, comme cela peut arriver lorsque le régime est chancelant, on nomme les meilleurs.
Diane Lemieux ne s’est certainement pas mérité le surnom de «Lionne de Bourget» en faisant du petit point. Elle s’est acquis cette réputation en faisant des «jobs de bras» au gouvernement et dans l’opposition officielle.
Elle risque donc d’être la personne appropriée pour diriger la Commission de la construction du Québec (CCQ).
Compte tenu de ses états de services et de ses indéniables qualités de fonceuse, elle n’aura sans doute aucune difficulté à dépoussiérer un organisme dont la rigueur a été rudement éprouvée au cours des dernières années.
Sans que cela puisse être qualifié de révolution, si Diane Lemieux a simplement l’intelligence de s’entourer de gens intègres et de s’intéresser au travail de ses inspecteurs qui seront ses yeux sur les chantiers de construction, elle devrait normalement réussir rapidement là ou son prédécesseur s’est enlisé.
***
La nomination de Lucien Bouchard est un peu plus problématique. Comme je l’expliquais dans mon billet Les visages du gaz de schiste, la notoriété publique d’un porte-parole ne suffira pas à elle seule à convaincre les Québécois de s’engager dans une filière qui, sans leur rapporter aucun bénéfice, risque de mettre en danger leur santé, leur sécurité et leur environnement.
Alors qu’on peut qualifier Diane Lemieux de personne déterminée, Lucien Bouchard est plutôt perçu comme un homme buté. On l’a vu avec le dossier des fusions municipales où, juste avant de démissionner, il a envoyé son parti à l’abattoir.
À sa décharge, il faut dire que par la suite, loin d’améliorer les choses, Jean Charest a tout fait pour envenimer la situation comme il l’avait précédemment fait avec Meech. Espérons qu’il n’en sera pas de même avec les gaz de schiste !
Lucien Bouchard n’a pas brillé non plus dans le dossier du nouveau casino de Montréal qu’il souhaitait voir implanter contre tout bon sens dans un des quartiers les plus pauvres de Montréal.
Si le véritable objectif de Lucien Bouchard est vraiment d’assainir les pratiques de l’industrie gazière, comme l'exige le ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, il devra se montrer moins obstiné et plus conciliant et, à la première occasion venue, reconnaître la nécessité d'un moratoire au terme duquel le gouvernement accouchera d’une législation et d'une règlementation qui répondront aux attentes légitimes de la population, laissant richesse et bien-être plutôt que désolation et pauvreté comme l’industrie minière l’a trop souvent fait au cours du siècle dernier.
Mais nous savons tous que cela relève de la plus pure pensée magique. Lucien Bouchard n’a pas été nommé à l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) pour défendre l’intérêt public comme on voudrait bien nous le laisser croire.
Si Lucien Bouchard est d’abord un habile négociateur et un redoutable avocat au service de ses clients, le mandat qui lui a été confié cette fois-ci est d’agir dans l’unique et seul intérêt de l’industrie gazière. Les fonctions de président qu’il endossera bientôt en feront le principal fiduciaire de l’APGQ.
Il faut cesser de voir en Lucien Bouchard le défenseur de la veuve et de l’orphelin. Pour moi, il ne fait aucun doute qu’il agit d’abord dans son intérêt personnel, puis dans celui de ses clients, l’intérêt public venant au troisième rang seulement quand il peut être concilié avec ses propres intérêts et ceux des puissants lobbys qu’il représente en échange de généreux émoluments.
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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