Les limites de la souveraineté économique

Les difficultés de la Grèce font réfléchir les Européens

Tribune libre

Au coeur du débat entre les pays qui partagent l'euro, on entend des experts soutenir avec femeté que "les États qui partagent une monnaie unique ne doivent plus s'accrocher à des apparences de souveraineté économique".
Et des personnalités politiques affirment que "la participation à la zone euro ne peut se limiter à la gestion monétaire, elle doit aussi s'étendre à la gestion économique des États qui en sont membres".
Imaginons maintenant comment se dérouleraient les négociations, entre un Québec éventuellement souverain, qui utiliserait le dollar canadien, et les autorités de la Banque centrale et les politiciens fédéraux. Pas faciles... Qu'on soit lucide ou solidaire. Les Européens nous rappellent aujourd'hui, et de façon non équivoque, que posséder une même monnaie implique nécessairement que les partenaires appliquent les mêmes règles budgétaires, la même discipline monétaire et la même rigueur dans la gestions de l'économie. En somme, qu'ils renoncent à s'accrocher à des "apparences de souveraineté économique". Et personne ne conteste que les taux d'intérèts et le niveau de la masse monétaire soient toujours décidés par la Banque centrale, compte tenu de la situation qui prévaut dans l'ensemble de la zône économique. Dison-nous qu'au au Canada, la Banque centrale n'ignorera pas l'intérèt des 25 millions de Canadiens.
Donc, qu'un Québec éventuellement souverain choisisse le dollar canadien ou le dollar américain, la marge de souveraineté dans ses politiques financière, budgétaire et économiques sera toujours aussi mince qu'elle l'est maintenant, et elle pourrait même devenir plus mince. Faut-il faire l'indépendance pour revenir à celà
Voyons comment se présente la situation vue par des observateurs européens. - La crise financière grecque, qui est loin d'être terminée, a déjà montré qu'une politique monétaire au niveau fédérale et des politiques économiques et budgétaires gérées de façon non cordonnées au niveaux nationales, cela ne peut pas fonctionner durablement. «Il y a une prise de conscience de ce problème chez les Vingt-Sept partenaires de l'Union européenne», a souligné jeudi après-midi, devant le Parlement européen, le président de la Commission, José Manuel Durão Barroso, approuvé par Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement.
Le débat sur l'après-crise a donc commencé et chacun s'accorde à reconnaître que la zone euro ne pourra pas faire l'économie d'un véritable «gouvernement économique». «Les conditions pour un saut qualitatif dans l'intégration sont réunies», analyse un diplomate d'un grand pays. «La véritable mise sous tutelle de la Grèce, décidée par l'Eurogroupe le 15 février, aurait tout simplement été inimaginable il y a quelques mois, souligne un diplomate européen. On est au-delà d'une simple application des traités européens. Nous sommes en train de les modifier sans le dire pour faire entrer dans les faits un véritable gouvernement économique de la zone euro.»
Depuis quelques jours, des experts de la Commission et de la Banque centrale européenne sont à Athènes pour éplucher les comptes grecs, assistés par le Fonds monétaire international (FMI) qui sait, mieux que bien d'autres, auditer les finances publiques. Leur but: s'assurer que le pays ne cache rien et prend les mesures d'austérité adéquates pour réduire son déficit public de 4 % du PIB, comme il s'y est engagé, et comme s'y sont engagés tous les pays qui partagent l'euro comme monnaie. C'est seulement à cette condition que ses partenaires de la zone euro lui viendront en aide si les marchés continuent à exiger des taux d'intérêt trop élevés pour lui prêter de l'argent.
Les députés européens, lors du débat organisé jeudi dernier sur les leçons à tirer de la crise grecque, ont estimé qu'il fallait aller encore plus loin. Ainsi, le Français Joseph Daul, président du groupe des conservateurs, le plus important du Parlement européen, a repris à son compte les propositions de l'ancien premier ministre français Édouard Balladur. Dans une tribune publiée dans Le Figaro du 18 février, M. Balladur estimait que «la participation à la zone euro, appelé l'Eurogroupe, ne peut se limiter à la gestion monétaire, elle doit aussi s'étendre à la gestion économique des États qui en sont membres». De son côté, Jean-Claude Juncker, premier ministre luxembourgeois et président de cette enceinte qui réunit les ministres des Finances du groupe, soutient que l'Eurogroupe devrait «approuver les projets de budget élaborés par les gouvernements avant que ceux-ci ne soient soumis à leurs Parlements respectifs».
Et Joseph Daul conclut que: "Les États ne doivent plus s'accrocher à des apparences de souveraineté économique" qui ne sont que "des faux-semblants". Guy Verhofstadt, le président du groupe libéral et démocrate, au Parlement européen, propose, lui, de créer un «fonds monétaire européen» capable d'émettre des emprunts. De fait, si l'Union dispose d'un fonds de 50 milliards d'euros pour aider les pays de l'UE hors zone euro, elle n'a aucun instrument équivalent pour la zone euro. José Manuel Barroso, président de la Commission, prudent, espère que "les petits intérêts nationaux n'empêcheront pas la mise en place d'une plus grande coordination et d'une vraie gouvernance européenne" -.
Il ne faudrait donc pas oublier de demander à ceux qui proposent aux Québécois souveraineté ou indépendance de mener une réflexion sérieuse sur cet aspect de la question.
Georges Paquet

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Georges Paquet20 articles

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Membre du service diplomatique canadien de 1967 à 2002, notamment au Nigeria, en France, en Belgique (auprès de l'Union européenne), à Haïti, à Rome (auprès du Saint Siège) et en Côte d'Ivoire





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11 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    2 mars 2010

    @ George Paquet:
    « Créer une nouvelle monnaie nord-américaine relève d’un rêve des plus éthéré.» (sic)
    Et quels sont, ainsi, les arguments sur lesquels vous vous appuyez, pour affirmer une telle chose? On ne parle pas d'une monnaie commune pour tout le continent, incluant de tout petits pays à l'économie émergente.
    Converser? On ne veut pas vraiment échanger sur tout et sur rien, avec un serviteur avoué d'Ottawa, de toute manière... Sauf que quand on vient sur Vigile, en tant que fédéraliste, l'on a intérêt à justifier ses positions avec des arguments solides comme du béton. Nous sommes tout sauf conquis d'avance, ici.

    Et la burqa, demeurons bien conscient que c'est le merveilleux multiculturalisme canadien, qui en rend le port possible en public, à propos.

  • Georges Paquet Répondre

    1 mars 2010

    Adopter le dollar américain mènerait à la même situation. Créer une nouvelle monnaie nord-américaine relève d'un rêve des plus éthéré.
    P.S. On aurait davantage envie de converser avec vous si vous ne vous dissimuliez pas derrière votre burqa de pseudonyme.

  • Georges Paquet Répondre

    1 mars 2010

    M. Lachapelle apporte une contribution intéressante à la compréhension de la situation difficile que vivent les pays européens qui partagent l'euro, comme monnaie unique. J'ajouterais qu'il faut inviter également les Québécois au travail de réflexion qui s'impose aux partenaires européens qui partagent l'euro.

  • Georges Paquet Répondre

    1 mars 2010

    Merci M. Bousquet de nous avoir rappelé que nos leaders dans les domaines politiques, économiques et sociaux prennent à l'occasion des décisions qui ont des conséquences historiques.

  • Georges Paquet Répondre

    1 mars 2010

    Mais M. Lachaine, depuis quand il est interdit de faire deux choses en même temps...?

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    28 février 2010

    @ George Paquet:
    «Imaginons maintenant comment se dérouleraient les négociations, entre un Québec éventuellement souverain, qui utiliserait le dollar canadien, et les autorités de la Banque centrale et les politiciens fédéraux. Pas faciles... Qu’on soit lucide ou solidaire.»
    Au lieu de faire un tel exercice, je crois que de nombreux souverainistes préféreront imaginer comment le Québec pourrait utiliser une toute autre monnaie. Comme par exemple, le dollar américain. Ou peut-être dans le futur, une monnaie nord-américaine commune, pour toute la zone économique correspondante.

  • Fernand Lachaine Répondre

    28 février 2010

    Moi si j'étais canadien, je m'occuperais beaucoup plus du problème de bilinguisme dans le Canada comme par par exemple aux Jeux Olympiques de BC.
    Aussi si j'étais canadien je m'occuperais de connaître comment il se fait qu'un criminel est commandant d'une base militaire du Canada.
    Si j,étais canadien je voudrais connaître les raisons pourquoi l'armée du Canada fait subir des atrocités aux citoyens de l'Afghanistan.
    Si j'étais canadien je voudrais savoir pourquoi le gouvernement du Canada ne rapatrie pas son citoyen Kadr au lieu de le laisser pourrir dans la prison de Guantanamo.
    Si j'étais canadien je me préoccuperais beaucoup plus de la prorogation du parlement et par le fait même mettre fin à la démocratie au Canada par S.Harper au lieu de faire de la diversion avec les problèmes de la Grèce.
    Vraiment....
    Fernand Lachaine

  • François A. Lachapelle Répondre

    28 février 2010

    Bonsoir Georges Paquet,
    Si je comprends bien, les pays de la zone euro veulent éviter deux effets néfastes causés par le manque de discipline par exemple de la Grèce dans la gestion de son budget: premier effet: une disparité trop prononcée entre les pays membres de la zone euro des taux de dettes publiques en rapport avec leur PIB national, et deuxième effet et corollaire du premier: une perte de contrôle de l'inflation dans la zone euro avec ses conséquences de fluctuations amplifiées sur les taux d'intérêts et sur la devise et les difficultés pour l'ensemble du commerce de la zone euro et la stabilité des prix à la consommation et les salaires, finalement éviter une agitation de tout le domaine de l'économie de la zone euro qui conduit au social. Et sans compter l'habileté des spéculateurs et des fraudeurs à tirer leurs avantages dans la tourmente. Vaste programme comme dirait le Général De Gaulle.
    Je ne peux m'empêcher de faire un certain parallèle avec le Canada et ses provinces sous l'angle de l'avènement de l'indépendance du Québec. L'économiste feue Jane Jacobs dans son livre The question of separatism édité en 1980 chez Vintage Books, Random House New York était une partisane de l'adoption d'une monnaie québécoise. Justement pour qu'il soit possible au pays de contrôler son économie en utilisant les moyens appropriés aux problèmes à régler localement, chez lui. Le Canada, un grand pays, ne peut pas régler en même temps l'essor des sables bitumineux, le chômage dans l'industrie automobile de l'Ontario et la fermeture des scieries au Québec ou contrer l'embargo sur le porc exporté vers les ÉUA.
    Par contre, la sainte peur de la piastre à Lévesque enlevait toute rationalité à la venue d'un dollar québécois. Toute la notion de confiance influence beaucoup la valeur d'une monnaie nationale. Il y a aussi la force et la stabilité derrière la gestion d'une monnaie et le contrôle de son taux de change sur le marché international. Oui, vaste programme et bonne chance à l'Europe pour maintenir un euro sain.

  • Gilles Bousquet Répondre

    28 février 2010

    M.Paquet pose ici une sérieuse question que s'est posée M. Bourassa, un économiste, quand M. Lévesque l'a invité à quitter le PLQ pour le suivre dans le mouvement MSA, précurseur du PQ.
    M. Bourassa avait 2 solides raisons de ne pas suivre M. Lévesque : Sa belle-famille Simard était fédéraliste et riche et le problème du choix entre une monnaie québécoise et canadienne dans un Québec souverain.

  • Georges Paquet Répondre

    28 février 2010

    Cher Monsieur,
    Merci quand même pour tout le verbiage de Jean Claude Werrebrouk que vous nous proposez. Mais, ce monsieur aurait pu nous épargner tous les contours de sa prose et de ses références, pour nous dire simplement ce que l'on découvre péniblement sous cette diarrhée verbale que, comme tout analyste le moindrement bien informé, la Grèce et les pays déficitaires et lourdement endettés devront prendre des mesures drastiques pour redresser leurs finances publiques. Ce qui peut impliquer des réductions de salaires et de prestations sociales. Plusieurs administrations, dont le Canada et le Québec, ont du le faire un jour ou l'autre. Il n'y a pas de mystère là. Il n'est certainement pas question que la Grèce quitte la zône euro. Elle aurait trop à perdre. Imaginez seulement toutes les spéculations qui entoureraient la nouvelle monnaie grecque. Ce n'est pas possible.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2010

    La Grèce va t elle renoncer à sa souveraineté ou sortir du cadre de l'Euro et opter pour la souveraineté monétaire; voilà le choix qui se pose:
    Restaurer la souveraineté monétaire, par Jean Claude Werrebrouck
    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2992
    JCPomerleau