Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, trouve «inquiétante» la décision du gouvernement d'ignorer la recommandation de la commissaire à l'éthique d'imposer une sanction financière à l'ex-ministre libéral Pierre Paradis.
La semaine dernière, dans un rapport très dur, la commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale, Ariane Mignolet, accusait M. Paradis d'avoir utilisé des fonds publics au profit de sa fille et de son gendre, grâce à l'allocation de logement offerte aux députés.
Elle lui reprochait de ne pas avoir collaboré à son enquête et recommandait aux parlementaires d'imposer au député une sanction financière de près de 24 500 $.
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Or, dans un geste sans précédent mercredi, le gouvernement a rejeté les conclusions du rapport, en disant s'appuyer sur un avis juridique externe, produit par la firme Deblois Avocats.
«C'est très grave, a déclaré M. Legault en point de presse. C'est du jamais vu. Pourquoi ils font ça? Bien, parce que Pierre Paradis, c'est un vieux libéral qui est là depuis longtemps, puis ils veulent protéger la clique libérale.
«C'est la clique avant l'éthique, c'est ça, le gouvernement libéral», a-t-il martelé.
Le chef caquiste a rappelé que la commissaire à l'éthique est nommée par un vote aux deux tiers de l'Assemblée nationale. Il a annoncé que la CAQ déposera une motion jeudi «pour réitérer notre confiance en Mme Mignolet».
«On n'est pas pour commencer à prendre les recommandations de la commissaire quand ça fait notre affaire, a-t-il semoncé. On ne peut pas aller à la pièce, décider quand on aime les recommandations puis quand on ne les aime pas.»
Injustice contre Paradis, plaide Fournier
Les élus devront se prononcer sur le rapport de Me Mignolet et la sanction qu'elle recommande jeudi, lors d'un vote en Chambre.
Cautionner le rapport de la commissaire entraînerait une «injustice», a plaidé le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier.
L'avis juridique externe commandé identifie certains éléments du rapport qui posent problème, a-t-il dit, notamment:
- reprocher à Pierre Paradis un manque de transparence, tout en concluant à l'absence de preuve prépondérante;
- ajouter des critères ou des barèmes en lien avec l'article 16 du code d'éthique alors que ceux-ci n'apparaissent ni dans la réglementation pertinente ni dans le code d'éthique;
- signaler un manquement à l'article 36 du code, lorsqu'il n'y en a pas, vu le libellé de cet article.
L'avis se termine ainsi: «Comment, en toute justice et équité pour le député Pierre Paradis, l'Assemblée nationale pourrait-elle accepter le rapport dans son intégralité?»
Selon M. Fournier, il n'est pas question de désavouer Me Mignolet. «Ce n'est pas un vote sur la commissaire, ce n'est pas un vote sur l'institution, c'est un vote sur un rapport, sur son contenu», a-t-il insisté.
Paradis se défend bec et ongles
Plus tôt dans la journée, le président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon, a signalé aux élus que M. Paradis lui avait soumis une défense par écrit, sa santé ne lui permettant pas de se déplacer à Québec.
Dans le document d'une quarantaine de pages, et sur un ton combatif, le député de Brome-Missisquoi se place en victime par rapport à la plaignante à l'origine de l'enquête de Me Mignolet.
Il relate avoir été «harcelé» par la plaignante, qui prétendait être amoureuse de lui.
M. Paradis reproche à la commissaire son manque d'impartialité, soutenant que la plaignante est la même qui l'a accusé d'agression sexuelle l'année dernière. Ancienne collègue de travail de Me Mignolet, elle aurait agi par «vengeance», d'après lui.
Par ailleurs, il assure qu'il est «peu probable» qu'il se présente aux prochaines élections, vu son état de santé précaire. Mais quoi qu'il arrive, il entend participer, d'une façon ou d'une autre, à la campagne électorale.
M. Paradis continue de soutenir qu'en aucun moment il n'a excédé les allocations de logement autorisées par l'Assemblée nationale et qu'il n'a retiré aucun profit personnel de son logement ou des allocations fournies.
Il souligne n'avoir reçu aucune allocation depuis qu'il est en convalescence, soit en janvier 2017, à la suite d'une violente commotion cérébrale, et insiste pour dire qu'il n'a commis aucun manquement éthique en habitant avec sa famille.
Il reproche à la commissaire de lui imposer une sanction sans précédent en vertu de règles qu'elle dit par ailleurs vouloir changer.
Dans le même document, M. Paradis établit un lien implicite entre la plainte pour agression sexuelle portée à son endroit, celle adressée à la commissaire à l'éthique et le mécontentement de l'Union des producteurs agricoles (UPA) à l'endroit de sa réforme annulée du Programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA).
«L'UPA nie formellement toute implication au regard des plaintes formulées à l'endroit de M. Paradis et considère qu'il n'a que lui-même à blâmer pour ses ennuis», a fait savoir le syndicat par voie de communiqué, mercredi.