La semaine dernière, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a annoncé qu’il proposerait en campagne électorale de permettre la vente au détail de vin et d’alcool par des entreprises privées, ce qui reviendrait à réduire drastiquement le spectre d’intervention de la Société des alcools du Québec (SAQ).
Plusieurs, dont moi-même, ont réagi en se disant qu’une telle sortie, à la lumière des quinze ans de gouvernement libéral dont nous venons tout juste de souligner l’anniversaire, était tout sauf surprenante.
Quand on replace cette prise de position dans son contexte, on constate cependant que ce n’est probablement que de la poudre aux yeux. Le gouvernement libéral est, en effet, le champion de la menace de privatisation et/ou d’abolition du « monopole » (terme hautement discutable) quand il s’agit d’écraser les employés de la SAQ.
Voici une chronologie des derniers événements. Plusieurs d’entre eux ont fait la manchette, mais sont tombés dans l’oubli.
Les replacer dans l’ordre nous permet de bien saisir qu’il y a un fil conducteur. Lisez ça jusqu’à la fin, vous allez voir, c’est très éloquent.
-Le Parti libéral est revenu au pouvoir en avril 2014. Avant même son entrée en fonction, le gouvernement élu a commandé une étude sur l’état des finances publiques à Luc Godbout et Claude Montmarquette. Ces derniers ont, le 25 avril, suggéré qu’on privatise partiellement Hydro-Québec et la SAQ.
Appelé à réagir à la proposition, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a alors déclaré que « tout [était] sur la table », ouvrant donc la porte à une éventuellement privatisation partielle de la SAQ.
-En août 2015, la commission gouvernementale présidée par Lucienne Robillard a rendu son rapport sur le fonctionnement de la SAQ, proposant notamment la fin du « monopole ».
Pouvait-on penser alors qu’on ne parlerait plus de faire des études pendant un bon bout de temps ?
-Novembre 2017, le gouvernement libéral, alors que la négociation de la convention collective du Syndicat des employé-es de magasins et de bureaux (SEMB) est entamée, annonce que la vente de cannabis récréatif ne se fera pas sous la responsabilité de la SAQ.
Les libéraux, pourtant de prétendus champions de l’austérité, étaient prêts à créer une nouvelle structure coûteuse pour éviter de revaloriser les salariés de la Société.
Qui plus est, on a interdit formellement aux employés de la SAQ de travailler dans la nouvelle Société québécoise du cannabis.
Pourquoi une telle discrimination ?
-Le 31 mai 2018, alors que le SEMB débutait son processus de vote de grève (91 pour cent des membres allaient voter, quelques semaines plus tard, en faveur d’une grève de six jours) le gouvernement libéral, sous la houlette du ministère des Finances, annonce la mise sur pied d’une étude sur la privatisation de la SAQ.
-Le 17 juillet 2018, grève d’une journée du SEMB. Trois jours plus tard, le premier ministre Philippe Couillard annonce sa volonté de mettre fin au « monopole » de la SAQ alors qu’il est... au Nouveau-Brunswick. Quand ça presse, ça presse...
Lors de chaque ronde, les patrons cherchent à faire peur afin d’acheter la paix, et le gouvernement prend soin de s’impliquer activement en agitant des menaces de privatisation ou de libéralisation.
Comprenez-moi bien : il est très possible que les libéraux, pour quiconque les connaît un tant soit peu, passent de la parole aux actes. Il apparaît cependant clair, à l’heure actuelle, que les moments pour brandir les épouvantails ont toujours été sciemment choisis pour écraser les syndicats de la SAQ.