Les jambes du PQ

PQ - gouvernance nationale<br>Conseil national 14-15 et 16 mars

Quand il a entrepris de déstabiliser Pierre Marc Johnson, en 1987, Jacques Parizeau l'a accusé d'avoir fait du PQ un parti cul-de-jatte en coupant les deux jambes qui le portaient depuis sa fondation: la souveraineté et la social-démocratie.
Plusieurs au PQ ont interprété de la même façon le renvoi du référendum aux calendes grecques et la volonté exprimée par Pauline Marois de «moderniser» la social-démocratie en l'orientant dans une direction plus «lucide», à l'exemple de nombreux pays européens.
Après le naufrage électoral du 26 mars 2007, Mme Marois est apparue comme une véritable bouée de sauvetage. Elle revenait, mais à ses conditions, disait-elle. Dix mois plus tard, la transformation du PQ se révèle nettement plus ardue qu'elle l'avait anticipé.
Le naturel du PQ a refait surface d'autant plus rapidement que la performance décevante de Mme Marois n'a rien fait pour consolider son autorité morale. C'est maintenant à se demander si ce n'est pas elle qui devra se plier aux conditions de son parti.
Alors qu'on croyait la question du référendum à toutes fins utiles réglée, voilà qu'elle réapparaît par la porte de derrière. En fin de semaine, le SPQ libre reviendra à la charge en proposant aux militants réunis en conseil national à Saint-Hyacinthe de ressusciter l'idée d'un référendum d'initiative populaire, dont Mme Marois ne veut plus entendre parler.
La chef du PQ veut bien faire amende honorable à propos de la «conversation nationale», dont on se demande encore par quelle aberration l'exécutif du PQ a pu faire la suggestion. L'adoption du principe d'un référendum déclenché par une pétition constituerait toutefois une atteinte directe à son leadership.
Non seulement le PQ -- et le Québec tout entier -- serait replongé dans les affres de ce que Gérald Larose a appelé le «référendisme», Mme Marois risquerait aussi de perdre complètement le contrôle de son ordre du jour politique.
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En ce qui concerne la social-démocratie, le cahier de propositions qui sera soumis au conseil national ne reflète pas un désir très ardent de modernisation, c'est le moins qu'on puisse dire.
Hier soir, Mme Marois a voulu y voir l'illustration d'une «social-démocratie ouverte, actualisée et responsable». En réalité, page après page, on a plutôt l'impression d'un acte de foi dans l'État-providence des années 1970. La chef du PQ semble s'être rendu compte qu'à vouloir combattre sur deux fronts, elle risquait une double défaite et qu'il valait mieux parer au plus urgent.
On comprend mieux le silence dans lequel elle s'est réfugiée lors de la parution du rapport Castonguay. L'automne dernier, le «cahier du participant» destiné à orienter la réflexion des militants visait manifestement à entrouvrir une porte au secteur privé dans le secteur de la santé et à explorer la possibilité d'une contribution de l'usager. Les militants l'ont brutalement refermée.
La région de la Capitale-Nationale voudrait qu'un gouvernement du PQ s'engage à maintenir un système de santé accessible, universel et gratuit, quitte à utiliser la clause dérogatoire pour invalider l'arrêt Chaoulli de la Cour suprême. Montréal-Ville-Marie propose d'élargir la couverture aux soins à domicile. La Mauricie souhaite transformer le régime actuel d'assurance médicaments en régime d'assurance public et universel.
On retrouve dans le cahier les propositions habituelles sur le revenu minimum garanti, la pleine indexation des prestations d'aide sociale, la réduction du nombre d'élèves par classe, la multiplication des logements à loyer modique, la gratuité scolaire, etc. L'expression préférée des péquistes semble être «investir massivement».
Certes, tout cela ne se retrouvera pas nécessairement dans la plateforme électorale du PQ, mais il n'est peut-être pas trop tôt pour commencer à s'interroger sur les moyens de financer ces généreuses intentions. D'autant plus que l'exécutif national, conformément au souci de création de richesse manifesté par Mme Marois, propose d'éliminer complètement la taxe sur le capital.
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Au moment où le gouvernement s'apprête à rendre public le rapport du groupe de travail sur la tarification, le principe de l'utilisateur-payeur en prend un coup. Chaudière-Appalaches propose que le PQ s'engage à maintenir les tarifs d'électricité le plus bas possible. L'ancien président du Conseil du trésor, Joseph Facal, qui fait partie de ce groupe de travail, a d'ailleurs dû avoir un choc à la lecture de l'ensemble du cahier de propositions.
En matière d'effectifs, le SPQ libre constitue peut-être une quantité négligeable, mais il a déjà démontré par le passé sa remarquable capacité à imposer ses orientations. Mme Marois doit regretter de ne pas l'avoir dissous, comme elle le souhaitait au départ.
Dans certaines propositions, l'ordre du jour syndical transparaît clairement. Ainsi, Montréal-Ville-Marie souhaite «rétablir les droits syndicaux des employés des secteurs public et parapublic». La Capitale-Nationale veut abolir la politique de non-remplacement d'un poste sur deux dans la fonction publique.
En recentrant le discours du PQ, Pauline Marois voulait récupérer une partie de la clientèle qu'il a perdue aux mains de l'ADQ et qui avait également été séduite par le Manifeste pour un Québec lucide. Les propositions soumises au conseil national donnent plutôt l'impression qu'on vise les sympathisants de Québec solidaire.
Le hasard a voulu que l'ADQ tienne son congrès en même temps que celui du PQ. Le thème choisi, «Façonner la modernité», reflète très bien l'intention qu'avait Mme Marois à son retour au PQ. Elle n'a sans doute pas eu le temps de lire le «cahier du participant» adéquiste. C'est peut-être mieux ainsi. Plusieurs passages la rendraient jalouse.
Certes, l'ADQ demeure un parti qui se situe résolument à droite du centre, selon les standards québécois, mais d'un congrès à l'autre, cette formation arrondit les angles de son programme. Au printemps dernier, la façon brutale dont elle proposait de couper les vivres aux personnes aptes au travail qui s'éternisent à l'aide sociale en avait choqué plusieurs. Cette fois-ci, l'approche est plus modérée.
Entendre l'ADQ parler d'un «projet de société» et insister sur le rôle de l'État dans le développement de l'économie constitue un changement qui devrait en faire réfléchir certains au PQ. Avec l'âge, il arrive que les jambes s'atrophient.
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mdavid@ledevoir.com


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