Le Journal en Israël

Les hommes à l'avant, les femmes à l'arrière

La mésaventure de Naomi Ragen, survenue en juillet 2004, a été portée en Cour suprême d'Israël. Une décision est attendue en janvier prochain.

Indépendance et minorités

Marco Fortier - JÉRUSALEM, Israël | Quand Naomi Ragen a pris l'autobus pour rentrer chez elle après une visite dans la vieille ville de Jérusalem, elle était loin de se douter qu'elle déclencherait une bataille nationale pour les droits de la femme.
Dès qu'elle s'est assise sur le banc à l'avant du bus numéro 40, un gros bonhomme est venu lui ordonner d'aller s'asseoir à la place des femmes: à l'arrière, sur les bancs du fond!
La féministe de 57 ans a refusé de bouger. Le gros bonhomme a commencé à lui crier des bêtises. Il a monté le ton. Naomi Ragen est demeurée assise à sa place, mais elle a enduré une pluie d'insultes durant tout le trajet.
La dame venait d'entrer sans le savoir dans un autobus contrôlé par des rabbins ultra-religieux qui ont l'obsession de séparer en tout temps les hommes et les femmes. Petit problème: la ligne d'autobus numéro 40 est un service municipal subventionné par l'État. Et aucun signe sur l'autobus n'indiquait qu'il s'agissait d'une liaison de type «mehadrin», où la ségrégation est tolérée, à défaut d'être permise par la loi.
Un accommodement très déraisonnable, en quelque sorte.
«Personne n'a le droit de traiter les femmes comme ça. C'est une question de respect élémentaire des droits humains», dit Naomi Ragen, une auteure d'origine américaine qui vit en Israël depuis 1971.
Les médias l'ont surnommée la «Rosa Parks d'Israël». En 1955, Rosa Parks avait ouvert la voie à la libération des Noirs américains quand elle avait refusé de céder son siège à un passager blanc dans un autobus à Montgomery, en Alabama.
Bande de fanatiques
La mésaventure de Naomi Ragen, survenue en juillet 2004, a été portée en Cour suprême d'Israël. Une décision est attendue en janvier prochain.
Quatre autres femmes ont mis leur poids derrière la pétition adressée au plus haut tribunal du pays, dont la Canadienne Miriam Shear, qui a eu moins de chance que Naomi Ragen: cette touriste a été sauvagement battue après avoir refusé de s'asseoir à l'arrière d'un autobus sur la ligne numéro 2 de Jérusalem, en décembre 2006.
«On a affaire à une bande de fanatiques. À un moment donné, il faut tracer une ligne et clamer haut et fort que les droits de la femme ne sont pas négociables», dit Naomi Ragen.
Pour elle, ce n'est même pas une question de droits religieux. La féministe se définit elle-même comme une juive orthodoxe pratiquante. «Cette affaire de ségrégation n'a rien à voir avec le judaïsme. Ma religion ne permet pas une telle violation des droits humains», ajoute-t-elle.
Les ultra-religieux sont peu nombreux, mais ils pèsent lourd dans la société israélienne. Ça explique pourquoi le ministère des Transports ferme les yeux sur la trentaine de liaisons d'autobus où la séparation des hommes et des femmes est tolérée en Israël.
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