[->Les critiques fusent, même chez les libéraux]Jean Charest Photo: Robert Skinner, La Presse Denis Lessard - (Québec) L'arrivée de Michael Sabia à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec ne laisse personne indifférent. L'ancien premier ministre Bernard Landry croit qu'on ne pouvait faire de pire choix. Pour Jean Charest, le «parcours remarquable» de Michael Sabia fait de lui le candidat tout désigné pour diriger le navire amiral de l'économie québécoise.
Malheureusement pour M. Charest, hier, les critiques fusaient même dans sa propre formation politique.
M. Charest a soutenu que Michael Sabia était «le choix du conseil d'administration» - un sous-comité s'était réuni lundi -, mais il avait arrêté cette nomination bien avant. D'abord, le nom de M. Sabia circulait ouvertement lundi midi, à la table d'Henri-Paul Rousseau, lorsque l'ancien président de la Caisse a prononcé son allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Il est devenu évident que les dés étaient pipés quand le cabinet du premier ministre a dérogé aux règles établies en n'annonçant qu'hier une nomination faite dès le 6 mars au conseil de la Caisse.
Me Jean-Pierre Ouellet, qui était vice-président des affaires juridiques au CN pendant le règne de Paul Tellier et Michael Sabia, est devenu membre du conseil trois jours avant de participer à une réunion du comité de sélection qui allait, comme par hasard, choisir son ancien collègue du CN.
M. Ouellet travaillait auparavant chez Stikeman Elliott, où il avait hérité du mandat de la privatisation du CN. Il connaît M. Sabia depuis 1994.
«Je souhaitais que cela n'arrive pas», a confié hier à La Presse, au sujet de cette nomination, un libéral très influent qui a requis l'anonymat. Depuis le ratage de la vente de BCE à des intérêts ontariens, Michael Sabia «n'est pas un gars populaire» dans les milieux d'affaires montréalais, ajoute un autre ténor du parti de Jean Charest.
D'autres sources confient que des membres en vue du PLQ à Montréal ont exprimé directement leur mécontentement à Jean Charest dès le début de la semaine, quand il est devenu clair que M. Sabia serait choisi. Pour ces libéraux, ce choix vient «du Parti conservateur». Il est difficile de savoir qui, de Brian Mulroney, Paul Tellier ou Daniel Gagnier (chef de cabinet de M. Charest), a eu le plus d'influence, mais le nom de Michael Sabia vient de cette mouvance, confie-t-on.
Pour l'ancien premier ministre Bernard Landry, le problème n'est pas l'origine ontarienne du nouveau PDG ni la qualité de son français, «tout à fait convenable».
Le problème, c'est «sa culture nationale... canadian». «Cet homme était le dernier profil à choisir pour diriger cette institution. Le gouvernement commet une sorte de provocation. Même dans les rangs des libéraux québécois, cette décision n'a pas dû être bien accueillie», dit M. Landry.
«Il nous l'a prouvé en étant l'artisan du transfert à Toronto de Bell Canada Entreprises, un des fleurons de l'appareil décisionnel et économique de Montréal, avec toutes les conséquences que cela aurait pu avoir. Ils font ça de bonne foi, c'est leur culture!» «Nos actes nous suivent...» a-t-il poursuivi.
«Pour diriger la Caisse, la plus grande institution financière du Québec, avec toute la symbolique que cela représente, il aurait fallu quelqu'un qui a passé sa vie dans la culture socio-économique québécoise, qui épouse le modèle québécois», croit Bernard Landry.
Charest défend la nomination
En point de presse dans les Laurentides, où il participait à une annonce d'achat d'autobus par la Société de transport de Montréal, Jean Charest a vanté les mérites de M. Sabia, son «parcours remarquable» comme «Québécois qui a laissé sa marque».
«C'est la recommandation du conseil d'administration et nous savons que Michael Sabia va faire un très bon travail», a soutenu M. Charest.
Il s'est récrié quand on a soulevé le manque de «sensibilité québécoise» de M. Sabia. «Il connaît très bien le Québec. Il habite au Québec depuis plusieurs années. Il est très compétent et je vous assure qu'il va travailler dans un cadre, un conseil d'administration, une institution qui est totalement dévouée aux intérêts du Québec, a soutenu M. Charest. Il a fait ses preuves à la tête d'une très grande entreprise et il aura à son service, autour de lui, tous les experts qu'il lui faut pour remplir le mandat de la Caisse.»
Joint hier par La Presse, le péquiste François Legault a hésité à commenter la nouvelle et a préféré indiquer que Mme Marois allait le faire. Quatre heures après l'annonce de la nomination, la chef péquiste a publié un communiqué où elle évite de critiquer trop durement ce choix: «Nous ne partageons pas la décision du gouvernement de Jean Charest de nommer Michael Sabia à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Compte tenu de l'état de crise qui sévit à la Caisse de dépôt, nous aurions souhaité une personne qui fasse davantage l'unanimité et surtout qui possède le profil et les expériences nécessaires pour relever les défis auxquels est confrontée la Caisse.»
- Avec collaboration de Martin Croteau
Les critiques fusent, même chez les libéraux
«C'est la recommandation du conseil d'administration et nous savons que Michael Sabia va faire un très bon travail», a soutenu M. Charest.
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