Entre mafias et Médias ...

Les corridors de la corruption au Québec

Commandites, La Concorde, Norbourg, Jones, Papiers commerciaux, construction ...

Tribune libre

Effet domino des sinistres découvertes
Il y a quelques semaines, au Québec le cachet de «société corrompue» nous provoquait. Quasiment tous, sommes-nous montés aux barricades manifester d’indignation. Aujourd’hui, nous en faisons d’éclatants constats, hélas sans questionnement en profondeur. De quoi parle-t-on au juste? La corruption! Qu'est ce que la corruption? Ça peut sembler niaiseux de vouloir définir la corruption. Oh que ça ne l’est pas!
Je distingue dans le contexte présent, 4 formes de corruption qui nous assiègent. La première est cyniquement audacieuse. Elle est la plus décriée, la plus facile à établir. Consciemment, les corrupteurs et les corrompus brisent le contrat social du savoir vivre, enfreignent les règles, défoncent les murs de lois pour s’approprier ce qui revient à la collectivité, à la société. Ils prennent un risque non légitime, calculé, celui de se faire démasquer. Assez souvent hélas, ça leur réussit. Autrement, nous n’en serions pas là. N’est en effet bandit que qui est pris la main dans le sac, jamais qui a le sac dans la main. Alors, la mafia fait parler d’elle quand elle tire des balles, mais ses lots de billets verts et ses trafics d’influences passent inaperçus. Serions-nous en mesure d’attacher les noms à «mafia»? Ça dépend de «nous», de qui agirait en notre nom et de la distance qui le sépare de cette mafia.
Zèle démesuré, peurs et agendas cachés
La deuxième forme de corruption est malicieusement pernicieuse. Elle se cache derrière des modes de vie aux apparences louables, légitimes. Prenons l’exemple de l’excès de zèle. Trop c’est trop, ce n’est jamais bon. Trop zélé, on déplace ce qui revient à soi, sans que ce soit nécessaire ou demandé. Trop zélé, ca peut aussi constituer un voilage d’intérêts cachés, ou de peurs de perdre sa position, sa place. Le meilleur moyen de camoufler un agenda caché, c’est l’excès de générosité. Ça frise l’hypocrisie. Je pense notamment aux quelques cas de brebis égarés, religieux ou laïcs, animateurs ou entraineurs sportifs très paternalistes, dont on découvrira longtemps trop tard le comportement pervers sur les mineurs. Ca fait frissonner d’y penser que l’on ne peut ne pas être alerte à l’endroit de toute attitude excessive, anormale et donc corruptive.
Parallèlement au zèle, se dresse le couple expérience et ancienneté. Ne croit-on pas que l’ancienneté est mère d’expérience, elle-même garante d’efficacité? Ce n’est hélas pas toujours vrai. En effet, l’ancienneté traduit en d’autres mots, peu de mobilité. Or, c’est une pierre qui roule, qui n’amasse pas mousse. Celle qui reste à la même place, s’encrasse. C’est donc dire que la longévité dans une position fonctionnelle n’est pas si reluisante, excepté dans le mariage. Dans le mariage, plus ça dure, plus c’est sûr. Dans l’organisation sociale, plus ça roule dans l’ordre, plus c’est collectivement profitable.
En politique et dans l’univers social, un vieil adage nous rappelle que le pouvoir corrompt. Avec le temps, les belles intentions tombent en désuétude. Plus besoin de séduire, de se vendre. Avec l’ancienneté, on flirte avec l’insouciance, la confiance acquise. Plus on est ancien dans un poste, plus on se sent inamovible, voire «intouchable». On devient tendancieusement plus fort que la loi. Autour du roi ou de la reine, des commensaux rodent et établissent de nouvelles règles du jeu, de partage du fromage entre les mêmes invités à table. Pour s’y maintenir, ils tiennent en otage leur héro, lui organisent des mythes fabuleux, certains débiles d’autres intelligents. Ils lui attribuent des succès surréalistes, tellement emballant que rarement on leur résiste. Et le personnage central devient lui-même mythique, déifié.
Dans ce contexte, la complaisance et le copinage prennent racines. Dès lors, tout devient permis, en tête de liste la compromission. On se dit chez soi, on relègue les mandants au rang de valets. On joue aux billes en famille, derrière des portes closes, loin des agitateurs et des importuns laquais. Ce faisant, on se croit détenir la clé et le secret de l’excellence, l’expérience. Faux! L’expérience sans mobilité, produit la rouille. Pire, la population croit le contraire. Ainsi, trop longtemps on occupe un poste, plus on en fait un foyer de corruption, et plus on est enclin à n’y voir ou n’y vouloir personne d’autre. Et la population s’y fait prendre. Aveuglée par des médias également corrompus tel que décrit supra, elle se satisfait du statuquo, ne sachant entrevoir le bienfait d’une ouverture au changement.
Des médias corrompus et corrupteurs, envahisseurs.
La troisième forme de la corruption est unipolaire et médiatique. Les médias sont des as de la critique, mais sont paradoxalement à l’abri de toute critique. Qui critique les Medias ? Par quel canal passer pour questionner les magiciens de cet univers? Intouchables. Narcissiques, ils ne sont sensibles qu’aux éloges et aux paroles flatteuses, canalisent plus de ressources à se vendre et séduire, à nous rendre mous et malléables à la consommation de n’importe quoi. Au service de qui sont-ils au juste? L’imputabilité leur est proscrite! Ils mettent tout le monde à genou, en quête de piments doux pour tromper leur insatiable faim de sensations fortes. J’ai horreur de les voir trainer nos élus dans la boue, excessivement, voire parfois injustement. Peu s’en offusquent, la corruption est telle que l’on ne fait pas le lien entre manquer de respect envers un élu ou un humain, et offenser ses électeurs ou ses proches, sans parler de respect de soi. On dira que ce n’est de leur faute si la société les laisse faire, mais ça demeure un fait troublant, d’autant plus que ce sont eux qui dictent l’attitude à prendre. Le monde des médias est au fond une religion des jeux de lumières sans messie. Alors que les anciennes religions ont une direction et des écrits de références, cette nouvelle religion puise l’inspiration de partout et sème dans tous les sens les grains de l’anarchie. Quel type de société produiraient les médias si rien ne pouvait changer? S’il n’est pas trop tard, il est minuit moins une.
Au Québec, il se produit deux phénomènes médiatiques aux apparences banals, que je trouve plutôt inquiétant. Le premier concerne les «ex colocataires». Ce sont des anciens politiciens qui traversent la rue Frontenac, ou d’anciennes vedettes de l’opinion qui empruntent l’ascenseur en sens inverses. Manifestement, la critique ne peut être neutre, ni objective. Ainsi, les médias sont rangés, selon les sensibilités politiques. Peut-on encore dire qu’ils sont indépendants? Si c’est affirmatif, il est aussi évident que leur indépendance n’est pas attachée à l’optimisation de l’intérêt public, plutôt des intérêts corrompus des particuliers. Le second concerne le club des chroniqueurs et animateurs populistes. Tous les jours, toutes les semaines, toute l’année, les mêmes personnes commentent la vie et l’actualité, voguant de généralités en spécialités, tel des illuminés. Chacun y va de ses croyances, de ses perceptions du moment. Leurs analyses s’avèrent autant superficielles que divergentes, alors que le public a tendance à prendre les messages médiatiques pour des vérités bibliques. Ainsi l’opinion publique se forge dans l’obscurité de pensée et l’illusion de lumières. Quel gâchis! Oui, ils nous récréent, mais aussi se faisant ils participent à une forme de crétinisation sociale, laquelle favorisera l’une et l’autre des formes de corruption décrites dans ce texte. Quelques médias réservent des espaces de choix à des gens les mieux éclairés selon le contexte, des gens du milieu et des experts incontestés. Leur impact me paraît encore marginal.
Tous corrompus, pas à peu près ...
La quatrième forme de corruption est innocemment paresseuse. Elle nage entre scepticisme, pessimisme et fanatisme. «Rien à faire», dit-on. Ou encore, «ça ne me concerne pas», se caresse-t-on. Des fois, on ménage son confort social, pour dit-on aider un ami, ou plutôt veille-t-on à ses propres intérêts. De telles attitudes sortent de la normalité, de la légitimité. On laisse faire ce qui ne convient pas, on se rend impuissant et inconsciemment complaisant.
Aucune de ces quatre formes de corruption n’est banale. Le silence des pantoufles ou le bruit des bottes, l’un profite de l’autre. On combattra donc la corruption sur tous les fronts. Pour ce faire, il faudra se concentrer sur les pôles décisionnaires pertinents, assurer et garantir la démocratisation du bon sens et des processus de décision. Qui détient les pouvoirs de décision? Qui exerce un pouvoir de corruption sur le décideur? Comment démocratiser la décision, la réflexion, l’éclairage des couloirs décisionnels? Pour y voir clair, il faudra commencer par nettoyer les médias populistes et les remettre d’aplomb. Le défi frise l’utopie, mais des bons médias doivent pouvoir y contribuer. Ou alors ce sera au gouvernement d’y remédier, espérons en élire un lucide et à la hauteur de la tache.

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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2 commentaires

  • François Munyabagisha Répondre

    22 octobre 2011

    La corruption dans la construction, n'est qu'une pointe d'Iceberg.
    Ce n'est pas d'une commission sur la construction que le Québec a besoin, plutôt des ETATS GENERAUX SUR L'ETAT DE LA NATION.
    Comme nous sommes corrompus jusqu'à l'os, le patchage se poursuivra, de commissions en commissions. Au secours, nouveaux arrivants!

  • Archives de Vigile Répondre

    2 décembre 2010

    Cher Monsieur, je trouve votre plume d'une acuité incomparable.
    En espérant avoir l'heureuse opportunité de faire votre connaissance un beau jour de printemps ensoleillé.
    Merci d'enrichir l'espace virtuel de votre plume !
    Une lectrice avide
    CD