Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a un plan bien ficelé afin d’accroître la marge de manœuvre du Québec dans des secteurs clés comme la culture, l’immigration et l’environnement. Le premier ministre Stephen Harper y a d’ailleurs montré de l’« ouverture ».
« Je n’ai pas créé la CAQ pour signer la Constitution », déclare d’entrée de jeu M. Legault dans une entrevue avec l’équipe éditoriale du Devoir. « Par contre, il n’y a rien qui nous empêche de faire des gains », ajoute-t-il du tac au tac, lui, qui s’était pourtant tenu à l’écart des prises de bec de ses adversaires Pauline Marois et Philippe Couillard sur l’avenir du Québec au sein de la fédération canadienne.
Un gouvernement caquiste tentera de rapatrier une « partie des pouvoirs » détenus par le gouvernement fédéral en matière de culture, d’immigration et d’environnement, dit l’ancien ministre péquiste.
Dans Cap sur un Québec gagnant, le projet Saint-Laurent, François Legault dit vouloir s’inscrire dans la « tradition de la souveraineté culturelle » de l’ancien premier ministre Robert Bourassa « pour demander au gouvernement fédéral un élargissement significatif des responsabilités du Québec en matière de langue et de promotion de sa culture ». « Je n’ai pas changé d’idée », affirme-t-il dans son entretien avec Le Devoir, précisant vouloir étendre l’application de la Charte de la langue française aux entreprises privées de compétence fédérale. Par ailleurs, l’homme politique entend faire un « grand pas » sur le terrain de la culture en rapatriant « une bonne partie des budgets de Patrimoine Canada qui sont actuellement dépensés au Québec » au ministère de la Culture.
Il tâchera aussi de convaincre Ottawa de resserrer ses dépenses, puis de tirer vers le bas « le plus possible » les impôts et les taxes des individus et des entreprises. « Je ne veux pas inscrire ça [le pouvoir fédéral de dépenser] dans la Constitution. Je veux être pragmatique », dit le chef caquiste, entrevoyant à l’horizon un retour aux belles années de surplus budgétaire à Ottawa. « Plus on aura un État petit à Ottawa, plus ça donnera la chance au Québec de prendre toute la place qu’il veut dans les différents champs de compétence. » Mais, un gouvernement caquiste n’occupera pas l’espace fiscal laissé vacant si le fédéral bat en retraite, soutient M. Legault. « Il est hors de question qu’il y ait une augmentation d’impôts ou de taxes », martèle-t-il, répétant sur tous les tons que les Québécois sont « étouffés », « étranglés » par le fardeau fiscal « fédéral et provincial ».
Le chef de la CAQ dit avoir sondé le premier ministre canadien en échangeant « quelques fois » avec lui avant le coup d’envoi de la campagne électorale. Il a aussi demandé à l’un de ses proches collaborateurs de tâter le terrain avec un membre de la garde rapprochée de M. Harper. « Nous, avant de faire notre sortie, on a jasé avec eux autres, puis il y a une ouverture pour tout ce dont je viens de vous parler », fait valoir M. Legault, avant d’ajouter : « On a parlé plus souvent au cabinet de M. Harper, que Pauline Marois. Et probablement même plus que l’équipe de Philippe Couillard. »
En matière d’économie, le Parti conservateur et la CAQ parlent la même langue, les deux lui accordant « la priorité » dans leurs programmes politiques. « Mais, sur les domaines sociaux, on ne s’entend pas. Personne ne s’entend avec les conservateurs. »
Au cabinet de M. Harper, on confirme la tenue de « communication au niveau du personnel des [deux] cabinets ». « Le contenu de ces discussions est privé et nous n’avons pas l’intention d’en commenter la teneur en pleine campagne électorale », a cependant indiqué l’attaché de presse Carl Vallée.
Le chef de la CAQ estime être « le mieux placé » pour négocier avec Ottawa. D’une part, il reproche à la chef du PQ, Pauline Marois, de ne « pas [avoir] la crédibilité pour négocier quoi que ce soit » avec le gouvernement fédéral. D’autre part, il accuse le chef du PLQ, Philippe Couillard, d’être « à plat ventre devant Ottawa », disposé à « accepter n’importe quoi » de Stephen Harper.
D’ailleurs, le gouvernement conservateur considérerait la possibilité de permettre aux Québécois de remplir une déclaration de revenus unique, qui serait gérée par Revenu Québec. « Il y a une ouverture. J’ai confiance que je serai capable de faire des gains pour le Québec. »
«Position vulnérable»
Aux rênes de l’État du Québec, la CAQ veillera à « garder l’avenir ouvert ». « [Ainsi], dans 10 ans, dans 15 ans, les deux options [seraient] ouvertes : la souveraineté du Québec et signer la Constitution canadienne, mais en revoyant la distribution des pouvoirs. »
D’ici là, le Québec doit se relever de la « position vulnérable » dans laquelle il se trouve. M. Legault juge « terrible » de voir le Québec toucher 9,3 milliards de péréquation par année. « On n’a vraiment pas le gros bout du bâton pour négocier quoi que ce soit avec Ottawa. »
À la tête d’une équipe de gestionnaires, le chef caquiste cherchera par tous les moyens à réduire l’écart de richesse entre le Québec et les autres provinces canadiennes. « J’ai moins de personnalités connues comme Duchesneau et Barrette, mais quand je regarde la qualité et l’expérience, surtout en gestion […] je n’ai aucun complexe, je suis fier de mon équipe. […] Un : ils sont meilleurs qu’en 2012. Deux : ils sont meilleurs que le PQ et le [PLQ] », déclare M. Legault, insistant sur l’importance de confier le pouvoir dans cette période économique trouble à une équipe de gestionnaires-entrepreneurs. « Il y a des moments dans l’histoire d’un peuple où on a besoin d’un profil différent » notamment afin de « tenir tête au système ». « Même Jean Charest, qui avait promis une réingénierie en 2003, n’a pas été capable de [le faire] ». Malgré de beaux discours, le nombre d’employés de l’État a fait un bond de 70 000 employés, passant de 500 000 en 2003 à 570 000 aujourd’hui, fait-il remarquer. « Il n’y a eu personne qui a eu le courage de faire le travail ! » lance le comptable agréé. Le Québec aura une « opportunité extraordinaire » de réduire la taille de l’État au cours des prochaines années, avec le départ à la retraite de nombreux baby-boomers. La CAQ s’engage aussi à limiter à l’inflation la hausse des tarifs, notamment ceux d’Hydro-Québec et des centres de la petite enfance, en plus d’abolir la taxe santé et la taxe scolaire.
« Au Québec, on aime ça la Constitution, on aime ça parler d’autres choses. On peut-tu parler d’économie ? »
Avec Hélène Buzzetti
FRANÇOIS LEGAULT AU DEVOIR
Legault sent une «ouverture» chez Harper
Le chef de la CAQ veut obtenir des gains pour le Québec dans plusieurs domaines
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