Le véritable enjeu

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PKP : « Du progrès, mais encore loin de la coupe aux lèvres »

Les adversaires de Pierre Karl Péladeau ont eu droit mercredi soir au même traitement qu’il réserve généralement aux journalistes. Quand une question lui déplaît, il l’ignore.

Tour à tour, ils lui ont demandé s’il était disposé à puiser dans les fonds publics pour faire la promotion de la souveraineté dans l’éventualité où il ne pourrait pas tenir un référendum dans un premier mandat, s’il était favorable à la modernisation de la loi antibriseurs de grève, s’il était exact que Québecor avait recours aux paradis fiscaux ou encore s’il accepterait de reporter le déficit zéro d’un an. Chaque fois, il a refusé de répondre, sous prétexte que le sujet n’était pas inscrit à l’ordre du jour.

Bernard Drainville n’avait visiblement aucune envie de s’éterniser sur les thèmes officiels du débat — économie et finances publiques —, qui ne semblaient pas offrir un potentiel suffisant à un candidat accusant un aussi grand retard. Avant de devenir premier ministre et éventuellement chef du camp du Oui, le prochain chef du PQ devra affronter Philippe Couillard, a-t-il expliqué. Selon lui, le véritable enjeu de la course à la chefferie est donc de déterminer qui est le plus apte à lui tenir tête et il s’est employé de façon assez convaincante à démontrer que c’est lui.

Depuis le début de la course, il avait semblé sur la défensive, comme s’il était écrasé sous le poids de la charte de la laïcité. Pour la première fois, il a donné l’impression de vouloir réellement se battre et d’utiliser pleinement l’avantage que lui confèrent ses talents de communicateur et son sens du punch. De toute manière, il n’avait plus grand-chose à perdre à jeter les gants.

Alexandre Cloutier ne s’attendait sans doute pas à ce que son ex-collègue dans le cabinet Marois lui rappelle le douloureux souvenir de la « gouvernance souverainiste », dont presque tout le monde a heureusement oublié qu’il était le ministre responsable, et il a paru un peu déstabilisé de se faire reprocher l’ambiguïté de sa démarche référendaire par un homme qui ne sait pas lui-même s’il en tiendra un.

M. Péladeau n’a peut-être pas impressionné, mais il a au moins retenu la leçon de ses mauvaises expériences à l’Université de Montréal et au dernier Conseil national du PQ, alors que son manque de préparation avait fait très mauvaise impression.

Soit, la plateforme économique qu’il a rendue publique mardi ne pèche pas par excès d’originalité : qui peut s’opposer à la protection de nos sièges sociaux, au développement des régions, à l’électrification des transports ou encore au développement de l’économie des régions ?

C’est son désir de jeter les bases d’une « grande économie de partenaires » en s’inspirant du modèle de concertation allemand qui a surtout retenu l’attention. Entendre le roi du lockout proposer de prendre les mesures pour « atténuer l’opposition historique entre capital et travail » avait de quoi piquer la curiosité.

De plus amples explications seraient toutefois nécessaires avant de conclure à sa conversion aux bienfaits du syndicalisme. En Allemagne, ce sont les employés et non les syndicats qui sont représentés dans les conseils d’entreprises. Il y a là plus qu’une nuance. M. Péladeau semble malheureusement avoir décidé que l’avance qu’il détient le dispense de répondre aux questions, d’où quelles viennent.

Les sondages ont beau laisser entrevoir la possibilité d’une victoire du PQ s’il en devient le chef, l’élection partielle de lundi dans Richelieu n’a donné aucun signe d’un quelconque « effet Péladeau ». C’était la moindre des choses que le PQ conserve cette forteresse qu’il détient depuis 1994, mais une rapide extrapolation des résultats à l’ensemble du Québec n’est guère rassurante.

Une baisse générale de trois points pour le PQ et d’un point pour le PLQ, conjuguée avec une hausse de six points pour la CAQ, se traduirait par une perte de huit sièges pour le PQ, une perte de trois sièges pour le PLQ et un gain de onze sièges pour la CAQ, principalement dans la couronne montréalaise, mais aussi en Mauricie et dans la région Québec.

Avec 67 sièges, les libéraux seraient toujours en mesure de former un gouvernement majoritaire, mais c’est la CAQ qui formerait l’opposition officielle avec 33 sièges, alors que le PQ serait relégué au rang de deuxième groupe d’opposition avec 22 sièges, soit 14 de moins qu’à la désastreuse élection de mars 2007.

Bien entendu, les extrapolations de genre ont leurs limites et la prochaine élection générale n’aura lieu qu’en 2018. Mathématiquement, le PQ perdrait Saint-Jérôme, mais il serait pour le moins étonnant que les électeurs tournent le dos à M. Péladeau, à plus forte raison s’il a une chance de devenir premier ministre. À en juger par sa performance à Trois-Rivières, il y a cependant encore loin de la coupe aux lèvres.


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