Le tsunami du 26 mars... et après

Tribune libre - 2007


Jean Charest s’est endormi en misant sur les déboires d’André Boisclair,
sur ses qualités de «campainer» et il n’a pas pris Mario Dumont au sérieux.
Quand il s’est réveillé, il était trop tard. Même le budget fédéral ne
pouvait plus le sauver. Quant à André Boisclair, miné par la question de
son leadership, il a eu beau mener une bonne campagne mais la vague qui
commençait à déferler sur le Québec était devenue beaucoup trop grosse pour
ses moyens. Que reste-t-il après cette vague ? Quelles sont les
perspectives qui s’ouvrent pour le futur ?
Les libéraux sortent très affaiblis même s’ils conservent théoriquement le
pouvoir. Pour les prochains mois, ils ne contrôlent plus vraiment
l’agenda. Ils devront s’adapter et pratiquer l’humilité ce qui ne leur
fera pas de tort. Même si Jean Charest affirme être l’homme idéal pour
composer avec ce défi, il risque de trouver le temps bien long. Il ne lui
sera plus possible d’imposer le baillon lors des débats. Mais le problème
le plus grave pour les libéraux c’est qu’ils ont perdu l’essentiel du vote
francophone. Au Québec, cela ne pardonne pas.
Leur apathie constitutionnelle, leur propension presque maladive à se
réjouir de coquilles vides comme le petit banc à l’UNESCO, la
reconnaissance factice de la nation québécoise et le triste épisode du
ministre Béchard à Nairobi ont révélé qu’ils n’étaient les défenseurs des
intérêts du Québec comme ils le prétendaient et qu’ils étaient plutôt le
parti de la démission tranquille sur le front constitutionnel. Quand on
ajoute à cela un bilan plutôt misérable, on comprend leur dégringolade. À
force de se gargariser avec des notions creuses comme la réingéniérie,
l’asymétrie, la péréquation en passant par le Conseil de la Fédération, ils
ont perdu une bonne partie de leur clientèle qui comme la majorité des
Québécois ne comprend pas grand chose à ce grand rafistolage du système
fédéral canadien. Les fossoyeurs de l’ombre de ce parti sont sûrement déjà
en recrutement pour préparer une éventuelle succession. Parions que le
téléphone s’apprête à sonner chez Philippe Couillard si ce n’est pas déjà
fait.
Pour ce qui est de l’ADQ, la traversée du désert est terminée. La
campagne de Mario Dumont n’a pas été nécessairement bonne mais elle a été
efficace. Oscillant entre populisme et démagogie, il a labouré un terrain
rendu fertile par la faible bilan des libéraux et la frigidité de bien des
Québécois au sujet d’un autre référendum. Mario Dumont a dû néanmoins
avoir la frousse de sa vie quand il a vu qu’il menait à un moment donné.
Heureusement pour lui, il a évité une victoire bien embarrassante.
Heureusement surtout pour nous, nous avons échappé à la perspective d’un
gouvernement navrant . Mario Dumont nous parle du renouveau et d’un vent
de fraîcheur apportés par son équipe. En fait, pour ce qui est de la
nouveauté, c’est plutôt discutable. Il est un jeune politicien mais
porteur de vieilles idées. Il a le don de la formule accrocheuse mais le
contenant cache malheureusement le vide du contenu. La forme heureuse fait
oublier le fond désolant. Quant au vent de fraîcheur, il s’agit bien plus
d’une bise néo-libérale qui aspire à achever l’oeuvre de démolition de
l’État québécois commencée par Jean Charest.
Ce qu’il y a de détestable avec Mario Dumont, c’est qu’il semble être un
héritier direct de Robert Bourassa. Nous allons donc assister à un retour
en force de l’ambiguïté, des faux-fuyants et des atermoiements. Osons au
moins espérer que maintenant qu’il représente une force politique établie,
il abandonne ce côté démagogique déplorable. Il n’en a plus besoin.
Quant au Parti québécois, l’heure est à l’examen de conscience.
Manifestement le message ne passe plus sauf chez les convaincus. Il va
falloir renouveler le discours. Renouveler le discours est à la fois ardu
et périlleux. Il faut revoir tout le véhicule et on risque de constater
que la corrosion a peut-être fait plus de dommages que l’on pense. Faut-il
changer d’auto ou faire subir à la vieille voiture une cure de
rajeunissement ? Le problème, c’est que ce parti est porteur d’un projet
qui devrait être réalisé depuis un certain temps déjà. Beaucoup de
militants n’y croient plus et ont décroché et d’autres éprouvent une
profonde lassitude de se retrouver encore dans cet interminable débat.
Certains commentateurs ont parlé de raclée, de désastre, de la fin du
mouvement. Cela semble exagéré. La cause est toujours noble et ce rêve a
encore un potentiel mobilisateur. Le parti compte 36 députés et parmi eux
des recrues intéressantes. Globalement, leur expérience parlementaire est
de beaucoup supérieure à celle de l’ADQ. Il leur faudra exploiter cet
avantage. De plus le Parti Québécois représente plus les différentes
régions du Québec que celui de Mario Dumont. Enfin, sans les
responsabilités du pouvoir et de l’opposition officielle, il pourront
s’appliquer et se concentrer à vanter les mérites de la souveraineté à
chaque fois que l’occasion se présentera. La recette est assez
élémentaire. Le message doit être clair, simple et il faut le répéter
continuellement.
La situation est certainement sérieuse mais pas encore désespérée. Il
faut découvrir une nouvelle approche pédagogique. Dommage pour André
Boisclair qui a beaucoup grandi pendant cette campagne mais il est très
douteux qu’il puisse se maintenir bien longtemps à la tête du parti et ce
même s’il ne peut être tenu comme seul responsable de ce recul.
Les jeux sont donc faits pour un bout de temps. Les prochains mois seront
assez palpitants. Cependant, il semble clair que les Québécois iront au
bout de leur logique et il faut s’attendre à vivre au moins un mandat de
l’ADQ pour que nous nous écrasions encore une fois le nez sur le mur de la
question constitutionnelle et pour constater que l’approche simpliste de ce
parti ne mène finalement nulle part. Que de temps perdu, que d’énergies
gaspillées. Mais cela semble un passage obligé.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/spip/) --

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Gilles Ouimet66 articles

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Né à Mont-Laurier en 1947. Études primaires à cet endroit. Études classiques à Mont-Laurier et Hull entre 1961 et 1968. Diplômé en histoire de l’Université Laval en 1971. Enseignant à la polyvalente de Mont-Laurier entre 1971 et 2005. Directeur d’une troupe de théâtre amateur (Troupe Montserrat) depuis 2000. Écriture pour le théâtre, notamment une pièce à l’occasion du centenaire de Mont-Laurier en 1985 (Les Grands d’ici), une autre à l’occasion du 150e anniversaire du soulèvement des Patriotes (Le demi-Lys...et le Lion) en 1987 (prix du public lors du festival de théâtre amateur de Sherbrooke en 1988 et 2e prix au festival canadien de théâtre d’Halifax la même année). En préparation, une pièce sur Louis Riel (La dernière Nuit de Louis Riel). Membre fondateur de la Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides. Retraité de l’enseignement depuis 2005.





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