Il est (temporairement) parti, mais la polémique demeure. Le retrait de Sam Hamad du Conseil des ministres — et le soutien affiché par Philippe Couillard à son endroit — n’a aucunement calmé les ardeurs de l’opposition, qui continuent à demander son renvoi pur et simple du cabinet.
Au lieu d’apaiser la situation, les développements de samedi ont donné l’impression d’apporter de l’eau au moulin de l’indignation des partis d’opposition. « Philippe Couillard lui donne sa confiance, il lui laisse sa limousine… Ce n’est pas une grosse sanction », s’étonne le député péquiste Bernard Drainville.
M. Hamad a diffusé un communiqué samedi disant qu’il se retire temporairement de ses fonctions de président du Conseil du trésor et de ministre responsable de l’Administration gouvernementale (Carlos Leitão le remplacera). La décision de M. Hamad a été immédiatement qualifiée de « noble et courageuse » par le premier ministre Couillard.
Le retrait de M. Hamad durera le temps que le Commissaire à l’éthique et à la déontologie enquête sur les révélations d’un reportage récent de l’émission Enquête. Concernant celles-ci, l’ancien coprésident de la campagne au leadership de Philippe Couillard n’en démord pas : il n’a rien fait de mal et n’a pas tenté de favoriser l’entreprise de son ami Marc-Yvan Côté.
« On attaque injustement mon intégrité », écrit-il dans sa déclaration. « Je ne peux accepter que ce genre de reportage, fondé sur des amalgames non vérifiés, entache ma réputation et remette en question l’honnêteté avec laquelle j’exerce mes fonctions depuis toujours. »
Et Philippe Couillard ne doute pas de la sincérité de son ministre, même s’il a pris près de 48 heures avant de se porter à sa défense. « Ma confiance en lui n’est pas diminuée par les événements des derniers jours », a-t-il indiqué après les funérailles de Claire Kirkland-Casgrain, samedi.
Il a alors comparé le retrait de M. Hamad à un « congé de maladie, parce qu’il n’est pas coupable de quoi que ce soit ». M. Hamad pourra d’ailleurs continuer à toucher son salaire de ministre et à bénéficier des avantages inhérents à cette fonction pendant que le commissaire enquêtera.
Pas de sanction
Bernard Drainville est loin d’avoir été rassuré par la sortie de M. Hamad et M. Couillard. « On sent plutôt un endossement, comme si le premier ministre passait l’éponge avant même que le Commissaire ait commencé son enquête. J’ai l’impression que l’amitié de Philippe Couillard pour Sam Hamad prend le dessus sur la recherche de la vérité et sur l’intérêt public. »
Selon M. Drainville, « M. Couillard paraît mal à l’aise à chaque rendez-vous avec l’éthique et l’intégrité. Il a de la difficulté à prendre ses distances d’avec l’héritage des années Charest », que l’arrestation de l’ex-ministre Nathalie Normandeau a ramené à l’avant-plan.
Le député maintient que l’Unité permanente anticorruption (UPAC) devrait faire enquête sur les allégations contenues dans le reportage d’Enquête. Les courriels dévoilés par Radio-Canada montrent que le ministre Hamad était une source d’information stratégique pour son « ami » Marc-Yvan Côté. Il lui aurait fourni des renseignements sur l’évolution des demandes de subventions et de prêt de l’entreprise pour laquelle M. Côté travaillait. Ce dernier s’activait par ailleurs à faire du financement politique pour M. Hamad.
« Les faits sont accablants, pense Bernard Drainville. Il y a apparence de trafic d’influence. »
Pour le chef caquiste François Legault, l’attitude de Philippe Couillard dans le dossier Hamad témoigne d’un « grand manque de jugement. Il ne semble pas comprendre qu’en réitérant sa confiance en Sam Hamad, il accroît le cynisme de la population à l’égard du Parti libéral, mais aussi de la classe politique », dit-il en faisant référence à un sondage Léger publié par Le Devoir il y a dix jours.
On y apprenait que 72 % des gens croient que la corruption est un « phénomène répandu au Québec », qu’une personne sur trois croit qu’une « majorité » de politiciens est corrompue, et que huit personnes sur dix ont « peu ou pas confiance du tout » envers les « politiciens en général ».
Dans le dossier Hamad, « M. Couillard prend les choses beaucoup trop à la légère », estime M. Legault. « C’est une évidence qui échappe à MM. Hamad et Couillard qu’un ministre ne devrait pas avoir de lien professionnel avec Marc-Yvan Côté, qui a été banni à vie du Parti libéral du Canada en 2005 [après avoir reconnu devant la commission Gomery qu’il avait remis de l’argent comptant à des candidats libéraux pour leurs dépenses électorales en 1997] », pense-t-il.
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ÉTHIQUE
Le retrait d’Hamad ne calme pas le jeu
Les partis d’opposition critiquent vivement Couillard
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