Le retour de la semaine de quatre jours

Crise de leadership au PQ


À l'issue d'une réunion du caucus des députés péquistes qui portait sur la conciliation travail-famille, le chef du Parti québécois, André Boisclair, n'a pas exclu, la semaine dernière, de reprendre à son compte une promesse électorale de son prédécesseur et d'instaurer la semaine de quatre jours pour les parents de jeunes enfants.
" La semaine de quatre jours était une belle idée. Elle a été présentée en campagne électorale. Et les Québécois ont tranché. Ils ont fait le choix d'élire le Parti libéral. Mais cette idée demeure encore à l'ordre du jour. "
Il n'est pas très clair ce que le chef péquiste entendait exactement par là. La Presse a titré: " Semaine de quatre jours: Boisclair hésite ". Tandis que le Journal de Montréal concluait plutôt: " La semaine de quatre jours remise à l'agenda. " Mais peu importent les interprétations, il est évident que celui-ci n'a pas écarté cette mesure, comme il aurait dû le faire.
Ce flou et cette absence de limpidité, on l'associe souvent au style Boisclair. J'y vois bien davantage un problème de fond qu'un problème de forme. Si André Boisclair manque de clarté, c'est parce qu'il veut plaire à tout un chacun. Et dans ce cas précis de la semaine de quatre jours, il n'ose pas rompre avec le passé de son parti et il n'est pas en mesure d'articuler une doctrine qui soit capable de concilier en termes nouveaux le social et l'économique.
La promesse électorale de la semaine de quatre jours reflète tout à fait la façon de voir les choses de Bernard Landry. Elle consistait à forcer les employeurs à accepter de réduire de 20 % les heures de travail de tout employé, parent d'enfants de moins de 12 ans, qui en ferait la demande.
Sur papier, cette mesure, certainement généreuse, pourrait faciliter la vie des jeunes parents. Par contre, un tel projet, interventionniste, coercitif pour les entreprises, compterait des coûts et des conséquences qui doivent aussi être soumis au débat public. Car une " belle idée " n'est pas nécessairement une bonne idée.
La promesse péquiste reflétait clairement l'influence qu'exerce l'expérience française chez les péquistes de la première heure. En France, les socialistes ont cru à la réduction de la semaine de travail comme outil novateur de lutte contre le chômage. Mais la semaine des 35 heures a été un échec, qui a rendu encore plus chronique le chômage qui sévit dans ce pays, notamment les rigidités accrues dans le fonctionnement du marché du travail. S'il y a un modèle qu'il faut fuir comme la peste, au plan économico-social, c'est bien le modèle français.
Tout d'abord, il est assez évident que cette obligation coûterait cher aux entreprises forcées de réorganiser les horaires et de remplacer ceux et celles qui bénéficieraient de cette semaine de quatre jours. Des coûts que l'on évaluait alors à plusieurs centaines de millions, qui ajoutent des contraintes à des entreprises qui, au Québec, supportent déjà un lourd fardeau.
Mais surtout, cette mesure renforcerait deux tendances peu heureuses déjà à l'oeuvre au Québec. D'une part, un impact négatif sur la productivité, quand on sait que le Québec est déjà en retard sur ses voisins et partenaires à ce chapitre. Et d'autre part, une réduction de la semaine de travail quand celle-ci est déjà moins longue qu'ailleurs au Canada ou aux États-Unis.
Ces deux facteurs sont déjà les principales causes du retard de niveau de vie québécois. Autrement dit, avec cette mauvaise idée de semaine de quatre jours, l'écart de niveau de vie entre le Québec et ses partenaires aurait tendance à s'accroître plutôt qu'à se réduire. Le nouveau chef péquiste ne peut pas ainsi faire abstraction de la création de la richesse dans l'élaboration de ses choix.
Mais pour l'instant, André Boisclair ne s'est manifestement pas affranchi de la culture interventionniste de son prédécesseur. " On ne peut pas laisser les règles du marché aller et penser qu'un jour le milieu de l'entreprise sera plus accueillant qu'il ne l'est pour les familles ", a-t-il ajouté. Cette remarque ne tient pas compte du fait que les " règles du marché ", dans un contexte de pénurie de main d'oeuvre, forcera au contraire les entreprises à innover pour attirer des employés et les conserver.
Dans ce dossier, la pensée d'André Boisclair ne se distingue pas de celle de Bernard Landry. Celui-ci, malgré toutes ses qualités, était passéiste dans sa définition de la social-démocratie et dans ses stratégies économiques. Il avait l'excuse de l'âge. Mais on devrait s'attendre à ce qu'un représentant d'une génération qui se veut porteuse de modernité intègre de façon plus subtile et plus novatrice l'économique et le social.
Adubuc@lapresse.ca


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