Le récit des négociations de la «dernière chance»

Conflit étudiant - sortir de l'impasse



Consultez le rapport sur les rencontres de la «dernière chance» publié par la CLASSE
Offre initiale du gouvernement lors des négociations de la dernière chance. Lors de la première journée des négociations, lundi, la ministre Michelle Courchesne accepte de parler tout de suite des droits de scolarité, sujet qu’elle aurait préféré aborder en dernier. Mais c’est le lendemain qu’elle offre de réduire d’un montant de 35 $ la « contribution individuelle à la hausse ». Annuellement, on serait passé de 254 $ à 219 $; sur sept ans, 1533 $. Puisque, selon les « paramètres » du gouvernement, la « baisse de la hausse » doit se faire à « coût nul », il proposait de faire baisser le pourcentage du crédit d’impôt pour frais de scolarité et d’examen (CIFSE) de 16,5 % à 13,5 %. Depuis sa création en 1997, le CIFSE était à 20 %. Pour financer une bonification de l’aide financière (AFE) rendue publique le 5 avril, le gouvernement avait annoncé une baisse de 3,5 % de ce crédit d’impôt (d’où le 16,5 %).
Première contre-offre des étudiants. La proposition est rejetée par les étudiants, qui la jugent « insultante ». Ils retiennent l’idée de rogner dans le crédit d’impôt. Ainsi, ils pourront concocter une proposition qui respecte les fameux « paramètres » que le gouvernement a présentés comme des balises incontournables. Les « assos » proposent donc un gel des droits dans les deux premières années, à coût nul. Cela implique qu’en 2012-2013, ils rognent quatre points de pourcentage dans le CIFSE qui se trouve alors à 12,5 %. L’opération rapporterait 44,4 millions. En 2013-2014, on retranche cinq points supplémentaires : le CIFSE tombe à 7,5 %.
Le gouvernement est surpris. La CLASSE, dans un récit impressionniste des négos, l’illustre ainsi : « Le gouvernement semble vraiment perplexe à l’idée qu’on leur offre un gel à coût nul, mais la confusion quant à l’utilisation du crédit d’impôt lui permet de refuser d’y croire. » Une bataille de chiffres s’engage. Un négociateur de la FECQ lance qu’au fond, le véritable but du gouvernement, ce n’est pas de financer les universités : « Ce que vous voulez, c’est nous faire payer ! » Récit de la CLASSE : « Les gens s’enflamment, Michelle [Courchesne] se fâche tellement qu’elle en perd son soulier ! Elle nous dit que […] politiquement elle ne peut pas [mais] que notre raisonnement est logique et qu’il se tient. » Le gouvernement estime qu’il s’agit d’une sorte de moratoire, « la FEUQ répond qu’on le paie à travers les crédits d’impôt ».

Parenthèse sur le crédit d’impôt. Pour les « assos », le crédit d’impôt est perçu comme une « subvention inefficace ». D’une part, comme la FEUQ le plaide, « l’aide n’arrive qu’en avril ». Or, c’est en début de session que les étudiants ont besoin d’argent. L’aide est « non remboursable » ; les étudiants qui ne paient pas d’impôt n’en bénéficient pas durant leurs études ; comme les familles venant de milieux difficiles.
En revanche, le gouvernement fait valoir que la réduction du crédit d’impôt comporte des impacts sur les étudiants en formation technique et professionnelle. Questionnée par Le Devoir jeudi, Mme Courchesne a de plus fait valoir que la baisse de crédits d’impôt comporte un important « coût des liquidités » les premières années. « Il faut que tu encaisses ceux que tu reportes », illustre la ministre. Mais à la table de négos, « le gouvernement avait du mal à démontrer comment calculer ce coût ». La présidente de la FEUQ, selon Mme Courchesne, s’est montrée opiniâtre : « Les chiffres, Martine les contestait beaucoup. Elle avait du mal à accepter les chiffres, même quand c’était ceux du sous-ministre aux Finances, Luc Monty. À un moment donné, il faut faire confiance ! »

Deuxième contre-offre des étudiants. Mardi soir, la FEUQ propose l’abolition de l’incitatif québécois à l’épargne-études (IQEE). En l’abolissant sur deux ans, le gouvernement dégagerait 56 millions. La ministre raconte avoir été stupéfaite : « Ça m’a jetée à terre. Ça frappe la classe moyenne en plein front ! » s’indigne-t-elle en soutenant que 56 % des familles inscrites à l’IQEE gagnent 75 000 $ et moins. La FEUQ rétorque que la mesure n’est pas efficace « en plus d’être fortement régressive ». Commentaire de la CLASSE : « Il faut comprendre que c’est Michelle Courchesne qui a mis ce programme sur pied. »

Dernière offre du gouvernement. Mercredi 15 h 30, la ministre rejette définitivement la solution IQEE et offre une hausse de 100 $ la première année plutôt que 254 $. Le manque à gagner (154 $) serait compensé par une baisse du CIFSE. Les autres années, ce serait 254 $. Sur sept ans, on passe de 1625 $ à 1624 $. Invendable, soutiennent les « assos ».

« Forum » sur les universités. Lors du passage de Jean Charest à la table de négociations le lundi, il propose un Forum sur les universités qui correspond à peu près à la demande de la CLASSE de tenir des états généraux. Le Forum aurait probablement eu lieu en mars 2013. Jean Charest a évoqué l’idée de le présider. Et de le tenir malgré l’échec des « négos ». Le premier ministre soutient qu’avec les mesures pour l’accessibilité annoncées depuis le début de la grève, c’est la gratuité scolaire pour les membres des familles au revenu de 51 000 $ et moins.

Propositions de compromis. Jeudi, 16 h, Michelle Courchesne met fin aux discussions. Mais celles-ci semblent se poursuivre dans l’espace public.
Lors de différentes entrevues, dont au Devoir jeudi, la ministre de l’Éducation Michelle Courchesne a admis avoir songé, pendant les négociations, à offrir une réduction de 54 $ aux étudiants ; ce qui aurait produit une hausse de 200 $ par année pendant sept ans, soit 1400 $. Les étudiants l’auraient vraisemblablement rejetée, eux qui souhaitaient le gel pour les deux premières années.
Selon plusieurs sources, le gouvernement et les étudiants auraient peut-être pu s’entendre autour d’une formule de type « gel d’un an et demi » (au lieu de deux ans) financé par le CIFSE ; bref jusqu’à la fin du mandat libéral…

Rappel. Hausse initiale : 1625 $ sur cinq ans. 27 avril, Jean Charest et Line Beauchamp en annoncent l’étalement sur sept ans. L’augmentation passe de 325 $ à 254 $, donc à 1778 $. « 50 ¢ par jour », martèle Jean Charest. Pour ce faire, il calcule l’application du CIFSE.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->