En choisissant Stéphane Dion, les libéraux fédéraux ont une fois de plus exprimé leur préférence pour un leader québécois capable de tenir tête aux Québécois. Si cette tactique a déjà fait ses preuves à l'époque de Pierre Elliott Trudeau ou de Jean Chrétien, elle semble aujourd'hui dépassée et risquée, selon les observateurs de la scène politique.
" Je pense que cette recette, qui a fort bien fonctionné à l'époque de M. Trudeau, ne peut plus marcher, dit Jean-Herman Guay, politologue de l'Université de Sherbrooke. Les Québécois ne se contentent plus de la simple présence d'un des leurs à Ottawa. Ils veulent aussi avoir de la reconnaissance et des compromis. "
Jean-François Lisée, directeur du Centre d'études et recherches internationales de l'Université de Montréal (CERIUM), partage cet avis. " Tout comme ils l'avaient fait pour M. Chrétien, les libéraux ont choisi quelqu'un dont les politiques sont extrêmement déconnectées des Québécois. Ce sont des chefs qui ont une vision du Québec proche de celle du Parti libéral mais qui n'est pas celle du centre de gravité du Québec. "
Annonciatrice d'un vent de changement, cette course s'inscrit au bout du compte dans la continuité, pense Réjean Pelletier, professeur au département des sciences sociales de l'Université Laval. " J'ai d'abord cru que M. Dion serait désavantagé justement parce qu'il est québécois et qu'on voulait du changement. Ignatieff ou Bob Rae incarnaient ce changement. Mais visiblement, on a tranché différemment. "
Excellent pour les conservateurs
Si cette mécanique n'est pas garante de succès au Québec, qu'en sera-t-il ailleurs au Canada? " Dans la tête des Canadiens anglophones, Stéphane Dion est celui qui va résister aux nationalistes, dit Jean-Herman Guay. Ils n'ont pas réalisé que cette vieille recette risque de se retourner contre eux. Ils vont bientôt se demander si Stéphane Dion divise l'unité nationale plutôt que de la favoriser. "
Quant à l'image que projette Stéphane Dion auprès des Canadiens, elle est loin d'être impeccable. " On savait que les conservateurs espéreraient avoir quelqu'un comme Ignatieff, qui, avec son air hautain, aurait du mal à séduire les ouvriers de Hamilton, dit Jean-François Lisée. Mais ils n'avaient pas osé rêver d'un intellectuel comme Dion, qui est encore plus loin de cela. Bref, pour les conservateurs, c'est une excellente nouvelle. "
Les Québécois se retrouvent donc avec un parti au pouvoir qui tente de les séduire et un chef de l'opposition d'origine québécoise qui leur tient tête. Cette situation pourrait, de l'avis de certains, compliquer la tâche des candidats libéraux fédéraux du Québec. " Ce ne sera pas évident pour Lisa Frulla ou Pablo Rodriguez, dit Réjean Pelletier. Dans ce contexte, le Parti conservateur risque de faire des gains. "
Surprises possibles
Autant la victoire de Stéphane Dion a surpris la plupart des observateurs, autant ils sont nombreux à affirmer que tout est maintenant possible. " Ne va-t-il pas chercher à étonner et à casser le moule? se demande Jean-Herman Guay. On a l'impression aujourd'hui que les politiciens jouent sur tous les plans et tentent de surprendre. Regardez ce que Stephen Harper vient de faire avec la reconnaissance du Québec comme nation. Est-ce que Stéphane Dion pourra conquérir le Québec en faisant des compromis qu'on n'imagine pas? Peut-être bien. "
Le Québécois qui tient tête aux Québécois
Une recette désuète
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