Le Québec n'a pas fini de s'accommoder

Par Pierre Bérubé

Québec 2008 - La Reine d'Angleterre au 400e ?

Depuis les origines de l'humanité, différentes manières d'exprimer le caractère distinctif de son espèce ont été inventées. Une communauté nationale va ainsi chercher dans les valeurs qui l'entourent et la conditionnent, les signes démonstratifs ou les symboles qui la définissent et la représentent. Les drapeaux, blasons, hymnes ou fonctions honoraires confirment l'identité commune et consolident l'appartenance à la patrie et à ses valeurs culturelles propres. Cette expression de référence à sa culture spécifique constitue une force mobilisatrice gratuite qui renforce le vécu collectif, les affinités et les liens communs.
Une symbolique trouble
À titre d'exemple, l'attachement qu'ont nos voisins américains à exposer unanimement, d'une façon naturelle et spontanée, leurs symboles nationaux, contrairement à notre ambivalence ici et à notre gêne à exercer le même type d'expression, justifie un sérieux questionnement.
Notre population, si partagée quant à son appartenance nationale, se reflète par une symbolique tout autant multiforme. Il y a à peine 60 ans, le drapeau britannique flottait encore sur le parlement du Québec et les édifices publics. "L'Union Jack" constituait le symbole que l'on nous avait donné pour identifier la nation et l'État.
Pendant presque 200 ans, nous nous "colonisions" et l'ambiguité symbolique s'instaurait allègrement au Québec. Pour les francophones très majoritaires, l'anachronisme identitaire s'instituait et l'on devait commencer illico à "apprendre" à biaiser un aspect fondamental et officiel de notre expression culturelle collective. Malgré l'adoption d'un drapeau québécois en 1948, les Québécois ne se sont jamais véritablement remis de ces dispositions politiques qui ne reflétaient en rien leur personnalité culturelle.
Qu'en est-il, en fait, de toutes ces références symboliques monarchiques qui rappellent, encore doucereusement, un passé dépréciatif et minoratif de notre société et qui évoquent les souvenirs de la défaite et de la soumission ? Souvenons-nous qu'en 2007, aucune loi québécoise, aucun député de notre Parlement n'existe sans la sanction royale ou le serment à la reine. Et que dire des extravagances de la lieutenante-gouverneure dans cette réalité travestie, encensée et antidémocratique ?
Des signes aussi palpables que la monnaie, les lettres de créances, les timbres à l'effigie de la souveraine, les terres de la Couronne, la Gendarmerie royale, la Cour du Banc de la reine, etc. ne sont que quelques manifestations qui expriment cette réalité contrefaite.
Qu'en est-il de ce symbolisme qui transcende encore la réalité québécoise, contrarie sa personnalité, exige des fonds publics importants et fige l'aberration comme norme, à une époque où l'âge colonial est révolu depuis longtemps partout dans le monde ?
Mascarade pour 2008 ?
Il n'a pas fallu cinq ans après une mairie nationaliste et un gouvernement souverainiste, pour replonger dans le même dispositif d'inconscience et de désordre émotif sur le plan culturel. La prostitution politique et l'auréole personnelle, au profit des honneurs éphémères, reviennent au galop - et encore au détriment de notre culture distincte déjà amochée.
Cette même catégorie de gens a déjà érigé des monuments "à ceux qui nous ont battus". Je pense en particulier à celui de Wolfe en face du Musée national des beaux-arts du Québec. Une société qui érige des monuments à ceux qui l'ont vaincue, il faut le faire... Cherchez ça dans le monde !
Aujourd'hui, en 2008, des responsables et des élus invitent la reine de l'Angleterre, représentante en chef du pays venu nous conquérir et dont la mission était d'anéantir la francité en Amérique et son premier établissement : Québec. Joyeux 400e Québec ! Le ridicule ne tue pas...
Ainsi, nos compatriotes immigrants, qui souhaitent connaître leur terre d'accueil, n'ont pas fini de se questionner sur notre cohérence nationale et notre allégeance à nos valeurs culturelles. Avec cette nouvelle réalité de "l'accueil des immigrants" qui se superpose à notre "inconscience référentielle", on n'a pas fini de "s'accommoder"... pour ne pas dire de s'embrouiller... Il faudrait commencer par nous comprendre nous-mêmes avant d'accuser les autres de ne pas nous comprendre et de ne pas vouloir s'intégrer.
Une communauté nationale comme la nôtre, qui néglige de telle façon une facette si importante de sa personnalité culturelle, qui contribue à délaver ses références mobilisatrices et qui, somme toute, se ridiculise cruellement, n'a rien de sain pour l'avenir de sa postérité nationale, à moins de revenir vers SA réalité.
Pierre Bérubé, PhD., auteur


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé