Le Québec, d’octobre 1970 à la crise d’Oka

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«On ne peut être maître chez soi que si l’on y maintient l’ordre soi-même»

Au cours des 50 dernières années, deux épisodes d’intervention militaire sont venus bousculer notre itinéraire politique national. En 1970, la crise d’Octobre avec ses 12 000 soldats venus de partout au Canada, dont 8000 dans les rues et le ciel de Montréal. En 1990, la crise d’Oka et ses 2000 soldats autour de Montréal.

Au-delà des particularités propres à chacune, ces crises présentent divers points communs :

Elles éclatèrent dans la foulée immédiate des bons points marqués par le mouvement indépendantiste : en 1970, premiers gains du PQ aux élections d’avril, en 1990, au lendemain de Meech, regain de l’enthousiasme collectif et del’espoir retrouvé, manifestés spectaculairement lors de la Fête nationale à Montréal.

Elles eurent comme bougie d’allumage une escalade dramatique de l’activisme militant, kidnappings de Cross et Laporte par le FLQ en 1970, « kidnapping » du pontMercier par les Mohawks Warriors de Kahnawake en 1990.

Les forces policières furent impuissantes à répondre à la situation : interminable chasse à l’homme en octobre 1970, inepte et malheureuse intervention de la Sûreté du Québec à Oka en 1990.

Appelés à la rescousse, les soldats canadiens occupèrent vite le devant de la scène et rassurèrent l’opinion apeurée. L’armée se verra créditée du rétablissement de l’ordre.

La victoire fut celle de l’État fédéral dont la supériorité fut ainsi fièrement affirmée aux yeux des Québécois eux-mêmes par rapport à « l’État du Québec » et sa pauvre petite et bien penaude police « provinciale ».

Entré en politique en 1978, Claude Ryan faisait partie du gouvernement qui, en juillet 1990, lança aux soldats d’Ottawa son appel au secours. L’ex-directeur du Devoir se rappela alors sûrement le grave constat auquel l’avait conduit sa réflexion au terme des événements d’Octobre : « Plusieurs ont cru depuis quelques années que le pivot de toute solution aux besoins profonds du Québec ne saurait être que le gouvernement du Québec. Or, la crise d’Octobre fut un révélateur important. Elle servit surtout à voir combien, dans des moments vraiment difficiles, le gouvernement québécois est ultimement dépendant de celui d’Ottawa […]. Une société qui ne dispose pas d’armée sur laquelle elle aurait un pouvoir de commandement n’est pas un État, mais une province. Le véritable État, c’est celui qui possède le pouvoir ultime de la force, lequel réside dans l’armée. » (Le Devoir et la crise d’octobre 1970, 1971, p. 276).

Comme en 1970, la crise d’Oka fut l’occasion d’un rappel à la dure réalité. Le Québec n’appartient pas à la cour des grands et n’est pas équipé, dans le cadre politique canadien, pour s’occuper des « vraies affaires ».

Disons-le à l’occasion du 25e anniversaire d’Oka : on ne peut être maître chez soi que si on y maintient l’ordre soi-même. L’ordre que les autres viennent rétablir sur votre sol l’est toujours à leur profit et au prix de votre propre amoindrissement. Mais en ces jours de mémoire, plus personne, dans nos médias et nos cénacles, ne parle de cet aspect-là des choses. Comme si dans l’oeil public la « question autochtone » avait déjà délogé celle du Québec… exactement comme le fit l’armée canadienne venue déloger la Sûreté du Québec en 1990.


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