Le Québec a mal à ses exportations

Le Québec économique



Le cahier PORTFOLIO sur les exportations, que présente aujourd'hui La Presse Affaires, tombe à point.
Le Québec a longtemps été considéré, à juste titre, comme une puissance exportatrice dont l'importance dépassait largement le poids démographique et économique.
Jusqu'au début des années 2000, le Québec exportait bon an mal an 35% de sa production.
L'an dernier, cette proportion est passée à 30%, son plus bas niveau historique.
Certes, le Québec demeure, toutes proportions gardées, un acteur important.
À titre de comparaison, la Chine, nouveau matamore du commerce international, n'exporte que 17% de sa production; le Japon, 15%; les États-Unis, géant économique mais petit exportateur, vend à peine 8% de sa production à l'étranger; l'Inde, dont on parle tant, 5%.
Quand on se regarde, on se désole; quand on se compare, on se console. Attention: ne nous consolons pas trop vite!
Tous les indicateurs du commerce international montrent que le Québec traverse une grave crise.
* Entre 2003 et 2007, les exportations internationales du Québec sont passées de 64 à 70 milliards.
Cette augmentation de 8,7% ne veut rien dire: pendant la même période, l'inflation a atteint 8,5%. Autrement dit, c'est la stagnation.
Pendant ce temps, le reste du Canada augmentait ses exportations de 19,9%.
* Sur le front des importations, la situation se détériore rapidement.
Toujours entre 2003 et 2007, les importations québécoises ont bondi de 64 à 81 milliards.
Or, le pétrole brut représente, loin devant tous les autres, le premier produit d'importation du Québec. À lui seul, il compte pour 18% de tous les achats québécois à l'étranger. C'est énorme.
Et ce chiffre ne comprend pas le mazout, qui arrive au troisième rang avec 4% (le deuxième rang est occupé par les automobiles). Vu la façon dont les prix pétroliers évoluent ce temps-ci, il ne faut pas être sorcier pour prédire que la détérioration va se poursuivre.
* Quand on fait la différence entre les exportations et les importations, on constate un trou grandissant. Jusqu'en 2003, la balance commerciale du Québec était traditionnellement excédentaire. En 2004, elle est tombée dans le rouge avec un déficit de 578 millions; la situation s'est ensuite dégradée rapidement: déficit de 6,2 milliards en 2005, de 7,6 milliards l'année suivante, de 10,9 milliards l'an dernier. Du jamais vu.
* Autre signe inquiétant. Aux États-Unis, de loin le premier marché d'exportation du Québec, les ventes de produits québécois reculent d'année en année.
En 2003, les Américains achetaient 83% des exportations québécoises. L'an dernier, cette proportion était passée à 75%. Ces huit points de pourcentage représentent plus de 4 milliards!
Certes, on peut dire que cela permet de réduire la dépendance du Québec à l'égard du marché américain. C'est d'ailleurs un point de vue que l'on retrouve dans les pages qui suivent. Personne ne peut être contre la diversification et la prospection de nouveaux marchés.
N'empêche: la Nouvelle-Angleterre, à elle seule, représente un marché trois fois plus important que le Chili, cinq fois plus important que le Danemark.
Et la Nouvelle-Angleterre ne représente qu'une fraction d'un marché beaucoup plus vaste qui comprend l'État de New York, le New Jersey, la Pennsylvanie, riches, facilement accessibles, tout proches de la frontière québécoise et dont la façon de traiter des affaires nous est familière. Pour quelques parts de marché perdues à Boston ou à New York, que d'efforts faudra-t-il déployer pour augmenter ses ventes en Russie, au Mexique ou au Chili?
* Dernier point sombre: dans le secteur technologique (biomédical, technologies de l'information, instruments médicaux, de précision, d'optique, bureautique, équipement spécialisé, entre autres), le Québec ne réussit pas à s'imposer sur les marchés d'exportation.
Certes, il fait bonne figure en aéronautique (les avions et les moteurs d'avions demeurent en tête des exportations québécoises), mais cela n'est pas suffisant.
Toujours entre 2003 et 2007, les exportations québécoises dans les secteurs technologiques n'ont augmenté que de 8,8% avant inflation; autant dire qu'il réussit tout juste à surnager. Il faut dire que, dans un monde devenu hautement compétitif, ce n'est déjà pas rien...
On peut trouver toutes sortes de raisons pour expliquer cet état de choses. La faible productivité de l'économie québécoise. La férocité de la concurrence étrangère. Les prix pétroliers. Le manque de vision des dirigeants politiques, des chefs d'entreprise, des leaders syndicaux. Il y a sans doute un peu de tout cela.
Mais la première chose à faire consiste à prendre conscience de la gravité de la situation.
Chaque dollar de plus au chapitre des exportations contribue à maintenir ou à créer de l'emploi au Québec. Chaque dollar de plus au chapitre des importations contribue à créer de l'emploi et de la prospérité ailleurs.


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