Le problème des acheteurs étrangers

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Plusieurs sont inquiets quant au nombre d’étrangers qui s’intéressent à notre marché immobilier. On les soupçonne d’acheter des propriétés à des fins spéculatives. De faire augmenter les prix. De réduire l’accès à la propriété et au logement.




L’ancien banquier et ministre des Finances, Carlos Leitao demande donc au gouvernement d’envisager une taxe foncière spéciale. Seraient touchées les propriétés non occupées détenues par des étrangers. Certaines villes et provinces canadiennes appliquent de telles mesures et ça fonctionne.




Vancouver impose une surtaxe foncière de 1 % s’appliquant aux logements inoccupés. Tous y passent, étrangers ou non. Le gouvernement provincial y perçoit aussi une taxe de 20 % lorsqu’une transaction immobilière est conclue par un étranger. Toronto applique une taxe similaire, mais de 15 %.




Blanchiment d’argent




Si ces taxes ont bien ralenti la frénésie immobilière à Vancouver et Toronto, le Canada demeure une destination de choix pour cacher de l’argent dans l’immobilier. Les taxes des autres provinces sont peut-être en train de pousser ces « investisseurs » chez nous.




Des investisseurs qui, disons-le, sont loin d’être tous des saints. Le 31 mars dernier, un rapport d’expert sur le blanchiment a été remis au ministère de la Justice de la Colombie-Britannique. Il vient à peine d’être rendu public.




Les experts ont évalué que 70 % du blanchiment d’argent dans la province avait lieu dans l’immobilier l’an dernier. Le marché immobilier y dépasse largement l’industrie des jeux de hasard, vache à lait mythique du crime organisé. Les experts évaluent que le blanchiment d’argent dans l’immobilier avait fait augmenter les loyers de 5 % en un an seulement.




Stratagème




Beaucoup de Chinois désirent détenir des investissements à l’étranger. Ils doivent souvent demeurer discrets puisque leur gouvernement n’apprécie pas particulièrement ces sorties de devises. Des organisations finançant le terrorisme sont aussi susceptibles de vouloir investir dans le béton au Canada.




Comment font-ils ? Ils contactent des prêteurs immobiliers alternatifs qui sont moins surveillés que les banques par le gouvernement fédéral. Ils mettent la mise de fonds minimale pour que rien n’ait l’air louche. Et hop, ils ont un actif au Canada.




Une fois la transaction approuvée, l’investisseur paie rapidement la totalité de l’hypothèque avec de l’argent étranger. Il vient donc de cacher une grosse somme d’argent chez nous. Le rapport d’experts mentionne que plusieurs étrangers « à risque » remboursent entièrement leur prêt dans les 30 jours !




Se préparer à agir




Rien n’indique que le marché montréalais soit victime du même phénomène que la Colombie-Britannique. Entre 2017 et 2018, on a bien recensé 21 % d’augmentation du nombre d’acheteurs étrangers à Montréal. Mais on parle de seulement 3,4 % des transactions.




Reste qu’on doit apprendre de nos voisins. Le gouvernement du Québec a peut-être avantage à se préparer à agir, sans nécessairement appliquer de taxes immédiatement. Des taxes qui demeurent imparfaites et qui peuvent être contournées, notamment à l’aide de prête-noms. De son côté, le gouvernement fédéral doit donc continuer de resserrer ses contrôles financiers sur les transactions étrangères.




♦ Jean-Denis Garon est professeur à l’ESG UQAM