Trends Tendances - Révolution libérale - Moins d'Etat, plus d'entrepreneuriat : la Belle Province vit une révolution libérale. En douceur... et par le biais de fameux appuis à l'investissement.
Donnant, donnant Mieux que l'Ontario
Les programmes sociaux sont aussi généreux au Québec qu'en Europe. Et, comme sur le Vieux Continent, on se rend compte que leur pérennité est liée au dynamisme de l'économie privée. Or, sur la période 1996-2003, pas moins de 65 % du capital-risque mis en £uvre dans la Belle Province avait un caractère public. Le gouvernement libéral de Jean Charest a fait le pari d'inverser la vapeur. Il veut réveiller les autochtones et séduire les étrangers.
«Le capital-risque ne peut provenir exclusivement du secteur public : c'est presque antinomique ! Le rôle de l'Etat est de (re)distribuer, celui des entreprises est de créer.» C'est en ces termes que Michel Audet, ministre québécois du Développement économique et régional et de la Recherche, résume l'esprit des réformes mises en place. Après la disparition programmée de deux taxes, c'est la promotion des investissements qui est activée.
Comme les autres provinces et l'Etat fédéral, le Québec pratique de longue date une taxe sur le capital utilisé par les entreprises, y compris les fonds empruntés. Taxe curieuse aux yeux d'un étranger... mais bientôt caduque. Ne pouvant faire table rase, du jour au lendemain, de cette manne annuelle de 1,25 milliard de dollars, le gouvernement québécois a, à l'instar de ses collègues, choisi d'en réduire progressivement l'assiette. La taxe sur le capital devrait avoir disparu avant la fin de la décennie. Même sort annoncé pour la taxe sur la formation : elle peut être récupérée, mais complique en tout cas la vie des «compagnies», comme on dit là-bas.
La troisième mesure, tout récemment mise en place, encourage l'investissement. Il est trop facile de distribuer des subsides, et cela a pour effet pervers d'endormir l'initiative privée, explique en substance le ministre Audet : cette initiative doit être accompagnée, pas remplacée. Dans le nouveau modèle, c'est vrai en matière de financement des projets comme de leur choix. Par ailleurs, le système est à la dois décentralisé et indirect, de manière à impliquer au mieux les partenaires locaux. En pratique, chacune des 17 régions de la Province disposera d'un ou deux fonds spéciaux, financés pour un tiers par le privé et pour deux tiers par l'organisme public Investissement Québec. Mission de ces fonds, gérés par leurs actionnaires privés : participer au capital d'entreprises naissantes ou en phase de développement. Si l'on est loin du capitalisme pur et dur, on atténue ce capitalisme public qui a tellement marqué le Québec.
Ce credo nouveau est-il dicté par une situation économique difficile ? Oui et non. Si la Belle Province a récemment vu ses exportations baisser, c'est parce que le dollar canadien s'est, en deux ans, apprécié de 20 % face au dollar américain. Or, les Etats-Unis absorbent 83 % des exportations internationales (hors Canada) québécoises ! On a cependant compris que le reste du Canada est pénalisé de manière identique. De la même façon, c'est l'ensemble de l'industrie manufacturière occidentale qui souffre de la concurrence chinoise. Les entreprises textiles québécoises ne sont pas seules à annoncer des licenciements et fermetures...
Le Québec n'est donc pas en panne, au contraire. Alors qu'il fut longtemps en retard de croissance sur son puissant voisin, l'Ontario, il a pu afficher un produit intérieur brut (PIB) en progrès équivalent en 2002 (5,6 %) et supérieur de 1 % en 2003, à 4,1 %. L'écart s'est sans doute réduit à 0,1 % l'an dernier, avec 5,3 % contre 5,2 % pour l'Ontario. Dans l'absolu, la croissance y est en tout cas enviable suivant les normes européennes !
Encore faut-il renforcer ses acquis. L'industrie aérospatiale, notamment, qui occupe le 6e rang mondial et bénéficie de nouveaux programmes de soutien à la recherche. La production d'électricité, aussi, dont le Québec est exportateur net : l'hydroélectricité connaîtra de nouveaux développements, et on lui prépare un frère éolien. On prend donc de la peine au Québec mais, contrairement à ce qu'observait La Fontaine, ce sont les fonds (privés) qui manquent le plus. Aujourd'hui, du moins. Pour l'avenir, le test est en cours.
Le privé prend le pouvoir au Québec
Par Guy Legrand
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