Claude Castonguay n'a pas la neutralité requise pour être nommé maître d'oeuvre d'une vaste réforme du système de santé. Les convictions à partir desquelles il propose «un changement de paradigme» pour le système de santé sont bien connues. Elles ont été récemment réaffirmées par son soutien actif, au côté de Claude E. Forget, au nouveau Groupe canadien pour un consensus en soins de santé. Sa nomination s'apparente avant tout au choix idéologique du gouvernement Charest, qui ignore l'importante Commission des affaires sociales qui vient d'examiner la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
La crédibilité de M. Castonguay a progressivement été minée par sa manière entêtée de proposer les mêmes «solutions» devant l'évolution constante des besoins de la population et de la pratique médicale.
En 1969, il proposait au gouvernement de l'Union nationale que l'assurance maladie ne s'applique qu'aux plus pauvres. Élu en 1970 et devenu ministre de la Santé dans le gouvernement libéral, il ouvrait la possibilité de dépassements d'honoraires pour une catégorie de médecins, projet vivement combattu par les forces populaires et finalement modifié.
Il conteste sans répit l'étanchéité entre le statut de «médecin participant» au régime public, qui ne peut dépasser les honoraires négociés avec l'État, et celui de «médecin non participant», qui est payé directement de la poche des patients, et non des fonds publics. Les ressources des établissements publics qu'il veut mettre à la disposition de la pratique entièrement privée devraient, au contraire, être allouées au secteur public afin d'améliorer l'accès pour tous, et non pour une clientèle privilégiée seulement.
Le ticket modérateur est d'autre part unanimement reconnu, dans les milieux de recherche en santé publique, comme une taxe régressive imposée aux pauvres et aux personnes qui souffrent de maladie chronique. Là où il est appliqué, les taux de mortalité infantile sont les plus élevés, l'espérance de vie moins élevée, et les décès évitables augmentent, pour ne citer que quelques indicateurs.
Sous son conseil, Québec a déjà commis l'erreur de rendre obligatoire l'assurance privée pour la couverture des médicaments des travailleurs qui ont accès à un régime d'assurance collective. Ceci prive l'État des revenus nécessaires au financement de l'assurance médicaments publique et, en démultipliant les payeurs, contribue à la véritable explosion du coût des médicaments.
Mais le plus choquant peut-être, c'est que M. Castonguay fait la promotion de ses «solutions» en agitant les épouvantails de «la croissance chronique plus rapide des dépenses de santé par rapport aux revenus de l'État [qui] ira en s'accentuant avec le vieillissement de la population» (La Presse, 6 décembre 2006).
Rien n'est plus faux. Les projections alarmistes sont le plus souvent basées sur les récents réinvestissements en santé qui ont suivi le ralentissement économique des années 1990. De plus, l'Institut canadien d'information sur la santé indique que, depuis 1974, la part du budget total du Québec réservée à la santé, sans les services sociaux, est passée de 29,1 à 31,7 %, tandis que les dépenses totales ont toujours oscillé autour de 7 % du PIB. Quant au vieillissement, les meilleures recherches et l'expérience de certains pays européens indiquent qu'il contribuera d'une manière très relative et graduelle à l'augmentation des dépenses totales de santé, ce que l'économie pourra facilement absorber.
Les dirigeants d'un gouvernement minoritaire ne peuvent profiter de l'annonce d'un budget pour imposer aux citoyens un plan accéléré de privatisation du financement des soins de santé.
Dans ses conditions d'appui au budget, le parti qui détient la balance du pouvoir aurait dû exiger le retrait du projet de nouvelle commission sur le financement des soins de santé présidée par M. Castonguay.
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Simon Turcotte, Médecin résident en chirurgie à l'Université de Montréal
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