La dernière Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada tenue en mai dernier au Rhode Island aura été pour les États du nord-est des États-Unis l'occasion d'exprimer leur volonté de combler leurs futurs besoins énergétiques au moyen d'une énergie propre et renouvelable telle que l'hydroélectricité. Ils souhaitent réduire ainsi leur dépendance à l'endroit des combustibles fossiles très polluants que sont le pétrole, le charbon et le gaz naturel.
Devant un tel engouement pour l'hydroélectricité chez ses interlocuteurs de la Nouvelle-Angleterre, le premier ministre Jean Charest n'a pas manqué d'en faire la promotion, affirmant notamment qu'il est «politiquement plus attrayant d'acheter de l'énergie hydroélectrique renouvelable et propre que de se tourner vers le gaz ou le charbon». À la lumière de cette déclaration, on ne peut que qualifier d'aberrante la croisade menée par Gaz Métro, avec la complicité du gouvernement québécois, afin d'accroître la part du gaz naturel dans le bilan énergétique du Québec, et ce aux dépens de l'hydroélectricité. C'est d'ailleurs à cette fin que le président et chef de la direction de Gaz Métro, Robert Tessier, préconise ouvertement une hausse substantielle des tarifs d'Hydro-Québec pour faciliter la conversion au gaz naturel des résidences qui ont présentement recours à l'électricité comme mode de chauffage.
Par ailleurs, il faut noter que si le Québec devait passer sur une grande échelle d'une énergie propre à une énergie fossile polluante pour chauffer ses maisons, cela irait carrément à l'encontre du nouveau crédo écologiste de Jean Charest et de ce qu'il veut accomplir avec son Plan vert. Ce dernier devrait pourtant savoir qu'il ne suffit pas de se réclamer constamment du Protocole de Kyoto pour établir sa crédibilité en matière de lutte contre les changements climatiques. Encore faut-il qu'il y ait un minimum de cohérence dans l'action de son gouvernement. Or, cette cohérence lui fait cruellement défaut au chapitre de sa politique énergétique.
En fait, il n'est pas nécessaire d'être grand clerc pour comprendre que si l'on n'hésite pas à nager ainsi en pleine contradiction, c'est qu'il faut à tout prix assurer un marché pour le gaz naturel qui proviendrait du terminal méthanier que Gaz Métro veut construire à Lévis, à environ 1 km de l'Île-d'Orléans, avec ses partenaires étrangers du consortium Rabaska. Il est franchement déplorable que le couple Charest-Tessier n'ait rien de mieux à proposer aux Québécois que d'aller à contre-courant de ce que les dirigeants politiques de la Nouvelle-Angleterre cherchent à réaliser, soit réduire sur leur territoire la consommation d'énergies fossiles et assainir ainsi leur environnement.
Si les vues de la direction de Gaz Métro devaient prévaloir, les Québécois devraient vivre avec l'augmentation des gaz à effet de serre résultant de l'addition de quantités importantes de gaz naturel à notre bilan énergétique et avec les risques pour la sécurité publique que comporte la présence d'un port méthanier à proximité de zones habitées, tandis que l'énergie propre produite chez eux serait offerte aux Américains. Quelle étrange façon pour le Québec de contribuer au respect des engagements pris par le Canada en ratifiant le Protocole de Kyoto!
Si l'odieux parti pris du gouvernement Charest en faveur des puissants intérêts financiers en cause qui s'agitent dans les officines libérales ne surprend guère, il faut constater avec tristesse que le Parti québécois se fait complice, sans doute inconsciemment, de la stratégie du tandem Charest-Tessier. Saluons cependant la contribution à ce débat des députées Rita Dionne-Marsolais et Agnès Maltais qui, par la pertinence et la qualité de leurs interventions, tant à l'Assemblée nationale qu'à l'extérieur de celle-ci, ont su mettre en lumière l'improvisation et la mauvaise foi du gouvernement Charest dans le dossier Rabaska.
Malgré cela, le PQ ne se résout pas, pour des raisons qui demeurent obscures, à dénoncer la volonté du gouvernement libéral de laisser créer de toute pièce une zone industrialo-portuaire dans un milieu champêtre pour y accueillir un terminal méthanier. Il faut rappeler par ailleurs que celui-ci constituerait une épine aux flancs de l'île d'Orléans, site décrété arrondissement historique par l'État québécois en 1970, puisqu'il représenterait une menace constante pour la sécurité de sa population, tout comme pour celles de Beaumont et de l'extrémité est de Lévis. Pourquoi vouloir jouer à la roulette russe avec la sécurité de ceux et celles qui seraient condamnés à vivre à l'ombre de cette industrie à hauts risques?
Voilà une belle occasion qui s'offre au PQ d'agir en conformité avec ce que son chef, André Boisclair, déclarait lors du lancement de la coalition Sauvons Kyoto le 4 juin dernier: «Nous ferons de la lutte contre les gaz à effet de serre un enjeu électoral». Et il ajoutait quelques jours plus tard devant les jeunes militants de son parti réunis à Saint-Hyacinthe: «Pourquoi ne serions-nous pas les premiers en Amérique du Nord à réduire de façon significative notre dépendance à l'endroit des énergies fossiles?».
En s'exprimant ainsi, André Boisclair a clairement tracé la voie que doit emprunter le PQ dans l'affaire Rabaska. Si celui-ci devait trahir les principes énoncés par son chef en n'osant pas ramener à la raison ces promoteurs qui n'hésitent pas, au nom de ce qu'ils appellent le développement économique, à faire bon marché de la protection de l'environnement et de la sécurité publique, il sera difficile de le prendre au sérieux quand il abordera la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre lors du prochain rendez-vous électoral. Le Québec mérite mieux qu'un PQ qui serait une pâle imitation du PLQ dans un domaine aussi vital pour la qualité de vie des générations futures.
Georges H. Blouin, Sylvie Brousseau, Louis Duclos
Membres de l'exécutif de l'Association du PQ de Montmorency et résidents de l'Île-d'Orléans.
Rabaska
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