Le pire gouvernement de l'histoire?

2005

samedi 29 janvier 2005
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Le quotidien Le Devoir se demandait, en une de son numéro d'hier, si le gouvernement Charest était le pire gouvernement de l'histoire du Québec.
L'exercice, malgré ses prétentions scientifiques, tenait plus du jugement de valeur partisan que de l'analyse rigoureuse. Même en interrogeant des historiens, la question, subjective, ne pouvait mener qu'à des réponses subjectives. L'histoire, par définition, exige un certain recul que nous n'avons pas dans le cas d'un gouvernement qui n'a pas deux ans de vie.
Cependant, ce qu'on peut dire, sans risque de se tromper, c'est que le gouvernement Charest a été, jusqu'ici, un mauvais gouvernement, dont l'action a été caractérisée par le flottement, l'indécision, les erreurs de jugement. Mais avant de porter un jugement historique, il faudra d'abord voir s'il sera capable de se ressaisir dans la deuxième moitié de son mandat.
Il était prévisible, dès la victoire libérale, que le gouvernement Charest serait le " pire " pour une partie de la population, tous ceux qui craignaient d'être les victimes potentielles des réformes promises ou qui s'opposaient à un programme de redéfinition de l'État et de remise en question de certains éléments du modèle québécois.
Mais le gouvernement Charest comptait aussi sur de solides appuis, une partie importante de la population qui, en votant pour les libéraux ou pour les adéquistes, formulait un désir de changement qui allait vers une réduction du poids de l'État dans la société.
Le double échec du gouvernement Charest, c'est d'abord d'avoir réussi à cristalliser le mouvement d'opposition à sa démarche et à cimenter une coalition entre le Parti québécois, le monde syndical et la mouvance de gauche des organismes populaires. C'est aussi et surtout d'avoir réussi à perdre une bonne partie de ses appuis du départ. Est-ce parce que les réformes proposées allaient fondamentalement à l'encontre des valeurs québécoises? C'est bien plus par incompétence. Le gouvernement Charest n'était pas à la hauteur des réformes qu'il promettait. Les libéraux n'ont tout simplement pas livré la marchandise. Et cela ne pardonne pas.
Le programme libéral était ambitieux et visait à détricoter une culture publique dont les mailles étaient serrées. Bien sûr, la marge de manoeuvre financière n'était pas là, l'opposition plus vigoureuse que prévu, l'appui populaire moins profond qu'on pouvait le croire. Mais le gouvernement libéral n'était pas prêt, et a donc, pendant une bonne année, été en mode de rattrapage et de réaction: pas assez clair dans ses priorités, dispersé dans ses batailles, ou même parfois incohérent, comme dans un budget populiste qui allait à l'encontre des promesses électorales.
Malgré ce départ malheureux, les libéraux se sont ressaisis cet automne et auraient dû marquer des points, avec l'entente sur la santé, le succès du Forum des générations, un solide recentrage sur les questions énergétiques et des mesures concrètes de réforme de l'État, comme les PPP.
Mais il existe une telle chose qu'une trappe de l'impopularité. Un gouvernement en difficulté devient vulnérable à n'importe quel faux pas. La choquante gaffe des subventions aux écoles juives a donc tout fait dérailler, parce qu'elle suggérait de sérieux dysfonctionnements dans le processus de réflexion et de décision. Et un événement mineur, comme une rumeur de remaniement qui ne se concrétise pas, renforce l'impopularité.
Il reste un peu plus de deux ans au gouvernement Charest. Pourra-t-il se ressaisir? Deux ans, c'est long en politique, et donc bien assez pour remonter la côte.
Les carences du gouvernement qui ont contribué aux déboires du gouvernement ne disparaîtront pas par magie. Mais les libéraux disposent quand même de certains atouts. D'abord Jean Charest, impopulaire en certains milieux, mais très efficace quand il prend les choses en main. Il pourrait aider beaucoup son gouvernement s'il pouvait maintenir sa présence publique avec la même intensité. Ensuite, une équipe adéquate, si elle est débarrassée de ses éléments faibles avec un remaniement. Ne l'oublions pas, un gouvernement fort n'a besoin que d'une poignée de ministres forts. Enfin, une opposition faible et divisée, qui laisse aux libéraux la marge de manoeuvre dont ils ont besoin.
Évidemment, les libéraux se retrouvent dans l'inconfortable obligation de mettre en oeuvre leurs réformes en fin de mandat plutôt qu'au début.
Mais le défi n'est pas impossible si le gouvernement Charest réussit ce qu'il a longtemps raté: expliquer sa démarche, bien cibler ses objectifs et ne pas reculer.
Mais il est important que les libéraux se ressaisissent. Car l'enjeu dépasse largement la réélection des libéraux ou la survie politique de Jean Charest. Si le gouvernement rate son coup, ce sont les forces du statu quo qui l'emporteront. Ce recul compromettrait, pour longtemps, la capacité du Québec de changer ses façons de faire et de mettre en oeuvre des réformes nécessaires.
Adubuc@lapresse.ca


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