Je suis devant ma télé. J'attends de voir mon bien-aimé Jean Charest se boursoufler de bonheur devant les honneurs qui vont lui être décernées par le président de la France. Les salons de l'Élysée, ce n'est pas rien pour un petit gars de Sherbrooke, et je sens mon premier ministre flotter sur un nuage, un sourire béat sur le visage.
Le «Petit Caporal», celui que les Français appellent «Sarko», va parler. Il se tortille et il grimace comme il le fait d'habitude, mais il en rajoute comme le ferait un personnage de Molière dans une mauvaise mise en scène. Il nous ressert la fameuse cassette de l'été dernier, lors de sa visite éclair à Québec, en route vers les États-Unis où l'attendait, croyait-il, son moment de gloire. Il a encore une fois les deux mains dans nos affaires de famille, tripotant l'identité québécoise pour l'arranger à la sauce Desmarais.
Il affirme en grimaçant, espérant sans doute faire passer un peu mieux l'énormité de ce qu'il va déclarer, que nous, les Québécois, nous sommes sa famille et que les Canadiens sont ses amis. Que l'heure n'est pas à la détestation et blablabla...
Je me dis, en l'écoutant, que cet homme n'a aucune idée de ce qui s'est vécu ici depuis 400 ans. Qu'il dise des choses stupides en les signant Sarkozy, c'est son droit le plus strict, mais qu'il les dise au nom du président de la France, alors qu'il est en fonction, c'est une énormité impardonnable. Je pense que quelqu'un va intervenir, profiter du moment pour remettre la pendule du président à l'heure, trouver la formule qui va corriger immédiatement l'affront qu'il vient de nous faire pour la deuxième fois en peu de temps, mais personne ne bouge.
C'est alors que je comprends que Jean Charest va devenir un héros. Il va très calmement et avec dignité refuser la Légion d'honneur. Il va choisir son peuple au lieu de la médaille. Il va afficher son courage et son identité. Il va remercier la France et le président pour tout ce que nous leur devons, mais il va afficher sa fierté d'être Québécois et il va prendre tout son peuple malmené par le président Sarkozy sous son aile parce qu'il est son chef, et que c'est pour ça qu'il est notre représentant. Il va se tenir debout. Et il va pouvoir rentrer au Québec la tête haute, laissant les Français démêler leurs sentiments entre eux en dehors de notre présence.
Sarkozy passe la médaille au cou de Jean Charest. J'ai envie de pleurer. J'ai honte de voir que Paul Desmarais applaudit. Jean Charest se fait tout petit pour être à la hauteur de Sarkozy et je sais que s'il rougit, ce n'est pas de honte, mais de plaisir.
Si au moins il avait profité du moment pour dire ce que nous sommes, les luttes que nous avons menées pour survivre et celles d'aujourd'hui sans aucune garantie de survie même après tous ces siècles. Il a semblé dire qu'on ne corrige pas le président de la France. Je crois qu'il fallait le faire, au contraire, et en assumer les conséquences. Ce président qui n'aime pas la «détestation» a réussi à faire sortir pratiquement toute la France dans la rue, contre lui, il y a moins d'une semaine. Et cet homme donnerait des leçons aux autres?
Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander ce que René Lévesque aurait fait dans les mêmes circonstances. Il se serait sûrement tortillé, car lui aussi il avait cette caractéristique. Il aurait fait quelques grimaces, mais je suis convaincue qu'il aurait défendu son peuple avec des mots que Sarkozy aurait compris. Et plus jamais ce président ne se serait permis de donner des leçons aux Québécois quant à la façon de mener leurs affaires. Il s'est conduit comme un malappris, et je crois que Lévesque le lui aurait dit.
Quant à Jean Charest, c'est un cas désespéré. Il avait tout en main pour expliquer les relations Québec-Canada à son ami «Sarko», lui à qui Ottawa vient de servir une gifle mémorable dans son dernier budget. Il a choisi le mauvais camp, comme d'habitude.
Il a choisi de ne déplaire ni à «Sarko», ni à Desmarais surtout. Sans doute parce qu'il en attend encore quelque chose.
J'ai fermé ma télé. J'avais quelque chose comme un mauvais goût dans la bouche. L'impression d'avoir été trahie par un premier ministre qui aurait dû me défendre. Dommage.
Le «Petit Caporal»
Le «Petit Caporal», celui que les Français appellent «Sarko», va parler. Il se tortille et il grimace comme il le fait d'habitude, mais il en rajoute comme le ferait un personnage de Molière dans une mauvaise mise en scène.
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