Le mythe du Québécois métis expliqué

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La goutte de sang indien relève le plus souvent du fantasme


La population au Québec et dans les Maritimes qui se définit comme Autochtone ou Métisse a explosé dans les dernières années. Ils seraient 41 000 Métis seulement au Québec. Qu’est-ce qui provoque ce phénomène? Dans la foulée de la remise en question de l’identité de l'élue montréalaise Marie-Josée Parent, nous avons posé la question à Darryl Leroux, professeur à l'Université Saint Mary's, qui a récemment publié son livre Distorted Descent: White Claims to Indigenous Identity, bientôt traduit en français.






Dans votre livre, notamment, vous parlez beaucoup du concept d’« auto-autochtonisation » (en anglais, raceshifting). Pouvez-vous expliquer ce que c'est?


Le concept raceshifting comme tel vient de Circe Sturm, une anthropologue américaine qui travaille à l'Université du Texas, à Austin. Elle a écrit un livre qui s'appelle Becoming Indian en 2011 sur un phénomène aux États-Unis qui existe depuis quelque temps, où des Américains blancs se disent Cherokee. Ces gens forment des organismes – au moins 200 – qui ne sont pas reconnus, qui ne sont pas Cherokee en fait, et qui sont opposés au peuple cherokee. Elle a étudié ce phénomène dans les années 70 et il y a des similarités avec ce qui se passe avec les franco-descendants. 


Donc ceux qui se disent Autochtones vont chercher d’autres personnes qui se disent aussi Autochtone de la même manière, sans reconnaissance officielle, juridique, et surtout sans reconnaissance du peuple autochtone dans le territoire où ils se trouvent.



C’est un phénomène très présent dans les Maritimes et au Québec. Pourquoi?


Il faut clarifier que c’est un phénomène qui concerne les franco-descendants qui se disent Métis, ou Abénaquis aux États-Unis, ou Algonquins en Ontario. Et parmi ces gens, la plus grande proportion se trouve en Nouvelle-Écosse et au Vermont. Ce qui arrive au Québec, c’est qu’il y a beaucoup plus de franco-descendants dans la population, donc plus de personnes et d’organismes qui font partie de ce mouvement.


Il y a cette idée au Québec, véhiculée par des historiens et des documentaires, que les Québécois sont tous « métissés » avec les peuples autochtones.


Oui, il y a tout un aspect culturel avec les histoires qu’on se raconte par rapport à l’arrivée des colons français et des femmes autochtones – qui sont exagérées et qui sont devenues mythiques. C’est unique en Amérique du Nord. Même les gens qui ne se disent pas Autochtones ou Métis vont souvent mentionner le fait qu’ils ont une ascendance autochtone dans une conversation autour des différences culturelles ou encore sur le racisme, par exemple.


Vous parlez dans vos recherches des dizaines de groupes de Métis autoproclamés, dont plusieurs se battent en cour pour obtenir les mêmes droits (de chasse, de pêche) que les Autochtones. Mais il y a aussi des milliers de personnes qui se disent Métisses, qui ont entendu des histoires familiales et qui ne sont pas malintentionnées.



Souvent, les gens vont se tourner vers cette identité [autochtone] parce que ce sont des histoires familiales. Dans la cause Corneau [un groupe de chasseurs du Saguenay qui a voulu, sans succès, se faire entendre par la Cour suprême], 17 personnes ont soumis une généalogie à la cour, et j’ai regardé leurs ancêtres, et quatre d’entre eux n’ont aucun ancêtre autochtone. Ils utilisent tous une femme, Catherine Lejeune, une Acadienne transformée en femme micmaque par ce mouvement. Et pendant l’interrogatoire, ces gens ont déclaré que leur mère ou grand-mère leur ont dit, quand ils avaient 5 à 8 ans, qu’ils avaient du « sang indien », ou qu’ils étaient « sauvages ». Leur mère ou grand-mère disaient : « arrête de mal agir, arrête d’agir comme un Indien ». Donc ce n’est pas que ces personnes mentent, c’est qu’elles interprètent mal les histoires orales ou interprètent selon ce qui leur convient.


Est-ce approprié de forcer certaines personnes à divulguer leurs origines, leur identité? La conseillère de Ville Marie-Josée Parent, face aux accusations, parlait hier en entrevue de « violence généalogique » ou de violence latérale.


Moi, je pense que oui. On accuse souvent les gens qui font mon travail, en particulier les Autochtones, de violence latérale ou d’agir en sorte d’agent indien. Mais si ton identité revient à un ancêtre dans les années 1600, c’est autre chose complètement. Ce sont des enjeux complexes, mais si on encourageait chaque personne qui avait cette ascendance à se dire Autochtone, il y aurait 8 à 10 millions de personnes qui pourraient se dire Autochtones au Canada. Moi je me tourne vers les communautés autochtones, et elles sont nombreuses, de la Nouvelle-Écosse au Nord ontarien, à aller en cour pour combattre ce mouvement [métis].




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