Climat

Le gaz de schiste serait aussi polluant que le charbon

Gaz de schiste


Le développement accéléré des gaz de schiste pourrait compromettre le bilan des gaz à effet de serre (GES), dont le Québec se vante partout, car la filière du gaz naturel serait aussi polluante et aussi néfaste pour le climat que le charbon, le pire de tous les combustibles fossiles connus jusqu'ici
C'est ce qu'indique une «évaluation préliminaire» des émissions de GES de la filière des gaz de schiste, consacrée aux émissions cumulatives non seulement de la combustion du méthane extrait des schistes souterrains, mais aussi de toutes les étapes fort complexes et nombreuses, y compris les fuites et les émissions fugitives de gaz, de l'exploration jusqu'aux nombreux forages exigés par cette technique.
Cette évaluation préliminaire a été réalisée par une équipe scientifiques de l'Université Cornell, dans l'État voisin de New York, sous la direction du professeur Robert Howart, un spécialiste en écologie et en biologie environnementale.
Le professeur Howart a précisé hier, dans une entrevue donnée au Devoir, que son étude fera partie du matériel scientifique utilisé par l'Environmental Protection Agency (EPA) dans l'évaluation globale de la filière des gaz de schiste qu'elle a amorcée au cours des derniers mois au niveau fédéral étasunien.
Une étude plus complète, a expliqué le professeur Howart, sera déposée auprès de l'EPA d'ici deux mois. Mais, insiste ce scientifique, ces deux analyses des émissions de GES des gaz de schiste seront toujours basées sur les indices scientifiques présentement disponibles.
«Il faudrait idéalement réaliser une étude en profondeur, qui validerait toutes ces données en les intégrant, a-t-il dit, ce qui prendra du temps et quelques millions.» Aller de l'avant comme on le fait au Québec dans le cadre de l'audience du BAPE, en se basant strictement sur la documentation disponible sans validation supplémentaire par des études plus approfondies, lui apparaît être «pour le moins une position fragile», dit-il.
C'est pourquoi, devant l'ampleur des impacts potentiels d'un développement accéléré de cette filière partout en Amérique, il estime que l'État de New York a fait preuve de «clairvoyance et de prudence» en décrétant un moratoire sur le développement de cette filière, qui pourrait réserver des surprises désagréables.
L'étude entreprise par l'équipe du professeur Howart a calculé que la totalité des émissions associées à l'extraction du méthane des gaz de schiste atteindrait 33 grammes équivalent de CO2 par million de joules d'énergie, comparativement à 20,3 grammes pour des carburants comme le diesel ou l'essence.
Si on ne tient compte que des émissions de GES attribuables à la combustion de ces différents carburants, précise son rapport préliminaire, on obtient des émissions de seulement 13,7 grammes par million de joules pour le gaz naturel, comparativement à 18,6 grammes pour l'essence, 18,9 grammes pour le diesel et 24 grammes pour le charbon. Ces valeurs proviennent du ministère de l'Énergie des États-Unis.
Mais, ajoute le rapport du professeur Howart, le véritable portrait de chaque filière apparaît seulement quand on intègre dans un bilan de synthèse toutes les émissions associées à la recherche, aux différentes et multiples phases de l'exploitation et du transport de chaque combustible.
Or, précise le chercheur, même s'il n'y a pas d'étude exhaustive sur les fuites et les émissions fugitives associées aux multiples forages nécessaires pour extraire les gaz de schiste par la fracturation hydraulique, on estime que ces émissions sont beaucoup plus importantes que celles reliées à l'exploitation des puits et au raffinage du pétrole.
Ainsi, expliquait hier le professeur Howart en entrevue, le méthane extrait des gaz de schiste est 25 fois plus puissant comme gaz à effet de serre que le CO2 si on étale ses impacts sur 100 ans. Mais, dit-il, le dernier rapport du GIEC précise que, si on tient compte des impacts sur un horizon plus court de 20 ans, une période plus compatible avec la vie utile de la plupart des puits de gaz de schiste, on obtient un pouvoir de captage de la chaleur solaire 72 fois supérieur au CO2, plutôt que 25 fois.
Ensuite, si on retient un facteur de fuites de 1,5 % des quantités extraites du sol, soit ce que retient le gouvernement fédéral des États-Unis dans son propre bilan des GES, on obtient alors des émissions moyennes supérieures à celles de l'essence ou du diesel, ce qui va à l'encontre de l'image projetée par les industriels du gaz.
Jusqu'ici, explique l'universitaire, on a répété que le gaz naturel émettait moins de GES que les deux principaux combustibles tirés du pétrole, soit le diesel et l'essence. Mais, dit-il, c'est parce qu'on n'additionne pas les émissions associées à toutes les étapes de l'extraction de ces combustibles, en plus de leur future utilisation.
En somme, conclut l'étude de cette équipe scientifique, «en tenant compte de toutes les émissions provenant de l'utilisation du gaz naturel, il semble probable que son utilisation soit beaucoup moins attrayante que celle du pétrole et elle n'est pas significativement meilleure que l'utilisation du charbon en ce qui a trait au réchauffement du climat.»


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