Le fédéralisme pollueur

Copenhague - 15e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques


Jean Charest a gardé un souvenir très vif du sommet de Rio, en 1992, qui est en quelque sorte l'ancêtre de la conférence de Copenhague. «Ç'a été, pendant deux semaines, une expérience inoubliable», a-t-il écrit dans son autobiographie.


À l'époque, M. Charest était ministre de l'Environnement dans le gouvernement Mulroney et il dirigeait la délégation canadienne à Rio. Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, il n'y avait eu aucune divergence entre Ottawa et les provinces.
«Cette harmonisation s'est faite sans aucune espèce de protestation parce que les gouvernements provinciaux avaient participé au processus depuis le début, expliquait M. Charest. L'entente signée reflétait véritablement un consensus auquel les provinces avaient directement contribué. Je retiens cette expérience parce qu'elle est significative pour l'avenir du fédéralisme,»
Il sera intéressant de voir quelle conclusion le premier ministre tirera de la conférence de Copenhague, qui constitue un test non seulement pour la volonté canadienne de combattre les changements climatiques, mais aussi pour le fonctionnement du fédéralisme canadien. Jusqu'à présent, Stephen Harper s'est conduit comme un voyou, qui semble aussi indifférent à l'avenir de la planète qu'à celui de la fédération.
Hier, M. Charest a parlé de «deux Canada». Il est vrai que le Québec n'est pas isolé à Copenhague, mais il serait difficile de trouver une plus belle illustration de l'incurie du Conseil de la fédération, qui constitue la pierre d'assise de la politique constitutionnelle du gouvernement Charest, à faire pression sur Ottawa.
S'il fallait que les efforts du Québec et de l'Ontario pour diminuer leurs émissions de GES permettent simplement aux provinces pétrolières d'augmenter les leurs, il y aurait de quoi rager. À plus forte raison s'il fallait subir les sanctions que la communauté internationale pourrait imposer aux contrevenants. Après le fédéralisme dominateur, prédateur et même vampirique, selon Yves Séguin, bienvenue au fédéralisme pollueur.
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Au cours des dernières années, M. Charest a réussi à se présenter comme le champion de la lutte contre les changements climatiques au pays. En 2006, le Québec a été un des premiers États, sinon le seul en Amérique du Nord, à se doter d'un plan d'action cohérent, qui s'appuyait sur un large consensus, dont le PQ s'était lui-même exclu.
C'est très bien de s'attirer les félicitations d'Al Gore, d'Arnold Schwarzenegger ou encore de David Suzuki. Au-delà des succès d'estime dans des forums de discussion, si prestigieux soient-ils, force est toutefois de constater que le Québec ne dispose d'aucun rapport de force qui lui permettrait d'influer sur les orientations du gouvernement canadien.
Il ne fait aucun doute que M. Charest sera très actif dans les activités parallèles au sommet, mais il ne pourra que noircir un peu plus l'image internationale du Canada, ce que le gouvernement Harper peut très bien faire tout seul.
Il est évident que les provinces auront un rôle à jouer dans l'application des décisions qui seront prises à Copenhague ou ultérieurement, dans la mesure où l'environnement touche des domaines qui relèvent de leur compétence, comme les ressources naturelles ou les transports, mais il est encore plus frustrant de devoir appliquer des décisions prises par d'autres quand on a l'impression d'être le dindon de la farce.
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En 2004, M. Charest avait reformulé assez joliment la doctrine Gérin-Lajoie sur le prolongement international des champs de compétence reconnus aux provinces canadiennes. «Ce qui est de compétence québécoise chez nous est de compétence québécoise partout», avait-il dit.
Tout le monde s'accorde à reconnaître l'aisance du premier ministre sur la scène internationale, où son bilinguisme et son sens des relations humaines le servent bien. Pourtant, on ne peut pas dire que la marge de manoeuvre du Québec se soit beaucoup élargie depuis 2003.
À Copenhague, M. Charest ne sera toujours qu'un membre de la délégation canadienne sans droit de parole. Le ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice, l'a réitéré clairement: le Canada entend parler d'une seule voix. Il n'est pas question de laisser une province, encore moins le Québec, exprimer sa dissidence à la table des grandes personnes.
En 2005, Line Beauchamp, alors ministre de la Culture, avait été autorisée à prendre la parole à une conférence de l'UNESCO. Il faut dire que la ministre du Patrimoine canadien de l'époque, Liza Frulla, était particulièrement souple et qu'il n'y avait aucune divergence entre Québec et Ottawa sur la question de la diversité culturelle.
Lors d'une récente interpellation à l'Assemblée nationale, la porte-parole péquiste en matière de Relations internationales, Louise Beaudoin, a demandé à Mme Beauchamp si le gouvernement Charest avait réclamé le même statut à Copenhague. La ministre de l'Environnement a indiqué qu'il avait privilégié le modèle de Rio.
Évidemment, il vaut mieux être consulté et approuver une décision qu'être ignoré et pénalisé. Comme celle de 1992, l'expérience de Copenhague pourrait être «inoubliable».
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mdavid@ledevoir.com


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