Le défi environnemental des valeurs

Copenhague - 15e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques


Gaston Hogue - Architecte paysagiste, Trois-Rivières - L'approfondissement des connaissances ne cesse de nous démontrer avec une constance troublante, depuis quarante ans, que nos modes de vie, d'occupation du sol et d'utilisation des ressources ont une tendance manifeste à entraîner des impacts environnementaux préoccupants, voire, parfois, destructeurs. Un changement de moeurs semble devoir s'imposer pour corriger une trajectoire susceptible de nous mener à un chaos environnemental et humanitaire.
Nos scientifiques et nos dirigeants, faisant preuve d'une conviction à intensité variable, tentent de définir des problématiques, des indices de mesure, des cibles et tout un arsenal de stratégies avec un succès désespérément modeste en regard des enjeux. Il est aussi troublant de constater que les gérants d'estrade que nous sommes ne semblent pas encore mesurer l'intensité des transformations sociales qui devront s'opérer dans un avenir tout proche.
Il s'avère que ces changements de nos façons d'être et d'agir ne pourront se matérialiser si l'on n'assiste pas à une évolution des mentalités qui ne manquera pas de heurter les habitudes, les préférences et les cordes sensibles des occupants de la planète. Il est irréaliste de vouloir modifier nos modes de vie générateurs de pollution et de gaspillage sans redéfinir nos relations intimes au pays, aux paysages, à la ville et aux écosystèmes.
Les diverses religions ont balisé jusqu'à présent la moralité de nos actions sur nos semblables et les autres espèces vivantes. Elles ont défini des répertoires de commandements variés fondés essentiellement sur des échafaudages de croyances, plutôt que des faits démontrés et vérifiables, ou à tout le moins raisonnables. On ne peut nier que ces croyances ont eu leur utilité pour résoudre certains conflits et atténuer les conséquences de comportements jugés répréhensibles. De toute évidence, il est maintenant impératif d'appuyer nos jugements et nos décisions sur des fondements logiques plus rigoureux.
L'ennui est que l'humain tourmenté n'est pas un être d'une logique implacable. Il est si facile et si agréable de se laisser bercer par de belles histoires. Malheureusement, les solutions n'apparaîtront pas par magie et les problèmes ne disparaîtront pas d'eux-mêmes tels de mauvais rêves. Les humains doivent redéfinir une éthique comportementale qui sera forcément désagréable à plusieurs égards et va remettre en cause une part de leur aisance matérielle.
Les changements nécessaires feront d'autant plus mal qu'ils affecteront les fibres et les plaisirs intimes des individus. Il ne suffira pas de se donner bonne conscience en classant ses déchets dans des contenants de récupération. On ne peut nier que déjà une part substantielle des impacts environnementaux est directement liée aux loisirs et aux industries du loisir. Fins de semaine au chalet, jolies randonnées de plein air dans les parcs nature, parties de golf relaxantes, ski alpin enivrant, virées intenses en motoneige ou en motorisé, voyages idylliques au soleil ne sont qu'une infime partie de nos activités écologiquement discutables. On ne parle même pas ici de nos châteaux de banlieues et nos carrosses rutilants qui s'alignent docilement, ou agressivement selon le cas, le long des kilomètres d'embouteillage de nos autoroutes en décrépitude.
Plusieurs de nos politiciens, d'une malhonnêteté intellectuelle patente et d'une mauvaise foi pathétique, manipulent allègrement les informations pour neutraliser toute tentative sérieuse d'engagement, aussi timide soit-il. Ils refusent l'évidence en ne développant pas en priorité nos transports en commun. Ils s'entêtent à dilapider le territoire et refusent une planification mieux ordonnée et plus harmonieuse de nos milieux urbains.
Dans vingt ou trente ans, ces maîtres de l'esquive et de l'aveuglement volontaire mériteront d'être poursuivis en cour internationale pour crime d'abstention contre l'humanité. Et malheureusement pour nous, ce «si tant beau et grand Canada», avec ses fières Rocheuses et ses vastes prairies engluées de lacs goudronnés, devra être compté parmi les gouvernements criminels qui n'auront pas voulu prendre leurs responsabilités civiles et politiques.
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Gaston Hogue - Architecte paysagiste, Trois-Rivières


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