Le prestigieux hebdomadaire "Courrier International", à l'approche de la conférence de Copenhague, range le Canada parmi les cancres. Ce pays a pourtant eu à bien des égards et pendant des années, une réputation internationale enviable. Lester Pearson, Premier ministre, inventeur des "casques bleus" et prix Nobel de la paix, a puissamment contribué à cette image. Il faut dire que la concurrence n'était pas très forte à l'époque. Parmi les pays qui parlaient de façon crédible et que l'on écoutait, il n'y avait pratiquement que des grandes puissances. Elles se situaient dans les rangs des vaincus ou des vainqueurs de la deuxième guerre mondiale. Le Canada faisait partie de cette dernière catégorie sans toutefois être une grande puissance. Il n'avait, par ailleurs, jamais eu de passé colonial (sauf peut-être à l'égard du Québec!!!). Il n'avait donc pas vraiment d'ennemis, et plusieurs des caractéristiques requises pour attirer la sympathie.
Tout a basculé en moins de dix ans pour quatre raisons principales. D'abord à l'ère du G-6, le Canada représentait une fraction non négligeable de cette équipe. Au G-20, en revanche, alors que s'y retrouvent la Chine, la Russie, le Brésil et l'Inde, son poids relatif en est extrêmement réduit. On ne peut pas blâmer le Canada pour la montée des autres, mais il en subit les conséquences en terme d'influence.
Les trois autres raisons de la dégringolade de prestige et d'estime sont, elles, bien clairement "made in Canada". Premièrement, contrairement à la sage tradition pearsonnienne, le gouvernement Harper a agi sans nuances dans le dossier du Moyen-Orient. Le dernier épisode de l'antisémitisme imputé au parti libéral, illustre bien la grossièreté de l'approche conservatrice. Le drame du Moyen-Orient est complexe. Le seul rôle positif que le Canada puisse y jouer est de contribuer à l'apaisement et de soutenir ceux qui, dans les deux camps, souhaitent honnêtement la paix. C'est la seule voie pour une puissance moyenne de tradition conciliatrice, et dont une partie importante de la population a des origines levantines diverses. Au lieu de cela, Harper, avant tous les autres, dans l'affaire de la regrettable prise du pouvoir par le Hamas à Gaza, a eu une attitude prématurée et carrée qui l'excluait des pacificateurs crédibles et le discréditait aux yeux de plusieurs pays.
Une autre raison, tout aussi grave, de la chute d'estime du Canada est sa façon d'aborder les questions des droits fondamentaux à l'échelle internationale et, en particulier, son comportement dans divers agissements liés à la torture et qui se retrouvent dans l'actualité.
La dernière raison de la perte de prestige du Canada, et certainement la plus grave, est liée à sa façon d'aborder les questions environnementales et en particulier sa défense de l'exploitation des sables bitumineux pour des motifs purement mercantiles et liés à des calculs politiques partisans. Les fameux gisements polluants sont géographiquement au coeur des bastions du parti conservateur. Le Canada qui est un des premiers pollueurs de la planète fait donc aussi partie des pays qui se traînent les pieds dans l'atteinte d'un accord sérieux et à Copenhague.
Cela met en lumière, une fois de plus, l'absurdité pour le Québec de ne pas être indépendant. Il devrait siéger à la table des nations dans la capitale danoise. Comme d'ailleurs dans toutes les autres institutions internationales où sont prises des décisions majeures nous concernant et dont notre humiliant statut provincial nous exclut.
En environnement en particulier, alors que le Canada fait partie des derniers de la classe, et que le Québec est l'un des premiers. Notre façon principale de produire de l'énergie ne dégage aucun gaz à effets de serre. Nous sommes essentiellement hydrauliques. Le Canada est au charbon, au mazout et au gaz. Par tête, il pollue plus que les Chinois et pratiquement tous les autres.
Le jour qui approche de l'automobile branchée la nuit sur notre réseau électrique va faire de nous des champions mondiaux de la protection de l'environnement. Et les sables canadiens seront toujours aussi bitumineux.
Notre absence de Copenhague ressemble au geste d'un professeur qui délèguerait à un concours télévisé de connaissances générales le cancre de la classe plutôt que le "bollé". Le Canada, en parlant à notre place, alors que les élus de son gouvernement sont marginaux au Québec et que nos représentants au Parlement d'Ottawa sont aux deux-tiers indépendantistes, consacre le déficit démocratique de notre non-indépendance. Autre raison pour accélérer la marche vers l'indépendance.
Bernard Landry
L'opinion de Bernard Landry #42
Le cancre et le "bollé"
Copenhague - 15e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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