Lancée officiellement en septembre 2016, et présidée depuis sa création par l'ancien député du Bloc québécois (1997-2000) et du Parti québécois (2003-2008) M. Daniel Turp, l'Institut de recherche sur l'autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI) paraît malheureusement être un organisme fantôme.
S'intéressant à la question du « droit à l'autodétermination des peuples », Vigile a tenté de connaître quelles étaient les études produites par l'IRAI sur le cas spécifique du Québec et quelles conclusions l'organisation tirait-elle des récentes révélations de Jean Chrétien sur le refus du Canada de reconnaître le résultat d'un OUI gagnant au référendum de 1995.
Tentant de prendre contact avec l'organisme, nous avons découvert que l'IRAI a toutes les apparences d'une coquille vide : non seulement les bureaux de l'organisme semblent déserts, mais il nous est apparu impossible d'entrer en contact avec quiconque de l'Institut.
Mais, le plus grave, c'est que l'IRAI paraît enfermée dans une vision purement légaliste et juridique des indépendances nationales en demeurant totalement étrangère aux rapports de force géopolitiques entre les régions sécessionnistes et les États centraux. L'Institut semble incapable de comprendre un principe évident des relations internationales : la force prime le droit !
La Catalogne comme exemple
Un exemple frappant de cette naïveté nous a été démontré sur le cas Catalan.
En effet, M. Turp a défendu la légitimité et la légalité du référendum d'indépendance tenu le 1er octobre 2017 par le gouvernement de coalition de la Generalitat de Catalogne.
Dans la conclusion du premier rapport produit par l'IRAI, et qui porte sur le cas catalan, on peut y lire ceci :
« Reconnaissant que des opinions divergentes ont été exprimées par rapport au droit de la Catalogne et d’autres peuples non-coloniaux d’établir des États souverains et indépendants dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination, le professeur Turp a estimé que l’existence d’un tel droit pouvait notamment se trouver un fondement juridique dans les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme. Un argument en faveur du droit de décider de la Catalogne s’appuie sur des développements récents du droit européen, une tradition constitutionnelle commune quant à la reconnaissance des résultats des référendums sur l’indépendance ayant émergé. »
Au-delà du romantisme indépendantiste que la lutte politique des Catalans peut générer chez les souverainistes québécois - et l'on comprend la sympathie que l'on peut avoir pour leur cause - il est extrêmement préoccupant de constater que l'IRAI et M. Turp furent incapables de prévoir la réaction de l'État espagnol, de l'Union européenne et des autres pays de l'OTAN quant aux résultats d'un référendum catalan « gagnant ».
Pour rappel, l'équipe de Vigile - par l'intermédiaire de Nomos-TV - avait largement annoncé la catastrophe politique que serait le référendum catalan, au grand dam des souverainistes institutionnels bercés dans l'illusion référendaire depuis plus de cinquante ans.
- http://nomos-tv.com/geopolitique-101-sortir-de-la-logique-referendaire-les-cas-ecossais-catalan-et-quebecois
- http://nomos-tv.com/referendum-en-catalogne-la-fin-de-la-naivete-souverainiste
L'effectivité du référendum et le droit à l'autodétermination
Afin de contribuer au débat public portant sur la question du droit à l'autodétermination des Québécois, nous publions ici la lettre que nous avons envoyé à M. Turp et qui demeure, jusqu'à ce jour, sans réponse.
Il est pourtant fondamental de savoir si, dans le contexte canadien, le droit à l'autodétermination du Québec n'est au fond qu'une fiction politique entretenue depuis cinquante ans par les idéalistes du Parti québécois. Tout le câdre stratégique pour l'accession à l'indépendance pourrait en être modifié en profondeur, notamment quant au processus référendaire qui a été érigé en véritable culte au sein du mouvement indépendantiste.
En espérant que l'IRAI - si cet organisme est toujours actif - saura prendre la balle au bond et creuser davantage la question du droit à l'autodétermination des Québécois et répondre aux interrogations légitimes des souverainistes.
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Cher M. Turp,
Je vous contacte au sujet de votre intervention sur le droit à l'autodétermination que vous avez donné au colloque en l'honneur de Maurice Séguin.
J'aurais aimé vous poser une question afin de savoir si l'IRAI s'était penché sur l'effectivité du référendum de 1995 en cas de victoire du OUI :
« Considérant qu'il semble y avoir deux conditions à remplir pour en arriver à un changement de statut qui soit effectif, c'est-à-dire :
1) la capacité réelle de l'État sécessionniste à exercer son pouvoir sur l'ensemble de son territoire,
2) la reconnaissance de son nouveau statut à l'international.
Considérant les dernières révélations (biographies de Jean Chrétien, Clinton Papers, Bataille de Londres) à l'effet que ni Ottawa, ni Washington, ni Londres n'avaient l'intention de reconnaître l'indépendance du Québec advenant la victoire du OUI ;
Considérant que la France avait assurée sa reconnaissance mais qu'elle avait fait savoir qu'il incomberait au Québec de convaincre les autres capitales européennes de reconnaître le résultat du référendum ;
La victoire du OUI lors du référendum de 1995 assurait-elle réellement la souveraineté effective de l'État du Québec ? »
Car, si le référendum était sans effectivité, cela voudrait dire que le droit à l'autodétermination des Québécois reposait sur une simple fiction juridique.
Cela aurait des effets directs sur le cadre stratégique à adopter pour faire du Québec un État souverain.
Il serait intéressant d'avoir l'avis de l'IRAI sur la question de l'effectivité du processus référendaire de 1995.
Merci pour votre précieux temps.
Salutations,
Jean-Claude Pomerleau
(Membre du CA de Vigile.Québec )
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4 commentaires
Éric F. Bouchard Répondre
3 février 2019On ne peut que féliciter Vigile d’avoir mis sur pied un cercle de réflexion, mais pour que cette initiative soit pleinement fructueuse, il faudrait l’élargir à d’autres gens qu’aux seuls admirateurs des travaux de M. Sauvé ou de M. Pomerleau.
Car en ne limitant pas la question nationale à une sèche conception de l’État, on pourrait enrichir la réflexion et y donner plus de profondeur et d’écho.
Ainsi, lorsqu’on aborderait un droit aussi vital pour nous que celui de l’autodétermination des peuples, on éviterait peut-être de le confondre avec un droit de sécession bien incertain du Québec pour en conclure qu’il est finalement fictif.
Cette confusion n’est que le fruit de la québécitude. Jusqu’en 1967, il est clair que le droit à l’autodétermination est réclamé par la nation canadienne-française qui cherche à l’exercer en prenant peu à peu le plein contrôle du Québec. Elle y est presque arrivée du fait de l’action de l’Union nationale, mais aussi de l’extraordinaire mobilisation qui mena à la tenue des États généraux du Canada français. On réclamait alors ouvertement que Québec soit, pour les Canadiens-Français, le siège d’un pouvoir équivalent à celui d’Ottawa pour les Canadiens anglais. Le Québec devait devenir le Canada-Français et ainsi mettre un terme à la Conquête.
Malheureusement, les idéologues de la québécitude ont tourné le dos à ce combat. Cherchant tout comme les trudeauistes à éteindre la nationalité canadienne-française, ils ont consacré tous leurs efforts à promouvoir et établir une identité québécoise inclusive qui puisse, avec le temps et les changements démographiques, faire une place grandissante à toutes les communautés culturelles et en particulier à la « communauté québécoise d’expression anglaise ».
C’est sur cet ensemble de communautés, sur ce «peuple québécois», civique par définition et que doit servir désormais l’État du Québec, que les péquistes ont plaqué artificiellement le droit à l’autodétermination des Canadiens-Français pour mieux nous confondre.
Mais en réalité cela n’avait rien à voir. En organisant des référendums pour l’ensemble des électeurs québécois, les péquistes cherchaient bien plus à concrétiser leur idéologie post-nationale qu’à prouver la légitimité d’une éventuelle sécession de la province. Et pour cause, ce droit de sécession restait alors et reste toujours bien hypothétique. Un droit de sécession qui, suivant l’exemple catalan, n’aurait vraisemblablement pas été reconnu par la communauté internationale. Il ne faut jamais oublier que la création de la province de Québec fonde le Canada «britannique» et qu’elle n’a jamais existé que comme partie de celui-ci.
Le seul droit à l’autodétermination qui vaille ici est celui de la nation canadienne-française, et il n’a rien d’une fiction.
Jean-Claude Pomerleau Répondre
1 février 2019Jean-Claude Pomerleau Répondre
2 février 2019Suite à la défaite référendaire de 1980, René Lévesque a accepté de biffer le mot « autodétermination » ... à la demande de P E Trudeau !
Extrait du livre : René Lévesque, L'homme brisé
Pierre Godin (Boréal)
(Contexte : Conférence constitutionnelle du 15 septembre 1980 :JCP)
p 55 (Trudeau) Il est prêt à inscrire dans la déclaration de principe de la future Constitution le caractère distinct du Québec, mais à une condition : René Lévesque doit biffer de son texte l'expression « peuple québécois » pour y substituer « société québécoise ». Pourquoi pas ? Le chef indépendantiste accepte même de rayer le mot « autodétermination ». La déclaration de principes évoquera donc la volonté d'une province de faire partie « librement » de la fédération. (p 55)
Livre : René Lévesque, L'homme brisé
Pierre Godin (Boréal)
Pierre Bourassa Répondre
1 février 2019Tout un questionnement.Tant qu'à se réveiller, aussi bien le faire du tout début. Si M.Turp ne répond pas, peut-être que PKP le fera ? Je me souviens avoir vu une caricature dernièrement. Dans un espace publique, il y a deux kiosques d'informations. Au dessus du premier guichet est affiché : VÉRITÉS QUI DÉRANGENT ; au dessus du second : MENSONGES RÉCONFORTANTS. Vous devinez la suite. Une immense file d'attente devant le second et personne devant le premier.