On a beaucoup insisté sur le fait que le ministre de la Santé, Philippe Couillard, au nom de son gouvernement, a dit non aux principales recommandations du Groupe de travail sur le financement de la santé présidé par Claude Castonguay, et plus particulièrement sur l'utilisation de la TPS pour financer la santé.
Mais derrière ce débat sur la TPS s'en profile un autre, autrement plus important. Si on n'augmente pas la TPS, ou si on ne demande pas aux patients de payer de leur poche d'une façon ou d'une autre, qu'est ce qu'on fera? Où va-t-on prendre l'argent?
Car le rapport du Groupe de travail repose sur un constat: les efforts pour augmenter la productivité du système de santé ne suffiront pas. Si on veut éviter que la croissance des dépenses en santé, plus forte que la croissance de l'économie, accapare de plus en plus de fonds publics et affecte les autres missions de l'État, il faudra aussi augmenter les revenus. Le rapport est bâti là-dessus.
Le ministre Couillard ne partage pas cette analyse. Non seulement s'oppose-t-il à une augmentation du fardeau fiscal pour la santé, mais il estime aussi qu'il est possible d'améliorer la qualité du système de santé et de contenir la croissance des dépenses à un niveau acceptable en changeant les façons de faire.
Qui a raison? C'est un débat fondamental quand on veut réfléchir au financement du système de santé. Et pourtant, le groupe de travail n'est pas allé au fond de cette réflexion. Cela peut sembler étonnant. Mais cela révèle un malaise, sur lequel je n'arrive pas vraiment à mettre le doigt. Je ne peux que partager ma perplexité.
Pourquoi cette question centrale au propos n'est pas abordée? Parce que le rapport de Jacques Ménard l'avait déjà abordé. Et parce que le mandat même de la commission reposait sur l'idée qu'il fallait des sources de revenus additionnelles. On n'a pas demandé à M. Castonguay s'il fallait de l'argent neuf ou non. On lui a demandé de trouver des façons d'aller en chercher: «proposer au gouvernement des sources additionnelles de financement». C'était clair comme de l'eau de roche. M. Castonguay et ses collègues ont donc proposé des sources additionnelles pour se faire dire que le gouvernement ne voulait pas de hausse du fardeau fiscal.
Il y a une énorme confusion. Elle peut venir d'une lecture trop littérale du mandat par M. Castonguay. Ou du fait que le gouvernement libéral a peut-être cheminé dans sa réflexion pendant que le groupe poursuivait ses travaux. Ou encore parce que des points de vues divergents se sont exprimés, notamment entre la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, et Philippe Couillard.
Et ça fait une énorme différence. La proposition du Groupe de travail consiste à prendre les moyens pour que les dépenses de santé augmentent de 3,9% par année, ce qui est le rythme de croissance de la richesse, au lieu des 6% ou 7% habituels. On prévoit qu'on y arrivera de façon graduelle, d'ici sept ans. Mais comme les dépenses auront augmenté trop vite dans les premières années, on propose des revenus additionnels pour compenser cette ponction, un peu plus de 2 milliards par année, grâce à la franchise et à la TPS. Le scénario de M. Couillard est tout autre. Il ne veut pas d'augmentation du fardeau fiscal, et il estime que si on réussit à ramener la croissance des dépenses à 5% par an, ce sera un beau succès.
La différence entre les deux scénarios est significative. En gros, selon mes calculs à la mitaine, la stratégie du Groupe de travail consiste, sur une période de 10 ans, à aller chercher 16 milliards en gains d'efficacité, et 21 milliards en ponctions fiscales, soit un total de 37 milliards. La démarche évoquée par le ministre représenterait une réduction des dépenses de 6,5 milliards. Avec le scénario Castonguay, les dépenses nettes de santé se situeraient à 35 milliards en 2017, et avec le scénario Couillard, elles seraient à 40.
D'où vient l'optimisme prudent de M. Couillard? Sans doute d'une analyse moins catastrophiste de l'évolution des dépenses de santé, ou d'une plus grande confiance dans la capacité d'augmenter la productivité. Aussi peut-être aussi parce qu'il croit que l'on peut améliorer la qualité des soins avec les ressources actuelles. Et si on réussit à se sortir du cercle vicieux où les injections de fonds ne se traduisent pas en résultats, la hausse des dépenses en santé deviendra plus acceptable.
C'est un débat important, qui n'a pas été suffisamment approfondi, et qui est nécessaire pour la suite des choses. Faudra-t-il un autre comité de travail?
Le débat qui n'a pas eu lieu
Car le rapport du Groupe de travail repose sur un constat: les efforts pour augmenter la productivité du système de santé ne suffiront pas.
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