La Caisse de dépôt, selon les révélations de La Presse, affichera des résultats désastreux pour 2008, avec un rendement négatif de 26%, ce qui fera fondre le bas de laine des Québécois de 38 milliards. Cette perte colossale ne s'explique pas seulement par la crise qui a secoué les places boursières, parce que les caisses de retraite canadiennes comparables s'en sont mieux tirées, avec un recul de seulement 18%.
Qu'est-ce qui s'est passé? On ne le saura pas tant qu'on n'aura pas examiné les résultats détaillés de la Caisse, à la fin du mois, que les dirigeants présents et passés de l'institution ne se seront pas expliqués, que leurs chiffres n'auront pas été soumis à un examen extérieur.
Mais il y a une hypothèse que l'on peut déjà écarter, et c'est que le changement de mandat de la Caisse soit à l'origine du dérapage. En 2004, le gouvernement Charest a modifié la loi qui régit la Caisse de dépôt, pour entre autres mettre fin à la double mission qui lui était confiée depuis sa fondation: la recherche de rendement pour les déposants et le développement économique du Québec. Depuis, la Caisse doit donner priorité au rendement. Mais l'idée que ce changement puisse expliquer les mauvais résultats ne résiste pas à l'analyse. J'irais plus loin, elle est parfaitement incohérente.
Cette thèse a été mise de l'avant par le PQ et l'ADQ, lorsqu'ils réclamaient la divulgation des résultats de la Caisse pendant la campagne électorale. On comprend pourquoi. Cela aurait permis d'attribuer la responsabilité des problèmes de la Caisse au gouvernement Charest.
L'idée que c'est la faute au mandat ne tient pas debout pour une raison bien simple. Si on a demandé à la Caisse de privilégier d'abord de rendement, et que ses avoirs ont fondu de 26%, il est assez évident que la Caisse n'a pas livré la marchandise et ne s'est manifestement pas acquittée de sa mission. En outre, comme d'autres caisses, qui n'ont pas l'obligation de servir le développement économique, ont mieux fait que la Caisse de dépôt, on peut facilement en déduire qu'un mandat de rendement ne mène pas, en soi, à la catastrophe.
Le problème, ce n'est pas le mandat, mais le risque. La stratégie de placement, on l'a découvert après coup, s'est révélée trop agressive. La Caisse a accepté un niveau de risque trop élevé ou a mal évalué les risques. Pour en attribuer la responsabilité au gouvernement, le critique financier de l'opposition, François Legault, affirme maintenant que celui-ci a poussé la Caisse à rechercher un rendement maximal. C'est une accusation grave que rien ne permet d'étayer.
Rappelons aussi que la modification du mandat, adoptée par le gouvernement Charest à la suggestion du pdg de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, n'avait pas pour but de cautionner un virage brutal dans les pratiques de la Caisse, mais plutôt de clarifier les choses, de faciliter la reddition de comptes, en mettant fin à la confusion engendrée par une double mission contradictoire et imprécise.
Il y aura, dans les semaines et les mois qui viennent, une chasse aux coupables et des règlements de comptes, parce qu'on voudra que quelqu'un, quelque part, paye pour ce cafouillage. Mais il faudra aussi réfléchir aux solutions, pour éviter que de telles choses se reproduisent. Sur la gestion du risque, sur la composition et le rôle du conseil d'administration, sur les meilleures façons de concilier l'indépendance de la Caisse avec les exigences d'une information adéquate.
Mais si on veut répondre intelligemment à ces questions, et le faire intelligemment, il faudra que le débat sur la Caisse réussisse à s'élever au-dessus de la politique partisane. Est-ce rêver?
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