Le damoiseau et la demoiselle

Croyez-vous m’acheter de paroles oiseusesDont il ne resterait bientôt qu’un peu de vent ?

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Tribune libre - 2007

Un jour, un damoiseau perché à Charlevoix

[À une pucelle troussa ce compliment->8637].

«Du haut de mon rocher, je devine en rêvant

Ce que tout prétendant, alerté par l'émoi,

Voudrait bien connaître sous vos dessous si blancs.»
«Eh! Quoi, vous prétendez me connaître à ce point

Que vous croyez savoir, sans l'avoir jamais vu,

Ce trésor que je tiens bien loin de toute vue?

Votre discours flatteur n'aurait-il pas un brin

De prétention osée et d'espoir libertin?»
Une main sur le coeur et dans l'autre une fleur,

Le damoiseau jura n'avoir qu'une intention

Tant honnête que sainte et qu'on verrait, si on

Lui accordait le temps d'en venir à son heur,

Qu'il ne vendrait jamais du lard pour du cochon.
«Bien, rétorqua-t-elle, le scrutant des deux yeux,

Mais j'ai déjà trop cru des histoires pareilles

Où l'on me promettait moults monts et merveilles.

Ce que vous m'en dites me semble plutôt peu:

Vous enflez votre voix d'un contenu verbeux.
Croyez-vous m'acheter de paroles oiseuses

Dont il ne resterait bientôt qu'un peu de vent?

J'ai su qu'il me fallait compter avec le temps

Dont j'ai déjà perdu beaucoup trop d'heures creuses.

Donc, ne balancez plus et dites: c'est pour quand?»
C'était lors délicat de s'engager tout droit.

Songeur, le damoiseau lui dit en hésitant:

«J'ai des affaires à voir qui exigent du temps,

La vie est compliquée; mes compères, en émoi...

Je dirais... un mandat, peut-être deux ou trois.»
La donzelle à ces mots leva les bras aux cieux.

On l'entendit rugir jusqu'au fond du vallon.

Pointant un doigt vengeur vers ce petit poltron:

«J'ai trop vite vieilli d'écouter des morveux!

J'attendrai plus sérieux, pressé et moins abscons.»
Raymond Poulin
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